On se disait, une bordée de prix littéraires sans livre sur la Shoah, quelque chose ne tourne pas rond chez les jurés français (d’ailleurs, ceux du Goncourt ont été accusés d’antisémitisme par l’ambassade d’Israël). Les jurés du Femina, qui distribuent en fait trois prix (ça permet de vendre trois Femina un mois et demi avant Noël) ont retoqué cette injustice et rétabli cette tradition, en attribuant à l’inoubliable Annette le « Femina essai » pour son bouquin sur le destin de sa propre famille.
« À cause de mon travail, on rabat ce livre sur la Shoah. »
On commence par l’intro du Point, le canard où BHL livre chaque semaine son bloc-notes va-t’en-guerre :
On ne compte plus les ouvrages d’Annette Wieviorka consacrés à la Shoah, aux camps d’Auschwitz, de Drancy. Pas une fois, elle n’y avait évoqué le destin des siens. « L’histoire de tous plutôt que celle des miens : l’évitement du “je” au profit du “nous” », écrit-elle à la fin de Tombeaux, primé ce lundi par le prix Femina 2022.
Annette livre le pourquoi de ce livre personnel quand on est une grande spécialiste de la Shoah et des camps :
« Cette connaissance fine de la topographie des camps combinée aux centaines de témoignages de survivants que j’ai enregistrés ou lus, dont j’ai parfois écrit la préface, auraient dû combler le vide creusé par la disparition des miens et me permettre d’imaginer leur sort. Il n’en est rien. » Un temps pour les autres, un temps pour les siens.
Il y a des millésimes où beaucoup plus de prix ont été attribués à des livres traitant de la Shoah. Cette année, ce sont plutôt les souffrances des femmes qui sont à la mode, un peu comme les films LGBT trustent les récompenses à Cannes (et plombent les entrées dans les salles) depuis quelques années. On voit que certains secteurs de la culture sont l’objet d’une espèce de privatisation par des communautés plus ou moins victimaires. Par exemple, la danse est en train d’être bouffée par le lobby LGBT qui place ses membres un peu partout au détriment de la compétence et de la tradition. Un jour, l’école de danse classique française s’effondrera. Pour l’instant, elle tient encore tête à l’école russe, mais ses jours sont comptés.
Pour la littérature, c’est foutu (on parle de la littérature mainstream) : il n’y a plus que du bien-pensant, du woke, de la pleurniche, du moi-je, un narcissisme qui éloigne le lecteur. Ces minorités agissantes ont mis la main sur les secteurs culturels et fait fuir le grand public. On a beau dire, les livres se vendent moins.
On parlait de pleurniche, regardez la fournée 2022 : le pix FNAC 2022 est attribué à Sarah Jollien-Fardel (toujours ces noms à tiroirs de femmes « indépendantes » qui ne veulent plus prendre le nom de leur mari ou de leur ex mais qui le gardent pour faire noble) pour son bouquin sur la brutalité du père. Elle est éditée chez Sabine Wespieser :
Dans ce village haut perché des montagnes valaisannes, tout se sait, et personne ne dit rien. Jeanne, la narratrice, apprend tôt à esquiver la brutalité perverse de son père. Si sa mère et sa sœur se résignent aux coups et à la déferlante des mots orduriers, elle lui tient tête. Un jour, pour une réponse péremptoire prononcée avec l’assurance de ses huit ans, il la tabasse. Convaincue que le médecin du village, appelé à son chevet, va mettre fin au cauchemar, elle est sidérée par son silence.
Dès lors, la haine de son père et le dégoût face à tant de lâcheté vont servir de viatique à Jeanne. À l’École normale d’instituteurs de Sion, elle vit cinq années de répit. Mais le suicide de sa sœur agit comme une insoutenable réplique de la violence fondatrice.
On s’est un peu trompés dans l’intro parce qu’on a oublié le prix Décembre, qui n’est pas le plus majestueux, et qui a été accordé à Lola Lafon pour son histoire où elle passe une nuit dans le musée Anne Frank, « un récit introspectif d’une beauté sidérante, hommage à la jeune martyre juive et à tous les “absents”, victimes de la barbarie des hommes », selon Les Échos. Pour ceux qui ne connaissent pas Lola, voici le résumé de Wikipédia : « une femme écrivain, chanteuse, compositrice, féministe et libertaire française ». Carrément une multi-génie, une Léonarde de Vinci du XXIe siècle. Féministe et libertaire sont ici deux qualités, deux métiers, deux arts, hein.
On arrête là et on résume les prix littéraires 2022 : des femmes en souffrance, des pères ignobles, des nazis, heureusement, il reste le Renaudot de Simon Liberati, qui parle d’une merveilleuse histoire d’amour entre un vieil homme et sa belle-fille de 50 ans sa cadette. Une situation à peine romancée puisque Liberati a eu, après sa rupture d’avec sa compagne Eva Ionesco, qui l’a très mal pris (il y a eu embrouille au couteau et procès), une liaison avec son ex-belle fille, qui « écrit » elle aussi.
On a retrouvé l’image de ce couple glamour, qui montre que l’amour peut triompher de tout, et de toutes les différences, d’âge, de confession, et aussi merde à l’inceste, quoi : Woody Allen a bien choisi de prendre pour femme sa fille adoptive.
- En 2019, la petite famille était unie
Ensuite, Clara s’est émancipée.
Ah, le mot de la fin au prix de l’Académie française attribué à Giuliano Da Napoli pour son Mage du Kremlin (ça sent le Raspoutine de Poutine), un livre évidemment sur le méchant Poutine. D’après les observateurs, c’est ce livre qui aurait dû avoir le Goncourt à la place du Brigitte Giraud qui parle de son mec mort (là pour le coup c’est un livre d’amour et pas de détestation pour les hommes, ça change).
On appréciera la question de l’animateur à propos de l’auteur qui ferait « preuve d’une forme de complaisance envers Vladimir Poutine ». On est bien en France, sur un média mainstream...