On pourrait certes replacer la récente hausse de la mortalité infantile en France dans sa longue évolution depuis un siècle et plus, et la considérer en conséquence comme minime. Mais cette augmentation est au contraire jugée par les spécialistes comme étant significative. Nous vous invitons donc au contraire à la voir pour ce qu’elle est très vraisemblablement : un signal faible, autrement dit une information d’alerte précoce.
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C’est une annonce qui va à l’encontre du sens de l’histoire. Le 1ᵉʳ mars, une étude parue dans la revue scientifique The Lancet alertait sur une « augmentation historique de la mortalité infantile en France », soit la mortalité des nourrissons avant leur premier anniversaire.
Cet indicateur, qui n’avait cessé de baisser depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, s’est tassé entre 2005 et 2012 avant de commencer à augmenter de 7 % entre 2012 et 2019. En recensant 3,56 décès pour mille naissances en 2017 contre 3,32 en 2012, la France descend à la 27ᵉ place dans le classement de l’OCDE, ex æquo avec la Pologne. En 1989, elle occupait la 9ᵉ position, juste derrière l’Allemagne.
Autant d’indices qui poussent les auteurs de l’étude à tirer la sonnette d’alarme. « La mortalité infantile est un point d’alerte sur la santé publique qui a vraiment du sens. Une baisse est le symbole d’un système sanitaire qui se porte bien. Au contraire, une hausse dénote d’un dysfonctionnement », dit à Reporterre Grégoire Rey, directeur du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès à l’Inserm et co-auteur de l’étude.
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Si en France, il reste encore à l’état d’hypothèses parmi d’autres, le lien entre la pauvreté et la recrudescence de la mortalité infantile a clairement été établi en Grande-Bretagne, confronté à une situation similaire. Une étude publiée en 2019 dans la revue médicale BMJ Open conclut par exemple que « l’augmentation sans précédent de la mortalité infantile entre 2014 et 2017 a touché de manière disproportionnée les régions les plus pauvres du pays, laissant les régions les plus riches intactes ». En tout, un tiers de l’augmentation de la mortalité infantile pourrait être imputée à l’augmentation de la pauvreté des enfants. Concrètement, cela s’expliquerait par les « réductions durables des prestations sociales accordées aux familles avec enfants depuis 2010 ».
Si la hausse de la mortalité infantile apparaît comme un symptôme d’une pauvreté plus large, certaines décisions en matière de pure politique de santé ont aussi pu jouer dans le regain de la mortalité néonatale. « Il est encore trop tôt pour avoir un chiffrage précis mais on peut estimer que la fermeture de nombreuses petites maternités explique en partie la stagnation et peut-être aujourd’hui la reprise de la mortalité infantile », assure Gérard-François Dumont, démographe et enseignant chercheur à la Sorbonne.
Selon une étude du géographe Emmanuel Vigneron, la logique de réduction des coûts aurait entraîné la disparition de 338 maternités sur 835 entre 1997 et 2019. Une situation qui, conjuguée au manque croissant de pédiatres, mettrait en danger la vie des enfants à naître, mais aussi des femmes qui accouchent. […]
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Quoi qu’il en soit, le message des chercheurs est unanime. « Nous n’étions déjà pas satisfaits du taux de mortalité infantile, plus élevé que chez certains de nos voisins, notamment scandinaves où le taux de mortalité infantile oscille autour de deux enfants pour mille. On ne peut pas se satisfaire de cette situation », insiste Grégoire Rey, qui appelle l’État à prendre conscience du problème et à investir dans la recherche pour répondre à ce nouveau défi.
« L’urgence est d’obtenir des statistiques locales sur les causes, notamment celles relevant d’un problème socioéconomique, afin de pouvoir mener des politiques différenciées selon les territoires », estime de son côté Gérard-François Dumont. À ce jour, si elle a fait grand bruit dans le petit monde des démographes, cette étude n’a entraîné aucune réaction des services de l’État.
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