Les Américains ont eu Barack Obama il y a huit ans, les Londoniens auront Sadiq Khan, dont les médias nous ressassent qu’il est le premier musulman à diriger une grande ville occidentale. Vu le pedigree du bonhomme, les occidentaux n’ont rien à craindre.
Les patriotes britanniques hurleront au « big » remplacement, mais la City a applaudi, puisque Khan est à fond anti-Brexit, donc tout va bien. Les vaches du profit seront bien gardées par les hommes politiques aux ordres. L’oligarchie anglo-américaine se paye une petite séance de lifting social, et tous les observateurs, français y compris, tombent dans le panneau, et y font tomber leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs. C’est la victoire du Bien, des Pauvres, car Sadiq a dit que Londres ne serait pas que la ville des milliardaires. Tu parles d’un espoir pour la population pauvre de la capitale, qui vit avec les minima sociaux.
Il faut se souvenir d’une chose, très importante, c’est que les précédents maires de Londres n’étaient pas ce qu’on appelle des bien-pensants. Ken Livingstone, qui a été remplacé par Boris Johnson, était carrément pro-palestinien, voire anti-israélien, et ça, dans la ville-clé de la finance internationale, ça la fout mal. On sent que pour la finance, qui a besoin du marché européen bien ouvert, la date butoir du 23 juin avec la menace d’un Brexit ne doit pas être jouée à pile ou face. Il faut assurer le résultat. Les Anglais peuvent voter ce qu’ils veulent – on parle d’un 50/50 très tendu – l’oligarchie, comme chez nous après le 29 mai 2005, se débrouillera pour neutraliser le choix du peuple, s’il est « mauvais ».
Une pensée pour le perdant, Zac Goldsmith, qui avait le même programme au fond, mais était d’une autre extraction. Le même yaourt avec un emballage plus classe. Le story-telling de Sadiq était imbattable : fils d’un chauffeur de bus pakistanais, élevé par la méritocratie républicaine, si l’on peut dire, au pays de la Reine. Immigration musulmane, six frères et sœurs (six ? l’horreur), des handicaps lourds, n’est-ce pas, et le miracle, le vilain petit canard pako (les gars qui vitriolent leurs femmes et soutiennent les méchants talibans) qui se transforme en libéral british fondu de libération des mœurs. Les femmes, le mariage gay... La preuve, il veut refaire de Londres la capitale de la nuit : travelos, à vos perruques !
Plus sérieusement, Sadiq et Zac, le couple de faux adversaires avancé par l’oligarchie, veulent tous les deux faire baisser les loyers de Londres, ces repousse-pauvres à la périphérie. Pure promesse électorale. Londres restera une ville chère, une ville de milliardaires, une ville de truands internationaux, une ville de banquiers dégoulinant de fric, une sorte de Monaco puissance dix, avec une pègre qu’on a du mal à distinguer de la Haute. Jimmy Savile et ses amis du lobby médiatico-politique s’y sentaient comme des (gros) poissons dans l’eau. Mais ne dévions pas du sujet : à Sadiq la lourde tâche de convaincre le peuple anglais que les intérêts de l’élite financière passent avant les siens (au peuple).
C’est la qualité requise et le problème de tous les dirigeants occidentaux contemporains : le savoir-mentir aux pauvres dans un contexte où l’information sur l’arnaque oligarchique fuite de partout.
Good luck, Sad’.