Une plainte pour « homicide involontaire » a été déposée contre un chirurgien du centre hospitalier Jacques-Coeur de Bourges (Cher). Son patient est décédé lors d’une banale opération de la prostate.
Que s’est-il passé le 14 janvier dernier au bloc de l’hôpital de Bourges (Cher) où Henry Latour, 60 ans, est décédé lors d’une banale opération de la prostate ?
Selon nos informations, une enquête préliminaire est en cours, à la suite d’une plainte pour « homicide involontaire » déposée contre un chirurgien urologue par la famille de la victime le 3 mars auprès du procureur de la République de Bourges.
Leur avocat, Philippe Courtois, dénonce « une affaire tout à fait hors norme » et estime que le chirurgien a commis « plusieurs fautes caractérisées à l’origine du décès du patient ». Il décrit « un comportement parfaitement inadapté, une agressivité, un état hystérique, des insultes et des menaces envers les autres personnels », mais aussi « une insuffisance de maîtrise de certains gestes chirurgicaux réalisés de façon brutale et violente qui ont causé une hémorragie importante », et enfin une « non-prise en charge des hémorragies » malgré les rappels de ses collègues du bloc opératoire.
« Cette intervention était une véritable boucherie »
Selon le rapport de l’anesthésiste, adressé à la direction de l’hôpital, le chirurgien entre ce jour-là en salle « agité, en colère, parlant fort ». « C’est à nouveau du matériel de merde » lance-t-il, avant d’insulter une infirmière. Un coordinateur du bloc estime que « le chirurgien n’est pas dans son état normal, inaccessible à tout raisonnement ». Mais il n’y a pas d’autres urologues disponibles pour opérer. Alors que le chirurgien « hurle », l’anesthésiste lui rappelle « que le patient est sous rachianesthésie et entend tout ». Décision est alors prise d’endormir le patient. Selon le compte rendu, minute par minute, l’intervention tourne alors au cauchemar. « Le chirurgien continue à pratiquer des gestes brutaux et violents à l’origine des fortes pertes hémorragiques, plus de 5 litres », sans que les apports extérieurs massifs en sang ne les compensent. L’état de santé du patient se dégrade progressivement. À 15 h 25 l’anesthésiste signale « à plusieurs reprises que le patient n’est pas bien et qu’il faut arrêter l’intervention ». Sans succès. A 15 h 52 le chirurgien stoppe finalement l’opération.
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« L’hôpital a tenté d’étouffer l’affaire »
Émilie Latour (notre photo) veut savoir ce qui a provoqué le décès de son père. « À 60 ans, il était en bonne forme et devait juste avoir une intervention bénigne sur la prostate. C’était un homme exceptionnel, qui donnait encore beaucoup de son temps pour les autres. » Henry Latour avait notamment une activité syndicale à Force ouvrière à l’Urssaf du Cher, département dans lequel il vivait depuis quelques années, après avoir habité en région parisienne. Juste avant qu’il entre au bloc au CH de Bourges, le 14 janvier, Emilie, qui vit à Montmorency (Val-d’Oise), a eu son père au téléphone. « Il n’était pas stressé et était en bonne forme », confie-t-elle. Sans nouvelles au bout de plusieurs heures, elle finit tout de même par s’inquiéter. « J’ai alors reçu un appel du chirurgien qui m’a dit : je suis désolé, votre papa a fait un arrêt cardiaque. » Sa belle-mère, qui habite à Bourges, se rend à l’hôpital, où le chirurgien lui confirme l’arrêt du coeur.