Le Lituanien Vytenis Andriukaitis, 64 ans, est en charge de la sécurité alimentaire à la Commission européenne. En déplacement à Paris, l’homme a rencontré Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, et Stéphane Le Foll, son homologue à l’Agriculture. Interview.
Le Point.fr : L’Europe se saisit du problème de la résistance aux antibiotiques. Il y a donc urgence ?
Vytenis Andriukaitis : Oui. La résistance aux antibiotiques est l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale. En 2015, les bactéries pharmacorésistantes ont tué 27 000 personnes en Europe, et 700 000 dans le monde. En cause, la banalisation de l’usage des antibiotiques en santé humaine et animale. Les échanges commerciaux ont mondialisé le phénomène. Et les résidus médicamenteux de cette utilisation polluent ensuite l’environnement.
Si la France est l’un des pays où la consommation d’antibiotiques est la plus élevée, quels sont les pays les plus vertueux en la matière ?
Les Pays-Bas se sont faits les champions de cette cause. Pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, la présidence néerlandaise a organisé une vaste conférence sur la question de l’antibiorésistance. On y a autant parlé des exploitations agricoles que des hôpitaux. Les pays d’Europe du Nord ont multiplié les campagnes de sensibilisation et imposé des règles très strictes, ils ont beaucoup moins recours aux antibiotiques dans la santé humaine et animale. Ce qui donne aussi de meilleurs résultats pour la protection de l’environnement. Les plus mauvais élèves restent les pays d’Europe du Sud.
Reste qu’un Européen sur six ignore encore que le mauvais usage des antibiotiques les rend inefficaces !
Les antibiotiques sont dangereux. Or, en France, plus de 70 % des ordonnances d’antibiotiques sont prescrites pour des infections respiratoires, la plupart dues à des virus, contre lesquels ils sont inefficaces ! Quand les gens ont de la fièvre, ils demandent des antibiotiques à leur médecin. Il faut vraiment changer ces mentalités. De même, il est scientifiquement prouvé que la vaccination contre la grippe est efficace sur les plus de 60 ans. Si on couvrait 75 % de la population âgée, on assisterait à une chute des maladies respiratoires. Il faut que les ministres de l’Économie, des Finances, de l’Agriculture calculent le coût en santé publique, l’impact sur la croissance, le nombre d’emplois, la compétitivité et constatent les avantages à tirer de la vaccination contre la grippe. Si on limitait l’usage des antibiotiques, on disposerait d’une meilleure gestion des maladies dans leur ensemble et on réduirait le nombre et la durée des arrêts maladie. En dépenses de santé et en perte de productivité, le chiffre atteint pour l’Union européenne 1,38 milliard d’euros chaque année. De manière générale, quand on parle de santé publique, on parle d’économie.