Les lendemains d’élections sont parfois difficiles : sorti avec un seul député des législatives britanniques, l’UKIP est en proie à la zizanie, entre le vrai faux départ de son chef Nigel Farage et ceux qui l’accusent d’avoir fait du parti, une « monarchie absolue ».

En mai 2014, le parti anti-immigration triomphait aux européennes avec 27,5 % des voix et envoyait 24 eurodéputés à Strasbourg. Un an plus tard et malgré un bon résultat aux législatives (12,6 % contre 3,1 % il y a cinq ans), l’UK Independence Party, défavorisé par le mode de scrutin uninominal à un tour, n’a réussi à faire élire qu’un seul candidat et traverse depuis une zone de fortes turbulences.

Dernier orage en date : les déclarations assassines dans le Times d’un des cadres du parti, Patrick O’Flynn, contre Nigel Farage. Pour O’Flynn, c’est un homme « grossier, susceptible, agressif » qui a transformé le parti en une « monarchie absolue » basée sur le « culte de la personnalité ».

La garde rapprochée écorchée

Responsable de la campagne électorale et porte-parole chargé des questions économiques, il s’en prend également à la garde rapprochée du patron de l’UKIP, constituée selon lui de conseillers « inexpérimentés, agressifs » et influencés par une idéologie ultra-conservatrice proche du Tea Party américain.

Nigel Farage doit « dégager » ces personnes et envisager son « leadership de manière bien plus consultative et consensuelle », avertit O’Flynn.

Faute de quoi il pourrait mettre en péril non seulement l’avenir du parti mais aussi le mouvement eurosceptique britannique, au moment où celui-ci s’apprête à donner de la voix dans le cadre du référendum promis par le premier ministre David Cameron sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne.

Des adhérents déçus

Interrogé un peu plus tard sur Sky News, M. O’Flynn a précisé qu’il ne réclamait pas la tête de Farage. « Mais je souhaite qu’il redevienne le Nigel Farage joyeux, drôle et accessible qui était pour moi une source d’inspiration ».

Reste qu’il n’est pas une voix isolée au sein du parti, où la vraie fausse démission de Nigel Farage passe mal auprès de certains adhérents, déçus de le voir revenir sur sa promesse de tirer sa révérence après son échec à se faire élire dans la circonscription de South Thanet (sud-est). Après avoir annoncé vendredi son départ, Farage est revenu lundi sur sa décision, arguant qu’il « devait bien ça au parti ».

« Il aurait été raisonnable que Nigel fasse une pause », a estimé un haut responsable du parti, sous couvert d’anonymat, tandis qu’un donateur du parti, l’homme d’affaires Stuart Wheeler, l’a appelé à « se retirer, au moins pour quelque temps ».

Passer à autre chose

« L’UKIP doit clairement changer de stratégie et, oui, il faut qu’il y ait une élection à sa tête », a commenté Godfrey Bloom, un ancien eurodéputé UKIP. Farage est « manifestement extrêmement fatigué et stressé. D’aucuns pourraient penser qu’il est temps qu’il passe à autre chose. »

Le service de presse de l’UKIP n’avait pas répondu jeudi à la mi-journée. Farage, qui n’a pas immédiatement réagi aux attaques, a en revanche reçu le soutien d’un autre donateur du parti, l’homme d’affaires Arron Banks.

M. Farage a tout donné pour bâtir l’UKIP et « méritait plutôt un peu de repos que d’être embarqué dans les querelles mesquines de personnes moins importantes que lui », a dénoncé M. Banks sur la BBC. Il a toutefois reconnu que l’appareil du parti avait besoin être remis en ordre.

Comme si cela ne suffisait pas, Nigel Farage doit également gérer la mauvaise humeur de son seul élu à Westminster, Douglas Carswell, un transfuge du parti conservateur.

Le député s’est vu prier par des responsables de l’UKIP d’utiliser les 650 000 livres allouées au parti après son élection pour recruter 15 personnes. Mais Carswell a refusé, jugeant « inapproprié » cet usage de l’argent public.

« Je doute fortement qu’Ed Miliband [NDLR : l’ex chef du parti travailliste victime des législatives], quand il était chef de l’opposition, ait eu besoin de 15 assistants », a-t-il déclaré.