« Régionaux de l’étape », impact d’une œuvre artistique, trajets historiques... Les noms de rues nous en disent beaucoup sur la géographie de notre pays.
On l’a vu dans les deux premiers épisodes de notre série sur les noms de rues : le nom de la voie où vous habitez est souvent révélateur de l’histoire de France, des grands hommes et femmes qui l’ont dominée, ou ont marqué le monde. Mais il dit aussi beaucoup de notre géographie.
Certains odonymes sont très caractéristiques d’un coin particulier de la France. C’est évidemment le cas pour les noms communs (on a plus de chance de trouver une rue du Beffroi dans le Nord qu’en Provence et un chemin des Vignes dans le Bordelais qu’en Bretagne…), mais le phénomène s’applique aussi à certains noms propres.
Cette préférence « régionale » se voit ainsi assez bien si l’on cartographie, comme ci-dessus, le nom de personnalité le plus courant sur les plaques de chaque département. La prééminence de De Gaulle, qui truste la moitié des départements, saute aux yeux. Derrière lui, Louis Pasteur perce clairement dans la nouvelle région Bourgogne-Franche-Comté, dans l’ouest de l’Île-de-France et dans le Nord, reflet d’une vie qui l’a vu naître à Dole (Jura), publier certains de ses travaux les plus célèbres à Lille et mourir à Marnes-la-Coquette, à la frontière des Hauts-de-Seine et des Yvelines.
Le joli tir groupé dans quatre départements provençaux de Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature 1904 et pilier du Félibrige, le mouvement qui vise à réhabiliter et codifier le parler provençal, n’est évidemment pas anodin, tout comme la belle présence de George Sand dans le Centre (l’écrivaine est attachée à la commune de Nohant-Vic, dans l’Indre). Et ce n’est bien sûr pas un hasard si Jaurès surnage dans les terres du radical-socialisme que sont le Sud-Ouest et l’Auvergne et dans l’(ex) banlieue rouge de Seine-Saint-Denis, évidemment.
Certaines personnalités n’arrivent en tête « que » dans un département, celui où elles sont nées : citons François-René de Chateaubriand (Ille-et-Vilaine), Georges Clémenceau (Vendée), Georges Pompidou (Cantal), le marquis de La Fayette (Haute-Loire), François Arago (Pyrénées-Orientales), Hector Berlioz (Isère), François Rabelais (Indre-et-Loire), Ronsard (Loir-et-Cher), Raymond Poincaré (Meuse) ou le maréchal Leclerc (Somme).
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Les « régionaux de l’étape »
Le plus souvent, lorsqu’un nom propre est surreprésenté dans une région, c’est donc tout simplement que la personnalité en est originaire. En dehors de Raymond Poincaré, on trouve ainsi dans la nouvelle région Grand Est une surreprésentation d’Albert Schweitzer (né dans le Haut-Rhin), de Robert Schuman (Mosellan) ou de Jean de la Fontaine (Champenois). Même une figure beaucoup plus courante dans l’ensemble du pays, comme Jeanne d’Arc, se trouve surreprésentée aux alentours de Domrémy-la-Pucelle, son village d’origine dans les Vosges.