L’élection du futur maire de Londres compte deux favoris, le travailliste Sadiq Khan, qui pourrait être le premier maire musulman de Londres, et le conservateur cosmopolite Zac Goldsmith, qui l’attaque précisément sur les dangers que présenterait sa religion. Un symbole, au moment où, en Allemagne, le parti populiste AfD vient de voter un manifeste anti-islam. Mais rien n’entame pour l’instant le progrès de l’immigration.
L’affiche des favoris à l’élection du maire de Londres est presque aussi symbolique que l’était celle du film Intouchables. Un grand jeune Noir en bonne santé y poussait dans un fauteuil roulant un vieux Blanc malade : le casting est aujourd’hui assez semblable. D’un côté le candidat des nouvelles populations, Sadiq Khan, avocat spécialisé dans les droits de l’homme, musulman d’origine pakistanaise, député travailliste du quartier d’immigrés de Tooning, où il est né en 1970. Il s’affiche fier de ses origines, de sa mère couturière et de son père chauffeur, qui conduisait l’un des fameux bus rouges de Londres.
Goldsmith, rejeton britannique d’une lignée cosmopolite
De l’autre, en champion de l’ancien establishment de souche, le député conservateur eurosceptique de tendance écologiste Zac Goldsmith. C’est l’aîné des fils de Jimmy Goldsmith, milliardaire franco-britannique qui, après avoir fait fortune dans l’agroalimentaire et à la bourse, finit sa vie dans le mécénat écologiste (son frère Teddy était une sorte de philosophe de l’écologie) après avoir fait un crochet par le souverainisme en compagnie de Philippe de Villiers lors des Européennes de 1994. La mère de Zac est la fille du huitième marquis de Londonderry. Sa cousine germaine Clio fut actrice de cinéma dans les années quatre-vingt. Il est passé par le collège d’Eton, même s’il en a été renvoyé pour avoir fumé un joint. Bref, c’est le rejeton parfait de la bonne société britannique branchée jet set, né avec une petite cuillère en argent dans la bouche. Le nom de ses deux épouses est caractéristique : Shéhérazade Ventura-Bentley et Alice Miranda Rothschild, fille d’Amschel Rothschild. Ses contradicteurs politiques cherchent d’ailleurs à le gêner en lui demandant le nom des stations du métro de Londres et les journaux moquent ses façons extrêmement affables et polies, le surnommant « Sleeping Beauty » (la Belle au bois dormant).
Londres vaut bien une campagne anti-islam
Pourtant, ce gendre parfait a pris le mors aux dents dans cette campagne. Sans doute l’importance symbolique de Londres y est-elle pour quelque chose. La ville, qui abrite la City, n’est pas seulement l’ancienne capitale de l’Empire, elle reste, avec 8,6 millions d’habitants, la première capitale d’Europe. Et l’élection avec Sadiq Khan du premier maire musulman d’Europe promet d’être plus qu’un symbole, un tremblement de terre. Aussi Goldsmith a-t-il attaqué Khan sur les liens supposés que celui-ci entretient avec les islamistes. L’intéressé s’est défendu en affirmant qu’il est lui-même modéré, qu’il a toujours condamné les extrémistes musulmans, et qu’il a voté pour le mariage gay.