Longtemps épargné par les mouvements insurrectionnels qui ont enflammé le nord du pays depuis les années 1980, le sud de l’Algérie, riche en ressources naturelles, est désormais un épicentre de contestations.
Dans un rapport intitulé Sud de l’Algérie, turbulences à l’horizon, le think tank ICG s’intéresse aux origines de ces soulèvements qui se sont multipliés depuis 2013 dans les villes de Ghardaïa, In Salah et Ouargla, en plein cœur du Sahara. Des troubles dus en partie aux nombreux changements qui traversent actuellement cette région longtemps délaissée par l’État central.
En phase d’urbanisation intense, le sud algérien regroupe seulement 10% de la population totale du pays mais compte 36% des localités les plus pauvres du territoire. En outre, les bouleversements sociaux dans le sud algérien sont aujourd’hui symptomatiques de l’incapacité des autorités algériennes à répondre aux revendications des populations de cette zone autrement qu’à travers la distribution d’avantages et de prébendes ou par la répression. Des méthodes pointées comme insuffisantes à l’heure où le pays traverse une période d’instabilité alimentée, d’une part, par la baisse des prix du pétrole qui ne permet plus au régime d’acheter systématiquement la paix sociale et, d’autre part, la guerre de succession au président Abdelaziz Bouteflika.
Violences intercommunautaires à Ghardaïa
Depuis 2013, la province de Ghardaïa, qui compte près de 360 000 habitants est le théâtre de violences sanglantes entre communautés arabes et mozabites – un groupe berbère adepte de l’Ibadisme, un courant de l’Islam. Les tensions se sont accélérées à partir de novembre 2013 lorsqu’à la suite d’affrontements après un match de football dans la ville de Guerrara à un centaine de kilomètre de la ville de Ghardaïa, les forces de l’ordre ont été accusées par les communautés mozabites d’intervenir en faveur des communautés arabes.
« Le mois suivant, des manifestants mozabites ont fait fermer le centre ville de Ghardaïa en exigeant des autorités qu’elles rendent publique les procédures d’attribution de logements et de terrains publics. Après la réouverture de la zone par la police, les commerces Mozabites ont été brûlés, donnant lieu ensuite à des représailles. Au total, quinze personnes sont mortes dont une majorité de Mozabites », rappelle le rapport. Depuis, les quartiers accueillant autrefois différentes communautés se sont progressivement ghettoïsés et des groupes d’autodéfense mozabites se sont formés.
Par ailleurs, outre leur opposition frontale, Arabes et Mozabites font face à d’importantes divisions internes.
« Alors que les conditions sociales et économiques se sont dégradées, les élites Mozabites (…) ont perdu les liens qu’elles avaient noué avec les jeunes ». Incapables de protéger les membres de la communauté et perçues comme étant cooptées par l’État, les autorités traditionnelles perdent du terrain au bénéfice d’autres activistes tels que Fekhar Kameleddine, un médecin qui a fondé le « Mouvement pour l’Autonomie du Mzab » et a écrit au Secrétaire général de l’Onu pour dénoncer une campagne de « nettoyage ethnique » menée par l’État algérien.
De son côté, la communauté arabe est éclatée entre tribus Chaamba, Medebi, Said et Mokhadema.
« En général, celles-ci ont tendance dernièrement à glisser vers le satanisme et comptent même quelques éléments très militants. Par exemple, des appels à la violence ont été lancés par Ahmed Seqlab, un jeune imam formé en Arabie saoudite, très suivi sur les réseaux sociaux. Également, la chaîne de télévision par satellite privée, Iqraa, sous influence saoudienne et populaire chez les mouvements salafistes algériens a ordonné la diffusion d’une fatwa prononcée par un religieux algérien qui a déclaré que les adeptes de l’Ibadisme étaient les “ennemis d’Allah”. »
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Enfin, la réappropriation du conflit par des partis politiques algériens qui capitalisent sur le sectarisme aggrave nettement la situation. La section locale du FLN, parti national majoritaire en Algérie, a longtemps été dominée par la puissante tribu arabe Chaamba qui combine une identité culturelle et nationaliste arabe avec des méthodes parfois brutales. Les plus radicaux ont affaibli les élites mozabites traditionnelles qui se sont rangées du côté du discours modéré du deuxième parti du pays, le Rassemblement national démocratique (RND). Fekhar Kameleddine, de son côté, a noué des liens avec le Front des Forces Socialistes (FFS), un parti historique d’opposition pro-berbère, avant de fonder sa propre formation politique séparatiste.
In Salah, la rebelle
Située à 1 200 kilomètres au sud d’Alger, la ville d’In Salah peuplée d’à peine 40 000 habitants est récemment devenue l’épicentre d’un mouvement écologiste national. Lorsqu’en 2014, le ministre de l’énergie Yousef Yousfi a annoncé le succès du premier test de forage pour l’exploration de gaz de schiste, les autorités locales n’avaient même pas été informées.