Les lecteurs de notre série d’entretiens sur « les racines anglo-saxonnes du mondialisme » publiés dans notre revue, se souviennent peut-être que nous avions incidemment mentionné l’intérêt constant, depuis les origines, des cercles mondialistes étudiés pour le fonctionnement de l’esprit humain et des sociétés.
Depuis les études spirites et métapsychiques de la fin du XIXème siècle qui retenaient l’attention d’une partie du premier Groupe Milner jusqu’aux études plus scientifiques capitalisées par Walter Lippmann dans son ouvrage La fabrique du consentement paru dans les années 1930, les cercles mondialistes anglo-saxons se sont toujours préoccupés de la manière la plus économique d’amener les masses à suivre « spontanément » les vues de l’oligarchie. Il leur semblait en effet que la dictature classique ou les nouveaux mouvements totalitaires de la première moitié du XXème siècle obligeaient à de lourds investissements en matière de surveillance et de répression, sans garantie d’efficacité durable. Amener chaque individu des sociétés occidentales à devenir le militant de la cause oligarchique et son propre gardien était en effet plus économique en permettant au Pouvoir de focaliser l’attention de ses services de police et de justice sur le cas des rares dissidents, inévitables exceptions à la règle conformiste.
C’est à ce point de notre exposé qu’apparaît l’intérêt du dernier livre de Lucien Cerise, Neuro-pirates. Réflexions sur l’ingénierie sociale. Lucien Cerise, déjà bien connu dans les milieux de la dissidence [1], nous livre ici un véritable « art de la guerre cognitive » que nous n’hésiterons pas à mettre au même niveau d’importance que les ouvrages sur la guerre subversive de Roger Trinquier (La Guerre moderne), de David Galula (Contre-insurrection : théorie et pratique) ou de Jehan Morel (Guérilla et contre-guérilla. Théorie et pratique). Spécialiste en sciences sociales et du langage, Lucien Cerise maîtrise parfaitement le sujet de son livre. Il s’agit d’un ensemble de textes de conférence, d’entretiens ou d’articles réécrits et reclassés portant sur le concept et les techniques d’ingénierie sociale, comme sur leur application à divers domaines commerciaux, sociétaux, politiques et géopolitiques. Nous conseillons, en particulier, aux identitaires que nous sommes de lire, relire et méditer le chapitre « Ingénierie sociale du conflit identitaire ».
Il n’est pas possible, ni même souhaitable car la lecture de ce livre crayon en main est vivement recommandée, de résumer le propos de l’auteur. Nous voulons cependant insister sur ce qui est son apport personnel à la compréhension de l’ingénierie sociale. Commençons par une définition :
« L’ingénierie sociale est la méthode par laquelle on pénètre un système (mental ou social – ndlr) sans effraction, sans violence mais par abus de confiance, pour en prendre le contrôle furtivement ; on fait donc s’ouvrir le système librement en endormant sa méfiance – moment de l’hameçonnage – pour ensuite l’infiltrer sans résistance et le détruire de l’intérieur en amplifiant ses contradictions internes latentes pour le fragmenter – moment du conflit triangulé –. » [2]
En d’autres termes, l’ingénierie sociale vise à « pirater » une représentation mentale ou un système social en contournant les mécanismes de défense pour en prendre le contrôle et le faire dysfonctionner. Le premier moment, l’hameçonnage, est inspiré des techniques de piratage informatique où un contact, inspirant confiance ou indifférence, incite un récepteur à ouvrir un contenu piégé qui va prendre le contrôle de son ordinateur pour en aspirer les données ou s’en servir à ses propres fins. C’est en inspirant confiance ou indifférence que le maître d’œuvre, « l’ingénieur social », devient invisible aux parties qu’il manipule. Il y a en effet toujours au moins deux parties entre lesquelles le maître d’œuvre va orchestrer un conflit sous contrôle, hameçonnant successivement ou simultanément chacune d’elles.
Il y a donc toujours deux cibles, une principale, une secondaire. On peut alors faire entrer les cibles dans un conflit triangulé « dont la structure est un duel entre deux acteurs supervisé et orchestré par un troisième acteur, donc une mise en scène d’un conflit entre deux parties mais sous contrôle d’une troisième partie dont le travail consiste à lancer puis entretenir le conflit depuis sa position située hors du faisceau de l’attention. » [3]
Comment le troisième élément peut-il inspirer confiance ou indifférence aux parties qu’il manipule ? Lucien Cerise montre que le « bourreau » (la partie manipulatrice) doit apparaître soit comme une « victime » (un être en position de faiblesse donc incapable de faire le mal), soit comme un « sauveur » (un être en position de secourir une cible ou d’apporter une solution équitable au conflit), à moins qu’il ne se présente alternativement comme « victime » ou « sauveur ». Par ailleurs, le « bourreau » joue toujours sur l’émotion, soit pour installer son propre statut de « victime », soit pour rendre passionnel et inexpiable le conflit entre ses cibles.
La question qui se pose ensuite est : comment rendre inopérante la stratégie d’ingénierie sociale de la tierce partie ?
Il va s’agir de la rendre visible pour sortir de la situation de duel selon une méthode rationnelle simple mais efficace.
« De fait, il y a de bonnes raisons de se battre, mais il y a aussi de mauvaises raisons de se battre… (comment les distinguer ?) en déployant une approche scientifique et rationnelle du conflit, en quittant les approches passionnelles et émotionnelles où tout se confond. » [4]
La méthode rationnelle consiste :
1 À recueillir les faits objectifs.
2 À proposer des représentations schématiques et hypothétiques de la façon dont les faits objectifs sont liés entre eux par des relations de cause à effet.
3 À repérer les « mauvaises raisons de se battre » pour en faire la généalogie, remonter à leur initiateur et trouver ainsi l’identité de l’ennemi caché.
Lucien Cerise conseille aussi à tout décodeur, outre de se doter d’une culture minimum en techniques psycho-sociologiques, de se constituer une culture sur les méthodes du renseignement, en particulier des opérations psychologiques. [5]
Nous voudrions terminer cette évocation par une application pratique reliée à l’actualité. On a certainement remarqué le double phénomène qui a marqué ces dernières années, à savoir l’invasion migratoire en provenance de pays déstabilisés du Proche-Orient et d’Afrique et l’offensive du djihadisme islamique tant dans les guerres d’Irak et de Syrie que dans les attentats terroristes en Europe.
La cible la plus évidente de ces phénomènes quand on les observe vus d’Europe est bien l’Europe elle-même, son peuplement autochtone et ses valeurs traditionnelles de liberté. En effet, l’invasion migratoire intensifie le Grand Remplacement et la dissolution interne des natifs et les attentats terroristes servent de justification à la mise en place d’une société de surveillance et à la destruction des derniers espaces de libre parole. Si l’on observe les forum internet où s’expriment des identitaires, souvent sans prudence, on s’aperçoit qu’ils ont bien ciblé l’ennemi : à savoir l’islam et le monde musulman et, dans une moindre mesure, le monde noir africain. Ce ciblage prend de plus en plus un caractère obsessionnel. Les plus éclairés savent s’élever d’un niveau et percevoir certains enjeux géopolitiques derrière ces phénomènes : rôle de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de la Turquie post-kémaliste. Les mieux informés perçoivent aussi le rôle indirect des États-Unis. Mais dans l’ensemble tournent en boucle informations réelles ou supposées incriminant Islam et monde africano-oriental.
De l’autre côté du miroir, celui des « migrants » invasifs et des musulmans en général, on trouve stigmatisé le racisme des Européens, leur égoïsme et leur « islamophobie ».
Tout observateur impartial voit donc la mise en place des éléments d’un duel à mort. Si cet observateur est aussi familiarisé avec les stratégies d’ingénierie sociale, il aura tendance à chercher les éléments qui permettent de dépasser la structure du duel pour reconnaître la structure du conflit triangulé.
Qui pilote alors le sommet de la pyramide ? Parmi les marionnettistes de premier niveau, on pourra certes reconnaître l’Arabie Saoudite, la Qatar et la Turquie. Mais cela reste encore trop évident car les grands médias ne masquent presque plus la responsabilité des trois états susdits dans la mise en scène du terrorisme islamiste et l’invasion migratoire. Plus difficile à percevoir mais dont les traces médiatiques sont tout de même discernables, la responsabilité des États-Unis dans les révolutions arabes, le parrainage des mouvements salafistes et le soutien à l’immigration en Europe tout en affectant le rôle de sauveur de l’Europe à travers le projet de traité transatlantique. Ils jouent ainsi le rôle de marionnettiste de second niveau.
Mais, quel est l’acteur qui n’apparaît pas dans le casting ? Nous ne le nommerons pas mais nous invitons nos lecteurs à réfléchir aux questions suivantes : Qui, en Europe comme au Moyen-Orient, a la longue habitude d’endosser la tenue de la victime ? Qui a toujours combattu les nationalismes laïcs arabes ou l’Iran chiite en soutenant et promouvant au besoin le salafisme sunnite ? Qui a toujours soutenu la stratégie du chaos pour fragmenter les territoires du Moyen-Orient sans apparaître directement sur la scène ? Qui, en Europe, a toujours soutenu d’une part le Grand Remplacement de l’immigration, tout en soutenant et encourageant d’autre part des mouvements identitaires violemment hostiles à l’islam et aux arabes sur le mode « nous avons les mêmes ennemis, alors unissons-nous, nous pouvons vous apporter beaucoup (posture du sauveur) » ? Qui a bénéficié d’une longue tradition messianique selon laquelle, à la fin des temps, les puissances rivales de sa propre puissance s’étriperaient mutuellement jusqu’à faire place nette ?
Lorsque, amis lecteurs identitaires, vous aurez trouvé réponses à ces questions, vous aurez aussi trouvé un certain nombre d’éléments factuels irréfutables.
Nous vous engageons ensuite à réfléchir au problème suivant : nous avons de bonnes raisons d’entrer en guerre contre des envahisseurs qui viennent subvertir notre peuple à tous les sens du terme. Mais cette guerre est un construit qui nous a été imposé par un tiers qui n’a d’amitié ni pour nous, ni pour nos envahisseurs ou les autres marionnettistes qui ne sont que des instruments à ses yeux. Ce tiers vise notre anéantissement mutuel, au besoin comme il le dit si bien « en nous tirant vers l’affrontement par les cheveux » même si nous sommes conscients de la manipulation.
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À revoir, la présentation de l’ouvrage par Alain Soral :