À la suite de notre article « Qu’est-ce que le satanisme », quelques objections nous ont surpris. Il semblerait que notre article (et le sujet du satanisme de manière général) suscite une certaine agitation au sein de la « dissidence ». C’est pourquoi nous pensons qu’il est utile de dire pourquoi nous avons abordé le sujet. Nous définirons aussi ce qu’est un « démon », car nous avons remarqué que certaines personnes ne savent pas ce que c’est.
Premièrement, les personnes qui parlent de « satanisme » ne savent pas de quoi elles parlent car, comme nous l’avions dit, le satanisme n’est pas un sujet qu’on aborde « rationnellement », en cherchant des « preuves scientifiques » ou de la « documentation ». (Nous n’entendons pas par là que la documentation n’a pas son importance.) C’est bien beau de parler de « satanisme », mais s’est-on déjà posé la question de savoir comment on « prouvait » l’existence du « Satan » ? Ce qui est quelque peu risible chez ceux qui abordent la question du satanisme, c’est que même les catholiques (ou, du moins, les sympathisant du catholicisme) éprouvent du mal à se départir d’un raisonnement quelque peu mondain. Croit-on sérieusement qu’on « prouve » l’existence d’un démon comme on prouve l’existence des atomes ?
Deuxièmement, quoiqu’il soit tout à fait vrai de dire que certaines personnes sont obnubilées par la question du « satanisme », et ce à tel point qu’ils omettent d’étudier sérieusement d’autres domaines non sans intérêt (comme le sionisme ou l’origine des LGBT), il n’empêche que ce n’est pas pour autant que le sujet ne mérite pas d’être étudié ou, au moins, considéré (et on notera que, en réalité, l’étude du satanisme permettrait d’approfondir ces mêmes sujets – voir MK-Ultra). Mais comment étudier quelque chose qui ne se comprend pas à travers les méthodes conventionnelles, ces mêmes méthodes tant aimées – manifestement – par nos contradicteurs. Il y en a même un qui nous a dit que, pour lui, le satanisme n’était qu’une « idée » à laquelle on choisissait de « croire » ou non. Or le « Satan » et les « démons » ne sont pas des « idées », mais des énergies ou, si on veut, des forces ; et on notera qu’il existe des personnes qui voient ces forces, et qui ne peuvent donc être désignées comme de simples « croyants ». D’ailleurs, et toujours à propos des démons, un commentateur a tenté de nous expliqué que « "Satan", un "démon" ne sont pas des "énergies", mais des personnes ou "anges déchus" ». C’est bien la première fois que nous entendons dire que les démons sont autre chose que des « démons », ou qu’il s’agirait de « personnes » ; on se demande bien si ces « personnes » possèdent une âme, s’ils sont sur terre et, si c’est le cas, où ils peuvent bien habiter...
Sur la nature des démons, il nous paraît utile d’apporter quelques précisions, d’autant plus que ce dont il s’agit figure dans l’enseignement catholique le plus orthodoxe. Quoique cela puisse sembler étrange à nos lecteurs, les démons (en théologie catholique) sont liés à ces états psychologiques qu’on appelle les « émotions ». On rappellera les sept vices capitaux (ou principaux) rapportés par saint Thomas d’Aquin :
L’orgueil : Lucifer
L’avarice : Mammon
La luxure : Asmodée
L’envie : Léviathan
La gourmandise : Belzébuth
La colère : Sata
La paresse : Belphégor
Lorsque l’orgueil pénètre l’âme d’un personne, en succombant à cette émotion, il nourrit le démon correspondant (ici, Lucifer), c’est-à-dire qu’il sert de support à l’activité du démon. Si on veut maintenant se représenter cette énergie émotionnelle (ici, l’orgueil) comme un serpent, comme dans la Bible (c’est une des manières de lire le mot hébreux nahash), un reptile (ce qui revient au même) ou un « reptilien », pourquoi pas, mais de là à parler d’extra-terrestre... (Nous évoquons ces choses car un commentateur n’a pas compris pourquoi nous parlions de « reptiliens » dans l’article précédent, et quel rapport il y avait avec le satanisme et Lucifer.)
En réalité, les démons ne sont ni plus ni moins que des prolongements de la personnalité humaine. Ils ne sont pas seulement dans l’homme, mais aussi à l’extérieur de l’homme, puisque la personnalité humaine se prolonge au-delà du corps humain. Nous participons à des mondes, ou à des domaines de l’« existence universelle » dans laquelle figure le « monde matériel », qui n’est qu’une partie – la plus limitée – de cette existence universelle. Mais au-delà du « monde matériel » (que nous appelons ainsi par commodité), il y a ce que les occultistes appelaient le « monde du désir » (Saint Augustin disait que les démons occupait le domaine de l’air, par quoi il faut entendre le domaine intermédiaire [entre le spirituel et le matériel], qui n’est autre que le domaine psychique), et c’est précisément « ici », dans le « monde du désir », que se trouvent les démons. (Nous mettons « ici » entre guillemets car, à ce niveau, les lois spatiales ne sont pas les mêmes que celles du « monde matériel », puisque la substance [ou le corps, si on peut parler de « corps »] des démons n’est pas comme le nôtre ; ils ne possèdent donc pas les mêmes limitations.) Afin de comprendre ce qu’est le « monde du désir », il faut comprendre ce qu’est un désir : lorsqu’une émotion apparaît en nous, apparaît alors un désir. La sensation de la faim génère un sentiment de mal-être et, en même temps, le désir de manger. (Sentiment et émotion sont synonymes.) Le désir est donc l’effet de l’émotion : c’est l’émotion orientant la volonté (le mot émotion sous-entend l’idée de mouvement vers). C’est précisément ce que font les démons : ils orientent la volonté humaine. Ainsi, chaque émotion est lié à un désir ; et observer le « monde du désir », c’est observer un monde où les désirs des hommes prennent une forme concrète. Que voit-on quand on voit ce monde ? Des démons (du moins, pour ce qui est de la partie la plus inférieure de ce monde). Observer ce monde, c’est observer un monde où l’on perçoit l’origine des impulsions humaines sous la forme de ces forces que nous appelons « démons » (nom qui désigne le côté négatif de ces forces).
Si on pouvait observer l’activité des démons dans les personnes que nous côtoyons, on verrait tel démon (Asmodée, la luxure) apparaître sous la forme d’une femme obèse et sadomasochiste (forme qui représenterait les fantasmes de tel ou tel individu) ; un autre (Lucifer, l’orgueil) paraîtrait sous la forme d’une voiture de luxe (à travers quoi s’exprime l’orgueil et, possiblement, l’avarice), et ainsi de suite. On l’aura compris : ce qui compte à ce niveau, ce n’est pas la forme sensible, mais l’activité ou l’énergie, la forme ne faisant que refléter la manière dont l’énergie se manifeste – à travers tel ou tel fantasme, tel ou tel objet (comme une voiture), et ainsi de suite. C’est cela qu’on verrait si on voyait les démons : une forme ne faisant que refléter la manière dont l’activité du démon s’exprime : lorsqu’untel part chez le boulanger, lorsqu’untel conduit sa voiture de luxe, lorsqu’un autre fantasme sur les femmes, et ainsi de suite.
Les démons n’ont pas de forme fixe, mais ils s’enveloppent d’une forme en fonction de la manière dont ils s’expriment à tel ou tel moment ; autrement dit, à ce niveau de réalité, la subjectivité devient objective, puisque les désirs de l’individu se matérialisent pour générer une certaine réalité.
Pour conclure, on notera que tout ceci n’est qu’un aperçu ; car les choses sont plus complexes, les démons pouvant se combiner pour générer de nouveaux démons, phénomène qui ne fait que représenter la manière dont certains désirs se combinent : il n’est pas trop compliqué de voir comment l’appétit sexuel peut se combiner avec d’autres désirs, pour ne citer qu’un exemple relativement cru. Dans le monde du désir, l’énergie associée à ces émotions-démons va alors générer l’apparition d’un nouveau démon. Pour plus d’informations, voir Rudolf Steiner : Le Moi, son origine spirituelle, son évolution, son environnement, première conférence du 19 octobre 1908.