L’affaire des « Panama Papers » remet en lumière la place de la petite république d’Amérique latine dans le monde des paradis fiscaux. En 2012, la France de Nicolas Sarkozy l’avait pourtant fait sortir de la liste noire, mettant fin à l’embargo financier qui pesait sur le pays depuis son établissement par l’OCDE en 2009. Un accord obtenu après chantage économique du président panaméen...
- Le président du Panama, Ricardo Martinelli, n’avait pas lésiné ses efforts en 2011 pour que Nicolas Sarkozy retire son pays de sa liste noire des paradis fiscaux
Ce dimanche 3 avril, le journal Le Monde, associé au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) de Washington et au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, a révélé l’affaire des « Panama Papers ». Hommes politiques, sportifs, patrons d’industrie... celle-ci met au jour les pratiques d’évasion fiscale de personnalités du monde entier, dans lesquelles les Français ne sont pas en reste. Au coeur de ce système, on retrouve donc le Panama, une petite république d’Amérique latine qui avait pourtant été rayée de la liste noire des paradis fiscaux par un certain Nicolas Sarkozy, en 2012...
À l’époque, le traité de coopération fiscale avec le Panama, qu’avait rapporté Marianne, avait fait peu de bruit dans la presse. Signé à la mi-2011 avec son homologue panaméen, l’accord chapeauté par Nicolas Sarkozy avait pourtant offert au Panama un précieux sésame… Pour sortir de la fameuses liste des paradis fiscaux non-coopératifs établie par l’OCDE en 2009 à la suite du G20 de Londres, chacun des pays ciblés devait en effet faire valider des conventions fiscales avec au minimum 12 pays de l’OCDE. En l’espèce, c’est Paris qui détenait la clef pour le Panama.
Le chantage du président panaméen
Restait au Parlement français à ratifier le fameux traité. Ce qui semblait tarder au président panaméen. De passage à Paris à l’automne 2011, Ricardo Martinelli n’avait donc pas hésité à menacer d’écarter les entreprises françaises des contrats mirifiques du pays : Alstom pour le métro de Panama city (déjà signé) ou la Compagnie du Rhône pour l’élargissement du canal. À ce moment-là Valérie Pécresse, alors ministre du Budget, le qualifiait encore d’État « non coopératif ». Mais histoire de bien montrer qu’il ne bluffait pas, le gouvernement panaméen avait mis ses menaces à exécution : la Coface, qui assure les financements tricolores à l’export, avait été mise hors jeu, fragilisant le contrat Alstom.
Message reçu 5 sur 5 : dès le lendemain, le texte de ratification était déposé fissa sur le bureau de l’Assemblée nationale, et adopté dans la foulée ! « Qu’importe que le Forum mondial a jugé, en septembre 2010, que le Panama satisfaisait seulement trois critères sur dix », soulignait alors pour Marianne Nicole Bricq, à l’époque rapporteure générale socialiste du Budget au Sénat. C’est sans doute en ayant à cœur de mettre en œuvre la promesse présidentielle — « les paradis fiscaux, c’est fini » — que la majorité UMP à l’Assemblée a blanchi de facto le Panama en ratifiant ce traité…