Chacun sait que l’Homme a façonné et continue de façonner la Nature pour survivre, et prospérer. Il est ainsi devenu ce que les scientifiques appellent une « force de la nature ». Il utilise les lois naturelles pour les tourner à son avantage. Cependant, tout ne marche pas toujours comme prévu. Il y a des « accidents ». Par exemple le tsunami qui a déglingué la centrale nucléaire de Fukushima au Japon, entraînant la mort de 19 000 personnes en mars 2011, ou la mer démontée qui a englouti des centaines de maisons avec des dizaines d’habitants à La-Faute-sur-Mer en février 2010.
Les responsables du zoo de Los Angeles ont fait une découverte étonnante cette semaine : un koala, ce marsupial que les enfants adorent parce qu’il ressemble à une peluche alors qu’il est responsable de la déforestation de son habitat australien – en gros il dévore son biotope –, a été retrouvé mort à 350 mètres de son enclos.
Pour info, ce marsupial est l’exemple type de l’animal qui dégénère – dans le sens biologique du terme – du fait de la disparition de ses prédateurs. Il y a 40 000 ans, les Aborigènes ont liquidé une grande partie de la faune de l’île. Aujourd’hui, ce sont les Blancs qui « protègent » les Aborigènes (à coups d’allocations, d’alcool et de résidence forcée). Le dingo, lui, est une espèce d’importation récente (- 5 000 ans). Autre prédateur mais local celui-là, le diable de Tasmanie est devenu un animal de légende. Réintroduire les animaux figurant en haut de la chaîne alimentaire permet de renforcer les espèces qui dégénèrent, selon les spécialistes. L’expérience a été tentée dans le Yellowstone, le grand parc naturel nord-américain, avec un certain succès : ours, pumas et loups y corrigent les troupeaux de grands herbivores. Le capital génétique des wapitis s’améliore, et le parc attire des visiteurs du monde entier en mal de milieux naturels non castrés.
Mais revenons au mystère du koala manquant. Après s’être gratté la tête, les soigneurs ont découvert, grâce aux caméras de sécurité, la trace d’un puma. Sauvage. Qui est entré – personne ne sait comment – et ressorti du zoo en douce (la nuit), pour y puiser sa subsistance. Théoriquement, ce grand félin américain, friand de ratons-laveurs, vit à plus de 100 kilomètres du parc. Et prélève régulièrement les animaux de compagnie des Américains qui habitent à la limite des conurbations.
Nous assistons donc au tamponnage imprévu entre un biotope artificiel, la biozone (c’est la mode, voir le nouveau zoo de Vincennes à Paris) et un biotope naturel. Le second perdant du terrain par rapport au premier, suite à la pression démographique humaine. La question qui se pose est la suivante : s’il est presque inévitable que l’homme de demain finisse par détruire ou coloniser tous les biotopes naturels restants, ou survivants, qu’adviendra-t-il de la « sauvagerie » ? Il est fort probable qu’elle resurgira où on ne l’attendra pas. Par un de ces coups d’échecs inattendus dont la nature a le secret.
L’homme est son propre prédateur
Ainsi, une nouvelle espèce animale, adaptée au « monde moderne », c’est-à-dire à la « fin de la nature » en tant que telle, devrait apparaître. Une espèce compatible ou pas avec l’homme. Cela peut aussi être une espèce dérivée de l’homme, un nouvel homme sauvage par rapport à l’homme civilisé, ou urbanisé. Et là, on retombe dans la littérature wellsienne (H.G. Wells), avec les Morlocks et les Eloïs de La Machine à remonter le temps.
L’homme de demain produira-t-il sa propre sous-espèce, son propre sous-homme ? Un sous-homme sauvage, dont la sauvagerie sera la conséquence de ses déterminismes sociaux, culturels, voire morphologiques : ainsi, la petite taille des pygmées est la conséquence de la pauvreté en nutriments de leur niche écologique, la forêt équatoriale.
Une racaille du futur qui fera peur au bourgeois du futur, un « surhomme » qui sera heureusement protégé des « sous-hommes » par une police sociale, prise entre le chien et l’os. Une nouveauté en matière de chaîne alimentaire, complètement inversée, où les prédateurs carnivores se situeront hiérarchiquement sous leurs proies. On peut se poser la question légitime de l’affaiblissement du capital génétique de ces « herbivores » humains... comparables aux koalas du zoo de Los Angeles.
Mais, n’y est-on pas déjà un peu ?