"Mais ils faisaient comment alors ?"
Bah ils se faisaient à l’idée que plus d’un enfant sur cinq meurt avant d’avoir atteint l’âge d’un an. Qu’environ une femme sur cinquante meurt à cause de sa grossesse, pendant l’accouchement ou des suites de l’accouchement.
Ils se faisent aux arthroses syphilitiques, et aux "gueules cassées" de la syphilis tertiaire, qui mange les os. Plus connue à l’époque sous le nom de "vérole". La petite vérole (variole) marquait à vie ses victimes, quand elles y survivaient.
Ils se faisaient aux quintes de toux déchirantes qui saisissaient les personnes atteintes par la coqueluche, qui tuaient facilement un enfant déjà un peu faible.
Ils se faisaient au paludisme, alors appelé malaria, bien implanté en Europe avant l’assèchement des marais.
Ils se faisaient aux ultimes contorsions des tétaniques à l’agonie. Les nouveaux-nés n’y survivaient jamais.
Ils se faisaient aussi aux difformités et aux paralysies consécutives à une polio guérie. Quand elle guérissait.
Ils se faisaient au typhus, à la dysenterie, aux pneumonies, à la tuberculose.
Ils se faisaient à l’idée qu’à tout moment, ils pouvaient perdre leurs femmes, leurs époux, leur parents, leurs amis, leurs enfants surtout, sans aucune cause apparente et sans possibilité de soin. Cette époque est bien trop lointaine pour que le souvenir s’en soit transmis, et l’ignorance se développe sur cette amnésie. Un nombre croissant de gens, qui prennent notre situation sanitaire actuelle pour acquise, et n’ont aucune sorte de conscience de ce qu’étaient la mortalité et la morbidité liées aux maladies avant l’essor de la médecine scientifique, en viennent à critiquer cette dernière, voire à la dénoncer entièrement. Mais c’est se plaindre de la ceinture de sécurité parce qu’en cas d’accident grave la clavicule est souvent cassée et les cervicales lésées. L’alternative, c’est passer au travers du pare-brise !
On a éradiqué de notre continent un ensemble de maladies qui faisaient des millions de morts chaque année, comme aucune guerre, aucun génocide n’en est capable, et qui s’attaquaient prioritairement aux plus faibles et aux plus fragiles : les enfants. Elles n’épargnaient absolument personne. Louis XIV, un des plus puissants rois et des plus riches souverains au monde, a eu 6 enfants avec Marie-Thérèse d’Autriche. De ces six enfants, 3 sont morts avant d’avoir un an, 2 avant d’avoir 6 ans. Voilà la réalité de ce qu’était la maladie et la mort avant la médecine scientifique.