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Une traduction E&R
Madame/Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs.
Je suis profondément honoré d’avoir l’occasion unique de m’adresser à vos Excellences aujourd’hui. Avec votre indulgence, je m’efforcerai d’exprimer ce que je crois être les sentiments d’un nombre incalculable de nos frères et sœurs à travers le monde, tant ici à New York qu’au-delà des mers. Je les inviterai à s’exprimer dans ces lieux prestigieux.
Nous sommes ici pour examiner les possibilités de paix dans l’Ukraine déchirée par la guerre, en particulier à la lumière du volume croissant d’armes arrivant dans ce malheureux pays. Chaque matin, lorsque je m’assois devant mon ordinateur portable, je pense à nos frères et sœurs, en Ukraine et ailleurs, qui, sans que ce soit de leur faute, se trouvent dans des circonstances terribles et souvent mortelles. Là-bas, en Ukraine, il peut s’agir de soldats confrontés à une nouvelle journée meurtrière au front, ou de mères ou de pères confrontés à la terrible question de savoir comment nourrir leur enfant aujourd’hui, ou encore de civils sachant qu’aujourd’hui les lumières vont s’éteindre, à coup sûr, comme c’est toujours le cas dans les zones de guerre, sachant qu’il n’y a pas d’eau fraîche, pas de combustible pour le poêle, pas de couverture, juste des barbelés, des tours de guet, des murs et de l’hostilité.
Ou bien, ils sont peut-être ici, dans une grande ville riche comme New York, où des frères et des sœurs peuvent encore se retrouver dans une situation désespérée. Peut-être que, d’une manière ou d’une autre, même s’ils ont travaillé dur toute leur vie, ils ont perdu pied sur le pont glissant et inclinable du navire capitaliste néolibéral que nous appelons la vie urbaine, et sont tombés par-dessus bord pour finir par se noyer... Peut-être qu’ils sont tombés malades, ou peut-être qu’ils ont contracté un prêt étudiant, peut-être qu’ils ont manqué un paiement, les marges sont minces, qui sait, mais maintenant ils vivent dans la rue dans un tas de carton, peut-être même à portée de vue de ce bâtiment des Nations Unies. Quoi qu’il en soit, où qu’ils soient, partout dans le monde, zone de guerre ou non, ils constituent ensemble une majorité, une majorité sans voix. Aujourd’hui, je vais essayer de parler en leur nom.
Nous, les peuples, nous voulons vivre. Nous voulons vivre en paix dans des conditions de parité qui nous donnent la possibilité réelle de nous occuper de nous-mêmes et de nos proches. Nous sommes des travailleurs acharnés et nous sommes prêts à travailler dur. Tout ce dont nous avons besoin, c’est un traitement équitable. C’est peut-être une expression malheureuse, après cinq cents ans d’impérialisme, de colonialisme et d’esclavage.
Quoi qu’il en soit, s’il vous plaît, aidez-nous.
Pour nous aider, vous devrez peut-être vous pencher sur notre situation difficile, et pour ce faire, vous devrez peut-être quitter la scène des yeux pendant un moment, mettre vos propres intérêts momentanément de côté. Au fait, quels sont vos objectifs ? Et là, j’adresse peut-être mes questions davantage aux cinq membres permanents de ce Conseil. Quels sont vos objectifs ? Qu’y a-t-il dans le pot d’or au bout de l’arc-en-ciel ? Des profits plus importants pour les industries de guerre ? Plus de pouvoir au niveau mondial ? Une plus grande part du gâteau mondial ? La terre mère est-elle un gâteau à engloutir ? Une plus grande part du gâteau ne signifie-t-elle pas moins pour tous les autres ? Et si aujourd’hui, dans ce lieu de sécurité, nous regardions dans une autre direction, si nous examinions notre capacité d’empathie, par exemple, si nous nous mettions à la place des autres, comme, en ce moment, par exemple, la place de cet ami de l’autre côté de cette pièce, ou même la place de la majorité sans voix, si tant est qu’elle ait une place.
La majorité sans voix est préoccupée par le fait que vos guerres, oui vos guerres, car ces guerres perpétuelles ne sont pas de notre choix, que vos guerres détruiront la planète qui est notre maison, et qu’avec tous les autres êtres vivants nous serons sacrifiés sur l’autel de deux choses, les profits de la guerre pour remplir les poches d’un très, très, très petit nombre et la marche hégémonique d’un empire ou d’un autre vers la domination mondiale unipolaire. Rassurez-nous en nous disant que ce n’est pas votre vision, car il n’y a pas de bonne issue sur cette voie. Cette route ne mène qu’au désastre, tout le monde sur cette route a un bouton rouge dans sa mallette et plus nous avançons sur cette route, plus les doigts qui démangent se rapprochent de ce bouton rouge et plus nous nous rapprochons tous de l’Armageddon. Regardez dans la pièce, à ce niveau, nous portons tous les mêmes chaussures.
Revenons donc à l’Ukraine. L’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie était illégale. Je la condamne dans les termes les plus forts possibles. De même, l’invasion russe de l’Ukraine n’était pas "non provoquée", donc je condamne également les provocateurs dans les termes les plus forts possibles. Voilà, c’est réglé.
Lorsque j’ai écrit ce discours hier, j’ai fait remarquer que le pouvoir de veto au sein de ce Conseil était uniquement entre les mains de ses membres permanents. Je craignais que cela ne soit antidémocratique et que ce Conseil ne soit dépourvu de pouvoirs. Ce matin, j’ai eu une révélation : l’absence de pouvoir ! Peut-être que le fait d’être sans pouvoir est, d’une certaine manière, une bonne chose. Si cette chambre est inefficace, alors je peux ouvrir ma grande bouche au nom des sans-voix sans me faire arracher la tête. Comme c’est cool.
J’ai lu dans le journal ce matin qu’un diplomate anonyme aurait dit : « Roger Waters ! S’adresser au Conseil de sécurité ? Et après ? Mr Bean ! Ha ! Ha ! Ha ! ». Pour ceux d’entre vous qui ne le savent pas, Mr Bean est un personnage inoffensif dans une comédie anglaise diffusée à la télévision. Donc c’est un penny contre une livre, le diplomate anonyme est un Anglais, Ha ! Ha ! Ha ! Vous aussi, Monsieur !
Ok, je pense qu’il est temps de vous présenter ma mère, Mary Duncan Waters, elle a eu une grande influence sur moi, elle était institutrice, je dis bien était, elle est morte il y a 15 ans. Mon père, Eric Fletcher Waters, a eu une grande influence sur moi aussi, il est mort lui aussi, il a été tué le 18 février 1944 à Aprilia près de la tête de pont d’Anzio en Italie, alors que je n’avais que cinq mois, alors je sais ce que sont la guerre et la perte.
Mais revenons à ma mère. Quand j’avais environ treize ans, je me débattais avec un problème d’adolescence difficile et autres, essayant de décider quoi faire, peu importe quelle était la raison, je ne m’en souviens pas, mais ma mère m’a fait asseoir et m’a dit : « Écoute, tu vas être confronté à de nombreux problèmes difficiles au cours de ta vie et quand tu le seras, voici mon conseil, lis, lis, lis, trouve tout ce que tu peux sur le sujet, regarde-le de tous les côtés, sous tous les angles, écoute toutes les opinions, surtout celles avec lesquelles tu n’es pas d’accord, fais des recherches approfondies, quand tu auras fait ça, tu auras fait tout le travail et ensuite la suite sera facile ». « Vraiment ? Ok, maman, c’est quoi la partie facile ? » « Oh, la partie facile, c’est de faire ensuite ce qui est juste ».
En parlant de faire la bonne chose, j’en viens aux droits de l’homme.
Nous, le peuple, voulons des droits de l’homme universels pour tous nos frères et sœurs du monde entier, quelle que soit leur ethnie, leur religion ou leur nationalité. Pour être clair, cela inclut, sans s’y limiter, le droit à la vie et à la propriété en vertu de la loi pour, par exemple, les Ukrainiens et les Palestiniens. Yep, creusons cette piste. Et évidemment pour le reste d’entre nous. L’un des problèmes des guerres est que dans une zone de guerre ou dans tout endroit où les gens vivent sous occupation militaire, il n’y a pas de recours à la loi, il n’y a pas de droits de l’homme.
Aujourd’hui, notre dossier porte sur la possibilité de paix en Ukraine, avec une référence particulière à l’armement du régime de Kiev par des tiers.
Je suis à court de temps,
Qu’est-ce que les millions de sans-voix ont à dire ?
Ils disent : « Merci de nous écouter aujourd’hui. Nous sommes ceux qui ne partagent pas les profits de l’industrie de la guerre. Nous n’élevons pas volontairement nos fils ou nos filles pour fournir de la chair à canons. A notre avis, la seule action raisonnable aujourd’hui est d’appeler à un cessez-le-feu immédiat en Ukraine. Pas de "si", pas de "mais", pas de "et". Pas une vie ukrainienne ou russe de plus ne doit être dépensée. Pas une seule. Elles sont toutes précieuses à nos yeux ».
Donc, le temps est venu de dire la vérité au pouvoir. Vous vous souvenez tous de l’histoire des habits neufs de l’empereur ? Bien sûr, vous vous en souvenez. Et bien les dirigeants de vos empires respectifs se tiennent, à un degré ou un autre, nus devant nous. Nous avons un message pour eux. C’est un message de tous les réfugiés dans tous les camps, un message de tous les bidonvilles et favelas, un message de tous les sans-abri, dans toutes les rues froides, de tous les tremblements de terre et inondations, sur la terre. C’est aussi un message de toutes les personnes qui ne meurent pas de faim mais qui se demandent comment faire pour que le maigre salaire qu’elles gagnent leur permette d’avoir un toit sur la tête et de nourrir leur famille. Mon pays d’origine, l’Angleterre, n’est plus, Dieu merci, un empire, mais dans ce pays, il y a maintenant une nouvelle devise : « Manger ou chauffer ? ». On ne peut pas faire les deux. C’est un cri qui résonne dans toute l’Europe.
Apparemment, la seule chose que les puissances en place pensent que nous pouvons tous nous permettre est une guerre perpétuelle. C’est fou, non ?
Alors, de la part des quelque quatre milliards de frères et sœurs de cette majorité sans voix qui, avec les millions de membres du mouvement international anti-guerre, représentent une énorme majorité, trop c’est trop ! Nous exigeons le changement.
Président Biden, Président Poutine, Président Zelenski, les USA, l’OTAN, la Russie, l’UE, vous tous, s’il vous plaît, changez de cap maintenant, acceptez un cessez-le-feu en Ukraine aujourd’hui.
Ce ne sera, bien sûr, que le point de départ. Mais tout commence à partir de ce point de départ. Imaginez le soupir collectif de soulagement. L’effusion de joie. L’union internationale des voix en harmonie chantant un hymne à la paix ! John Lennon gonflant l’air avec son poing depuis sa tombe. Nous avons enfin été entendus dans les couloirs du pouvoir. Les brutes de la cour d’école ont accepté d’arrêter de jouer au jeu nucléaire. Nous n’allons pas tous mourir dans un holocauste nucléaire après tout. Du moins, pas aujourd’hui. Les pouvoirs en place ont été persuadés d’abandonner la course aux armements et la guerre perpétuelle comme modus operandi. Nous pouvons arrêter de gaspiller toutes nos précieuses ressources dans la guerre. Nous pouvons nourrir nos enfants, nous pouvons les garder au chaud. Nous pouvons même apprendre à coopérer avec tous nos frères et sœurs et même sauver notre belle planète natale de la destruction. Ne serait-ce pas merveilleux ?
Vos Excellences,
Je vous remercie pour votre patience.
Roger Waters