Les jurés du Goncourt sont-ils devenus fous ? Normalement, ce prestigieux prix littéraire commercial va d’habitude à un livre qui traite du nazisme, de la collaboration, de la Shoah ou d’une enfance persécutée pendant les années 30. Or que se passe-t-il lors du 4e tour de délibérations ? Le Goncourt s’en va à un petit Français, Nicolas Mathieu (il faudra néanmoins vérifier son arbre) qui parle vous savez de quoi ? De jeunes qui s’emmerdent dans une ville de l’Est avec des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus...
En même temps, ça aurait pu, hein.
« Août 1992. Une vallée perdue quelque part dans l’Est, des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, pour tuer l’ennui, il décide de voler un canoë et d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence. »
Ça c’est le pitch de Leurs Enfants après eux qui figure sur le site d’Actes Sud, l’éditeur du Goncourt. Là aussi, c’est presque un scandale car en général, la gourmande Galligrasseuil rafle tous les prix. On se demande si la Nyssen, ex-patronne de la maison d’édition et fraîchement débarquée du gouvernement pour cause de boulettes, n’aurait pas reçu de la sorte un prix de consolation...
Mais ne voyons pas le mal partout, ne faisons pas insulte à l’écrivain et fêtons comme il se doit le fait que le Goncourt s’intéresse aux petits Français qui ont le mal de vivre, entre chômage et désœuvrement...
« Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman d’une vallée, d’une époque, de l’adolescence, le récit politique d’une jeunesse qui doit trouver sa voie dans un monde qui meurt. Quatre étés, quatre moments, de Smells Like Teen Spirit à la Coupe du monde 98, pour raconter des vies à toute vitesse dans cette France de l’entre-deux, des villes moyennes et des zones pavillonnaires, de la cambrousse et des ZAC bétonnées. La France du Picon et de Johnny Hallyday, des fêtes foraines et d’Intervilles, des hommes usés au travail et des amoureuses fanées à vingt ans. Un pays loin des comptoirs de la mondialisation, pris entre la nostalgie et le déclin, la décence et la rage. »
Oui ben la France, quoi. Il était temps de s’en rendre compte. Les jurés du Goncourt ont découvert qu’il y avait une vie (une non-vie en l’occurrence) en dehors des frontières de Paris ! En passant, on n’est pas si loin de la vérité car la ville de Paris aura bientôt son péage, comme Londres, et du coup, nous voilà revenus à ces temps féodaux où chaque comté avait son droit de passage. Hélas, l’Anne de Paris ne sera plus là pour ramasser la monnaie...
Le Renaudot va lui à Valérie Manteau, l’histoire d’un journaliste turco-arménien (oxymore ?) abattu devant le siège de son journal. Valérie est une ex-chroniqueuse de Charlie Hebdo. Second livre qui ne parle pas de Shoah, c’est un effet de la lune noire ou quoi ?
En plus le bouquin de Valoche est carrément arménophile (ou alors erdoganophobe), ce qui en remet une couche dans le genre compète de souffrance juifs/Arméniens.
Phlippe Lançon, le survivant de Charlie, a touché lui un prix spécial du jury pour son livre qui raconte sa lente remontée de l’enfer du 7 janvier 2015.
Globalement, on reste quand même dans la souffrance, mais elle change un peu de camp.