On sait Aymeric Caron profondément attaché au vivant en général et au règne animal en particulier. Il ne saurait être moqué pour cela. Végétarien et même végane, il milite publiquement contre la corrida, la maltraitance des animaux d’élevage qui n’ont pas de vie et qui meurent parfois dans des conditions abominables au sein d’abattoirs dont il faudrait en effet revoir profondément le mode de fonctionnement. Il promeut sa vision des choses et sa manière de vivre grâce à sa notoriété et son accès aux médias, ce en quoi il peut commencer à en agacer certains. Mais quand, en tant qu’antispéciste, il se met à enculer les mouches en plaidant la cause des moustiques, on se demande s’il n’a pas une araignée au plafond.
Aymeric Caron a lancé en juin dernier un « média du respect du vivant et du droit des animaux », Komodo TV, avec pour but de mieux faire connaître les espèces de notre planète, afin de mieux plaider leur cause. Et la sienne, celle du véganisme. En cela, le choix de Dragon ou Varan de Komodo comme animal totem n’est peut-être pas des plus judicieuses, ce gros lézard étant un carnivore invétéré, qui va jusqu’à éviter de consommer les végétaux contenu dans l’estomac de ses proies.
Dans ce monde en manque de repères, les apprentis antispécistes ont parfois besoin de réponses à leurs questions fondamentales. L’antispéciste est un peu l’équivalent, concernant notre relation aux autres espèces animales, de l’antifa. Ce dernier se définit contre la définition qu’il donne de vous : vous êtes un fasciste et il va donc vous combattre en tant qu’antifasciste, se permettant ce qu’il se doit de faire, c’est-à-dire ne pas dialoguer avec vous et éventuellement avoir recours à la violence pour tâcher d’avoir le dessus, puisque vous ne vous résolvez pas à vous taire. L’antispéciste est une forme encore plus aboutie : il ne détourne pas une définition déjà existante pour vous déconsidérer, il en crée une ex nihilo. Si vous n’adhérez pas à la grande majorité de ses idées sur le sujet qui le préoccupe, il vous considère comme un « spéciste », concept forgé sur le modèle du racisme, et se définit donc contre vous comme un antispéciste.
Aymeric Caron, donc, a répondu à la question de Rebecca : « Que fait-on si l’on est antispéciste et que l’on est attaqué par des moustiques ? » Les réseaux sociaux étant cruels, ils se sont focalisés sur un court extrait d’une trentaine de secondes, sur plus de cinq minutes, que Komodo TV a choisi de mettre en exergue afin d’attirer le chaland vers son site.
Les moustiques : quelle réaction adopter ? On vous prévient, il y a débat chez les #antispécistes @CaronAymericoff vous explique sa version sur #KomodoTV https://t.co/jtfqa8toF6 pic.twitter.com/ZHtalbTHiS
— Komodo TV (@Komodo_tv) 30 juillet 2019
En résumé : le moustique qui vous pique est une mère cherchant à nourrir ses petits et qui seriez-vous pour priver ces êtres innocents de la nourriture qui leur permettra de perpétrer leur espèce et de fournir de nouvelles femelles qui auront tout autant besoin de vous pour continuer le grand cycle de la vie ? La vidéo complète est plus nuancée, puisqu’elle ne fait pas l’impasse sur la prévention, la meilleure manière de ne pas avoir à faire face à cette situation étant l’évitement. Il suffit de vivre à la campagne et d’avoir un cerveau qu’on ne laisse pas sur sa table de nuit de peur de l’endommager pour savoir qu’avec quelques précautions on est finalement peu confronté à ces diablesses au vrombissement agaçant. Caron a aussi beau jeu de rappeler que quelques piqures ne sont pas la mer à boire (mais nous ne sommes pas tous égaux sur ce point, certains étant des cibles privilégiées) et que l’antispéciste reste un homme, qui peut aussi se laisser aller à un geste plus ou moins incontrôlé.
Là, on peut tiquer. C’est justement parce qu’il est un Homme et donc, ce n’est guère contestable, parce qu’il appartient à une espèce bien particulière parmi toutes les autres, que l’antispéciste va s’interdire de tuer un moustique. Et, au contraire, c’est par un geste instinctif, animal, en agissant avec son cerveau reptilien, que lui-même ou un affreux spéciste va éclater la bestiole sur son bras pendant qu’elle le pique. Autrement dit, pour l’antispéciste, c’est parce qu’il est un animal comme les autres qu’il faut qu’il ne fasse surtout pas comme les autres animaux. Les bovidés ou les équidés qui chassent les mouches avec leur queue ne font pas tant de manières. Aymeric aurait pu tout aussi bien nous expliquer qu’en ne tuant pas madame Moustique, nous permettons à madame chauve-souris de manger cette dernière et donc d’allaiter ses petits à elle.
Il ne faut probablement pas compter sur Dame Nature pour nous pondre des moustiques femelles ayant quelque considération pour les pauvres mammifères à la peau sensible que nous sommes, des femelles qui se résoudraient à ne pas voir en nous des banques du sang ambulantes et donc, le cœur sur la main, à être des piqueuses sans cible. On peut en revanche compter sur nous pour dire deux choses à Aymeric.
On ne va certes pas le moquer trop longtemps, car il n’y a pas de quoi casser trois pattes à un canard. Mais tout de même, il ne faut pas trop s’étonner, comme il le fait, d’être raillé quand on affirme qu’on peut bien se laisser piquer par respect pour le droit à la vie du Moustique. Si l’extension du principe d’égalité de considération des intérêts à toutes les autres espèces animales vaut, alors il faut d’urgence envoyer Aymeric en stage chez les jaïns. Les adeptes du jaïnisme, religion du sous-continent indien, poussent en effet loin le respect de la vie, auquel fait référence Aymeric en citant le docteur Schweitzer (C’est d’ailleurs une traduction assez pauvre de l’allemand Ehrfurcht vor dem Leben. Théodore Monod lui préférait « révérence à la vie ».).
Les jaïns, pour les plus pieux, vont jusqu’à se couvrir la bouche afin de ne pas avaler d’insecte par inadvertance. Et à balayer délicatement devant eux en marchant afin de ne pas en écraser.
Ils ne mangent pas de légumes poussant dans la terre, car en les ramassant, ils attenteraient à l’existence d’animalcules vivant dans le sol. À antispéciste, antispéciste et demi ! Aymeric, manges-tu des carottes ? Finalement, la question railleuse du droit de la carotte à ne pas être mangée (le principe d’égalité de considération des intérêts étendu à toutes les espèces vivantes, végétaux compris), même mise de côté, demeure en un sens, puisqu’il peut y avoir des dégâts collatéraux, concernant les animaux. Les jaïns radicaux n’utilisent pas non plus de véhicules pour se déplacer, les roues pouvant écraser des animaux. Aymeric prend-il sa voiture, parfois ? Dix minutes à rouler dans la campagne lors d’une nuit estivale supprimera bien plus d’insectes qu’une main vengeresse pendant toute une soirée en terrasse à la fin du jour. L’antispéciste bottera-t-il en touche en en appelant à l’intentionnalité ? Du point de vue des moustiques, une hécatombe manuelle est-elle pire qu’un génocide automobile parce qu’il y a eu intention de leur nuire ? Argument difficile à défendre, si le but est de diminuer ses nuisances auprès de ses frères animaux.
Toutes ces questions soulevées par les antispécistes ou les véganes sont loin d’être aussi bêtes et peu dignes d’intérêt que ne voudraient le faire croire certains. Il y a là matière à réflexion, dans un monde devenu fou dans son rapport au Monde, et notamment au vivant. Mais avec ce type de sortie, Aymeric Caron ne sert pas sa cause. Il en donne une image caricaturale, conduisant les avis tranchés à camper sur leurs positions.
La seconde chose que l’on souhaite dire à Aymeric, c’est de ne pas avoir peur. Aymeric est écologiste et, à ce titre, croit au réchauffement climatique anthropique inédit et catastrophique. Il a d’ailleurs récemment quitté un plateau radio après avoir réalisé qu’il était entouré de sceptiques négationnistes antisciences ayant la tête plongé le sable et peut-être les poches pleines grâce aux lobbies. Or, le réchauffement climatique indiscutable d’Aymeric est la mère de toutes les calamités. Il est toujours pire que prévu et ne peut-être que négatif. Y compris bien sûr en ce qui concerne les moustiques, qui, raisonnement pseudo-logique de l’homme sans culture oblige, étendront leur emprise vers le nord avec leur lot de maladies, tel le paludisme. C’est ce que nous enseigne maître GIEC et que répètent studieusement les meilleurs élèves, telle la Fondation Nicolas Hulot :
Citons simplement deux courts passages du livre de Hacène Arezki, Climat, mensonges et propagande, pages 58 et 216 :
« Dans ces conditions, on ne peut guère s’étonner des reproches faits au GIEC et à son fonctionnement par ceux-là mêmes qui ont participé au processus de rédaction. Paul Reiter, un entomologiste médical de l’institut Pasteur et l’une des autorités mondiales sur les maladies véhiculées par les insectes a participé au groupe II du rapport d’évaluation, celui sur les conséquences du réchauffement, sur la santé pour ce qui le concerne. Son jugement est très sévère. Dans le film documentaire de la BBC The Great Global Warming Swindle ("La grande arnaque du réchauffement climatique"), il s’exprime en ces termes : "J’ai été horrifié en lisant le deuxième rapport d’évaluation. Il y avait tellement d’informations erronées, sans le moindre recours à la littérature scientifique, la vraie littérature scientifique, celle des spécialistes de ces sujets..." Dans un mémorandum remis au Parlement britannique, Paul Reiter explique à propos du deuxième rapport d’évaluation (1995), groupe II, chapitre 18 sur la santé des populations humaines : "L’amateurisme du texte de ce chapitre reflète les connaissances limitées de ses 22 auteurs. (...) En résumé, le traitement de cette question par le GIEC était plein d’inexactitudes, biaisé et scientifiquement inacceptable". »
« Le processus rigoureux d’élaboration du rapport du GIEC est donc fortement mis en doute par l’utilisation de sources partiales ne relevant pas de la littérature scientifique. Il l’est également par le choix de rédacteurs non compétents ayant conduit à l’affirmation d’une extension élargie du paludisme à cause du réchauffement, au mépris de considérations de base sur l’écologie des moustiques vecteurs de la maladie, mais aussi simplement de l’histoire de celle-ci : par exemple, le paludisme était endémique en France, y compris pendant le Petit age de glace, et la plus grande catastrophe sanitaire du XXe siècle due à cette maladie a eu lieu en Sibérie au début des années 1920. »
Il n’y a là rien qui puisse atteindre Aymeric, qui appartient à ce groupe de gens pour lesquels la réalité n’est qu’une construction sociale. De grandes réunions ont eu lieu, de par le monde, et il a été décrété que réchauffement anthropique il y a. Anthropique et donc sans précédent et catastrophique. Après cela, on pourra dire ce que l’on voudra, porter à la connaissance d’Aymeric tous les faits s’inscrivant contre cette pseudo-réalité, rien n’y fera. De même, manger les animaux, c’est mal. Il faut donc cesser de consommer des animaux d’élevage pour leur bien, quitte à ce que, au final, ils disparaissent. La relation au vivant prônée par Aymeric Caron se résoudrait alors à se laisser piquer par des insectes parce que les animaux, eux aussi, ont bien le droit de vivre…