« Fear is the mind-killer. » (Dune)
En 2020, je publiais YIN, une réflexion largement aphoristique sur la traduction culturelle de la bisexuation (au vu, notamment, du naufrage de cette traduction dans l’Occident postmoderne) – réflexion reçue par le (maigre) public comme un essai de « philosophie punk » « contre le féminisme ». En 2022, je publie Køvíd, ouvrage plus construit, combinant les leçons de YIN à celles de mon Magicien de Davos (tome II de ma trilogie, publié en 2021), sous la forme d’une mise en perspective historico-philosophique non sans analogie avec le moment de la pensée qu’a représenté, 216 ans plus tôt, la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel. Mais comment passe-t-on de la critique de la « cunnicratie » au dévoilement de l’histoire universelle ? Réponse : par le covid. Les fétichistes (de sexe, le plus souvent, féminin) du kleenex facial, s’étant récemment reconvertis dans une croisade paranoïaque en faveur de l’infanticide parfaitement légal et moralement irréprochable, nous offrent une occasion rêvée d’enfin saisir la parfaite cohérence qui se cache derrière l’apparente bigarrure de leurs névroses variées – lesquelles, en dépit des apparences, ne sont pas que celles de quelques célibataires stressées du tertiaire de centre-ville, mais aussi et surtout celles d’une culture (au sens spenglerien) tout entière.
L’hétérosexualité étant – comme toute réalité humaine – AUSSI une réalité culturelle [1], il est factuellement exact que – l’androgynie et la labilité sexuelle ayant toujours existé, même dans les sociétés qui, culturellement, leur laissaient le moins de place – la culture de l’hétérosexualité, en tant que dispositif normatif, a toujours fait (et fera toujours) le malheur d’un certain nombre d’individus aussi peu responsables moralement de leur anormalité que les enfants mongoliens de leur tare génétique. Et il est exact que, dans les cas les plus infortunés, ce mal-être débouche sur des suicides. Il en a toujours été ainsi, et en sera toujours ainsi. Les Anciens l’avaient bien compris, et le disaient assez clairement, sous forme de tragédies : la loi est loi à condition de tuer, toute loi est criminelle.
Dans les circonstances qui président au bonheur et au malheur des hommes dans ce qu’il a de plus fondamental, il n’y a pas plus de « justice » ou de « sens » que dans la sélection, au sein des troupeaux d’herbivores, des victimes de la prédation des grands fauves, pratiquement toujours mis en position de faiblesse par leur âge, leur isolement, la maladie, un accident, etc.
Prisonniers à des degrés presque égaux de la matrice progressiste, les jumeaux « révolutionnaire » et « conservateur » du Janus bifrons moderne aiment jouer au ping-pong avec ces petits cadavres : ce qui les sépare, c’est la méthode employée pour trouver à ce malheur inévitable, né de l’injustice foncière de l’existence humaine [2], des causes pseudo-historiques et pseudo-politiques. C’est cette recherche de causes, de coupables, cette incrimination systématique (quoique diverse dans le détail) de la réalité qui constitue le fond de la mentalité occidentale. Dans l’Occident finissant, seuls les rarissimes réactionnaires sont encore capables du haussement d’épaules attristé qui constitue la seule, l’universelle réponse de l’homme raisonnable à cette fausse question, à cette apparence de question que feint de lui poser la réalité.
Semblablement, même s’il est vrai que les fécondations résultant d’un viol sont statistiquement négligeables dans le total des fœtus avortés, même si les victimes de suicides ou des conséquences létales d’avortements sauvages dont nous bassinent les féministes représentent – même en les comptabilisant sur toute la durée de l’histoire humaine – une fraction ridicule du total des enfants assassinés dans le ventre de leur mère depuis l’institutionnalisation et l’industrialisation de « l’interruption de grossesse », là aussi, ces victimes (parfaitement « innocentes » dans le cas des viols caractérisés) EXISTENT, ont toujours existé, et existeront toujours dans les sociétés viables [3].
On a trop peu souligné l’analogie profonde (pour ne pas dire : l’identité) constatable entre ces problématiques et le « dilemme covidien » tel que l’a, dès les tout premiers jours de la psy-op débutée en 2020, présenté la propagande covidiste elle-même [4] : qu’on accepte ou non la théorie du virus pathogène [5], il est indéniable que, tout en servant d’éboueur démographique dans les mouroirs, les « viroses saisonnières » ont toujours emporté aussi (quoique dans des proportions statistiquement négligeables) des individus relativement jeunes et (apparemment au moins) en relativement bonne santé. En déclarant ces pertes [6] INACCEPTABLES, ce que le discours covidiste a de facto aboli, c’est ce concept de « statistiquement négligeable » – et ce, alors qu’il n’a, par ailleurs, jamais cherché très sérieusement à contester que le coût exorbitant des confinements en fait, en dernier calcul, l’équivalent d’une opération de démolition contrôlée de « l’économie » (comprendre : de la vie des nations acceptant cette folie).
C’est que ce discours, en réalité, amène à ses toutes dernières conclusions la logique de l’impératif catégorique kantien, aussi à l’œuvre dans l’idéologie BLM [7], dans les croisades féministes en faveur de l’avortement (cf. supra) ou dans les campagnes hystériques du lobby LGBT contre la « culture patriarcale » qui pousse de pauvres enfants queer au suicide. Dans tous les cas [8], l’impact démographique de ces « injustices systémiques » est inférieur à celui des rarissimes accidents d’avion. Dans toute logique publique [9], évoquer ces pertes pour justifier des décisions aussi désastreuses que le confinement, l’autorisation (voire encouragement) de l’avortement ou la diffusion de la propagande trans dans les écoles constitue donc l’équivalent d’une interdiction de l’aviation civile [10] « pour éviter les accidents » : pour éviter la mort, criminalisons la vie.
Ce qui nous aide à comprendre que – parmi les « petites phrases » d’E. Macron – la véritable devise du covidisme [11], ce n’est pas ce « Nous sommes en guerre » d’un machiavélisme à deux balles, mais le presque aussi célèbre « Quoi qu’il en coûte », moment emblématique de l’abdication de la rationalité dans le dispositif idéologique occidental.
Or cette abdication n’a rien d’un accident. Elle est le résultat logique, et à long terme inévitable, de l’évolution idéologique tendant à conférer à la vie individuelle (par définition accidentelle) une valeur essentielle. Si la survie des individus (et non des familles) est le dernier mot de l’axiologie socialement acceptée, comme cette survie est à long terme, par définition, impossible, c’est cette axiologie tout entière qui est frappée de nullité : elle devient un joujou discursif [12], une rhétorique soutenue par l’inertie culturelle [13] et permettant au cynisme oligarchique d’habiller d’harmonies moralisantes à peu près n’importe quelle décision (en commençant, bien évidemment, par les plus monstrueuses).
On voit ici comment le safetyism conceptualisé par Matthew Crawford, loin d’être un accident de l’histoire culturelle occidentale, est la conséquence ultime de ce que beaucoup, depuis plus d’un siècle, désignent [14] par l’expression de « nihilisme occidental » : c’est précisément parce que la vie humaine a perdu toute valeur transitive, étant donné que rien ne se transmet à qui que ce soit de façon personnelle [15], que l’horizon destinal de cette vie à l’échelle individuelle (qui est la mort) est devenu une aporie, un cul de sac de la pensée, au-delà duquel la pensée occidentale ne sait plus se porter – non pas au sens qu’elle ne serait plus capable de « s’imaginer des au-delà » plus ou moins métaphysiques [16], mais, plus prosaïquement, en ce que, désormais, l’apparition de la mort dans un raisonnement y déclenche cette autodestruction de la logique qui se manifeste dans le slogan « Quoi qu’il en coûte » : plus de poésie après Auschwitz, plus de déductions logiques après le décès (censément « causé » par un pathogène viral) d’un nonagénaire à Bergame.
Ce qui fait du moment covidien une épiphanie, c’est la pureté chimique dans laquelle la psy-op a mobilisé le mécanisme du safetyism, en l’occurrence débarrassé de toutes les scories morales sectorielles qui pouvaient troubler la compréhension dudit mécanisme dans ses manifestations plus précoces (comme BLM ou les croisades pro-avortement ou LGBT) : la « vulnérabilité virale » étant réputée universelle [17], les fausses questions entourant la responsabilité morale que porteraient dans leur vulnérabilité spécifique les filles-mères ou les déviants sexuels disparaissent opportunément de l’équation.
C’est ce qui a permis à la droite [18] d’accepter comme un seul homme la logique covidiste de la gauche postmoderne au pouvoir – le problème n’étant, de ce point de vue, pas du tout de comprendre pourquoi des pantins comme Salvini ou Orbán exécutent les ordres tombés de Davos, mais comment il est possible que cette trahison patente de tous leurs pseudo-principes de droite ne leur aliène pas le plus gros de leur électorat propre. C’est la réaction (en général de soumission et de fidélité à l’homme en dépit du principe) de cet électorat qui montre la véritable nature du conservatisme occidental au début du XXIe siècle : la bouche sans cesse pleine de « tradition », de « nation », d’« ordre », etc., [19] il n’est en réalité sensible qu’à la valeur-égalité, qui l’amène à ronchonner devant le principe de « discrimination positive » (à l’œuvre dans BLM, dans l’agenda LGBT ou le féminisme postmoderne).
Au crépuscule du 3e Occident (de l’Occident démocratique), le conservatisme, c’est, comme il se doit, l’attachement crispé aux valeurs de 1789 – pendant que le progressisme, plus conséquent, dépasse ces valeurs : comme la nature contrevient à l’égalité, c’est donc qu’il faut abolir la nature (« nouvelle normalité ») ; aucun privilège de l’âge ne doit protéger les enfants d’injections expérimentales destinées à prolonger l’espérance de vie des vieillards – décision menaçant l’espèce ? Qu’importe ! Augmentez-moi cette saloperie !
C’est une chose de constater que l’humanisme est devenu le projet d’en finir avec l’humanité (d’autres que moi y sont parvenus encore plus tôt). Encore faut-il comprendre comment (de façon historiquement nécessaire) un humanisme (du 3e Occident) fondé sur le principe antihumain de l’égalité [20] ne peut QUE déboucher à terme sur la campagne d’injections actuellement en cours.
« La vaccination est un acte d’amour » (François)