À l’occasion d’une interview pour l’agence russe Tass, le président russe est revenu sur la question du révisionnisme historique. Il a notamment rappelé la responsabilité de certains pays européens dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Lors d’un entretien accordé à l’agence de presse russe Tass – le dernier d’une longue série consacrée à sa présidence diffusé le 10 mars – Vladimir Poutine a de nouveau réagi à l’adoption, le 19 septembre dernier, de la résolution européenne « sur l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe ».
Ce texte, qui met sur le même plan le fascisme, le nazisme, mais aussi le communisme et le stalinisme, affirme notamment que la signature du pacte germano-soviétique en 1939 y soit désignée comme cause principale du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Une écriture des faits historiques qui avait notamment suscité l’indignation de nombreux historiens et eurodéputés. Elle avait également déjà fait réagir le président russe : « On peut jeter l’anathème sur le stalinisme [...] Mais mettre l’URSS et l’Allemagne fasciste sur le même plan ? », s’était-il alors interrogé qualifiant la résolution de « totalement incorrecte ».
Cette fois, le président russe a déclaré : « Ce ne sont que des gens stupides qui ne savent ni lire ni écrire. Ils crient toutes sortes d’âneries au Parlement européen sur la responsabilité égale d’Hitler et de Staline. C’est vraiment n’importe quoi. »
Revenant sur les événements précédant la Seconde Guerre mondiale, Vladimir Poutine a souligné que Staline n’avait jamais eu de contacts avec Hitler contrairement à d’autres dirigeants européens :
« Il faut examiner l’évolution de la situation, depuis 1918-1919 : comment tout cela s’est déroulé, qui a signé quel accord avec Hitler… Peu importe le jugement que vous portez sur Staline – c’était un tyran et ainsi de suite –, mais il ne s’est jamais sali les mains par des contacts directs avec Hitler. Il n’y a aucun document signé à la fois par Staline et Hitler, alors que des documents ont été signés par Hitler et le Premier ministre britannique, Hitler et le Premier ministre français, Hitler et le dirigeant polonais. » Et d’ajouter : « Ils ont travaillé avec lui, avec Hitler, ont eu de nombreuses réunions avec lui et ont trahi la Tchécoslovaquie. »
Le président russe fait ainsi référence aux accords de Munich de septembre 1938. Signés entre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie, respectivement représenté par Adolf Hitler, Édouard Daladier, Neville Chamberlain et Benito Mussolini, ils ont permis à l’Allemagne d’annexer la région tchécoslovaque des Sudètes majoritairement habitée par des Allemands. S’appuyant sur les archives, Vladimir Poutine a par ailleurs rappelé les velléités irrédentistes de la Pologne sur la Tchécoslovaquie et de son entente secrète avec l’Allemagne pour son partage :
« La Pologne a partagé la Tchécoslovaquie avec Hitler. Ils ont convenu d’envoyer les troupes en Tchécoslovaquie. Hitler a émis une seule réserve : "[Ne le faites] pas le même jour que nous, il ne faut pas se gêner les uns les autres. Nous ne revendiquons pas ce que vous revendiquez : la Silésie de Cieszyn". C’est une collusion manifeste ! », a-t-il analysé. « Et puis ils veulent nous expliquer qui est coupable ! Ce sont eux qui sont coupables à partir de 1938. Ces fameux accords de Munich étaient le premier pas vers le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale », a-t-il conclu.
La mémoire de la Seconde Guerre mondiale constitue un sujet de tensions entre Moscou et Varsovie depuis une dizaine d’années. Chaque commémoration est ainsi l’occasion de nouveaux désaccords entre les deux nations. Dernier épisode en date : le président polonais Andrzej Duda a refusé de se rendre au Forum sur la Shoah organisé au mémorial Yad Vashem de Jérusalem, le 23 janvier, car il était absent du programme des prises de parole. Il s’est insurgé contre le fait de ne pas pouvoir répliquer à une éventuelle attaque du président russe et a, en conséquence, boudé la cérémonie. Lors de ce rassemblement, Vladimir Poutine n’a pourtant prononcé le mot « Pologne » qu’une seule fois au cours de son allocution principale, pour rappeler que les « peuples slaves » avaient été eux aussi « visés par les nazis » dans leur quête d’un espace vital à l’Est.