Tout le monde se souvient de la prédiction de notre puissant et visionnaire ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. C’était le 1er mars 2022.
Onze mois plus tard, l’effondrement annoncé n’est toujours pas là. Notre ministre aurait-il menti ? Les sanctions seraient-elles inefficaces ? Sapir et Todd ont la même explication : les PIB des pays occidentaux, remarquables quantitativement, sont trompeurs qualitativement. Le secteur des services, qui pèse pour 80 % dans le PIB américain et français, compte peu en période de crise, quand on passe d’une économie de paix à une économie de guerre. La Russie, avec son secteur industriel pur de 25 %, réussit mieux la transition.
L’Allemagne a la même proportion industrielle de 25 %, mais elle pèche du côté de l’énergie, dont les Russes ne manquent pas. Ainsi, la vision occidentale d’une Russie économiquement – et donc militairement – faible parce qu’elle ne pèserait que 3,3 % dans le PIB mondial est une erreur : en vérité, la Russie pèse plus du double, et plus encore en cas de guerre, car elle dispose du combo énergie-production. Là réside l’erreur du présomptueux Le Maire.
Emmanuel Todd est interrogé longuement par Le Figaro du 12 janvier 2023 sur La Troisième Guerre mondiale a commencé, son dernier livre. Il désoccidentalise la perception de l’économie russe. Alexandre Devecchio, lui, croit toujours l’effondrement possible, non pas de l’économie, mais carrément du régime russe ! La réponse de Todd a dû foudroyer le journaliste :
« Les Russes, eux, attendent la chute des économies européennes. Nous sommes leur front principal. »
En 1943, l’US Air Force déclenchait un bombardement stratégique sur le complexe pétrolier roumain de Ploiesti, qui était la pompe à essence de l’armée allemande. Aujourd’hui, ce sont les (dirigeants) Européens eux-mêmes qui se sont coupés du gaz russe, sur ordre des Anglo-Américains, qui ont par ailleurs saboté les gazoducs, ces artères entre la Russie et l’Europe. La Russie souffre du manque de pièces de haute technologie qu’il importait auparavant de l’Occident, mais cela ne l’empêche pas d’être devenue le premier producteur et exportateur de centrales nucléaires, notamment vers la Chine et l’Égypte.
Autre élément tangible dans le bras de fer entre la Russie et l’Empire, le nombre d’ingénieurs : les Russes en forment désormais deux fois plus que les Américains, qui sont obligés de compter sur les étudiants chinois et indiens en la matière... Mais ces derniers rentrent de plus en plus au pays ! Il est fini, le temps de la fuite des cerveaux du tiers-monde vers le Centre, soit l’Empire. Todd le dit dans une formule choc : le grand dilemme de l’économie américaine, c’est qu’elle « ne peut faire face à la concurrence chinoise qu’en important de la main-d’œuvre qualifiée chinoise ».
Le système économique mixte russe (ou chinois), une économie de marché sous la coupe d’un État dirigiste, montre la voie aux pays non alignés, qui se détournent de plus en plus du néolibéralisme pur, dont ils voient les résultats dramatiques sur l’Occident. En France, le niveau de vie baisse à une vitesse supersonique. L’Allemagne, privée du gaz russe (qu’elle rachète plus cher via la Chine), obligée d’importer du gaz de schiste américain trois fois plus cher, joue sa survie économique.
Von der Leyen peut faire son Le Maire à Davos auprès de Klaus Schwab, son Europe à la solde des Américains est très mal barrée.
"Nous imposons les sanctions les plus fortes contre la Fédération de Russie, qui plongeront l'économie russe dans la récession pendant des décennies, et son industrie sera privée de technologies modernes et critiques", a-t-elle déclaré.
2/2— Brainless Partisans (@BPartisans) January 17, 2023