Ils sont jeunes, en rupture familiale le plus souvent, venus de villages où l’on s’ennuie, où les perspectives d’avenir ne sont pas folichonnes. Pour eux, le camion est le vecteur de la liberté, le trou dans le mur de leur prison. Ils partent à l’aventure sur les routes, découvrent le monde, ou plutôt la France, parfois l’Europe, se rencontrent entre routards, font des bandes, des petits collectifs. Ils recréent une micro-société.
Pour rien au monde ils ne rentreront dans le Système, qui de toute façon ne leur laisse pas de place. Mais pour vivre, enfin, pour manger et mettre du gazoile dans leur véhicule, il leur fait un peu de monnaie. Alors ils bossent, en saisonniers, ils font les boulots dont plus grand monde ne veut. Et peu leur suffit. Dans les villes, on les appelle les punks à chiens. Ceux du reportage ne sont pas trop atteints pas la drogue ou l’alcool, ces deux fléaux de la rue. La drogue c’est les ecstas, l’alcool c’est la bière. Les ecstas, certains en revendent sur les concerts, les rassemblements, les festivals techno. D’autres touchent le RSA, mais on n’en parle pas dans le doc, assez pudique sur les sujets borderline.
Ces nomades sont prêts à beaucoup de sacrifices pour leur liberté, ou leur sentiment de liberté. En restant sur place, quelque part, c’est peut-être ça qu’ils n’arrivent pas à ressentir. Alors ils bougent, tout le temps. Ils passent de la France à l’Espagne, montent jusqu’en Scandinavie où les jobs sont plus rémunérateurs, mais beaucoup parlent de l’Afrique, où l’on vit avec rien, ou si peu. Pourtant, les deux jeunes filles de 21 ans qui parlent beaucoup de l’Afrique en reviendront vite, et on ne saura pas pourquoi. Deux mois au Maroc, pour deux jeunes filles, même aguerries, c’est peut-être pas si facile...
Politiquement, on pourrait s’attendre à des discours de gauche, voire d’extrême gauche, mais ces routards-là n’ont pas l’air concernés par la politique du Système. Leur politique est d’abord une politique de survie, avec la solidarité qui lui est nécessaire. Ils sont débrouillards, ils ont l’esprit pratique, ils récupèrent plus qu’ils ne jettent, c’est une forme d’écologie.