Peu consulté, le Conseil économique, social et environnemental est dans le collimateur. Son nouveau patron, Patrick Bernasconi, recevra dans huit jours le président de la République pour ses vœux aux forces vives de la nation. Manuel Valls interviendra mardi en début d’après-midi pour la première séance plénière depuis son élection.
Le 18 janvier, François Hollande lancera le dernier round social du quinquennat au palais d’Iéna. Au programme : réforme du Code du travail et du régime chômage. Il sera accueilli sur le perron du Conseil économique social et environnemental (Cese) par l’ancien patron de la Fédération nationale du bâtiment, Patrick Bernasconi, ex-dirigeant du Medef, qui en a ravi la présidence le 1er décembre à Jean-Paul Delevoye. Une provocation ou du moins un faux pas pour FO et la CGT…
C’est en mai dernier que Delevoye a compris que ses jours étaient comptés à la tête de la troisième assemblée de la République, celle des partenaires sociaux. Ce jour-là, il recevait Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. Désireux de briguer un second mandat, Delevoye, élu en 2010 pour cinq ans, voulait savoir s’il aurait le soutien du syndicat réformateur. Berger l’a félicité pour son « bon bilan d’assainissement » mais ne lui a laissé aucun espoir : « Il m’a gentiment fait comprendre que la gestion du Cese devait revenir aux partenaires sociaux… »
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« J’ai voulu remettre la maison en ordre de marche »
La greffe Delevoye n’a jamais pris. Le personnel s’est rapidement méfié des ambitions réformatrices de l’ancien médiateur de la République, fustigeant « la brutalité de son management » et un « manque d’investissement ». En témoigne un audit réalisé par le cabinet Technologia. Jamais rendu public, ce document remis en mars 2014 – dont le JDD a pu consulter une synthèse – montre que, si 81 % des personnels jugeaient des évolutions nécessaires, 51% n’approuvaient aucun des chantiers engagés par le président Delevoye.
« J’ai voulu remettre la maison en ordre de marche, se défend-il. En arrivant, je me suis aperçu que la maison gonflait ses effectifs et distribuait des primes sans compter. Pour un salaire moyen de 55 000 €, les fonctionnaires du Cese travaillaient en moyenne 1 350 heures annuelles, soit largement moins que les 1 607 heures obligatoires de la fonction publique… Sans compter les arrangements extérieurs et les contrats léonins. Lorsque le directeur de cabinet de mon prédécesseur, un préfet qui percevait 15 000 € par mois, a quitté le Cese pour rejoindre la Cour des comptes, j’ai dû continuer à payer pendant trois mois son salaire… au Medef. Je me suis aperçu qu’en 2008, on avait puisé dans la caisse de retraite pour subventionner à hauteur de 260 000 euros les Assises de la jeunesse. Caisse déficitaire et renflouée par l’État ! À l’époque, j’avais préféré taire toutes ces dérives pour protéger l’institution. Des députés réclamaient sa disparition ! »
Ses tentatives de réorganisation n’ont pas convaincu. Et il a dû reculer sur certains dossiers. Exemple édifiant : la pointeuse en début et fin de journée qu’il a imposée pour augmenter le temps de travail ne prend pas en compte les pauses déjeuner à l’intérieur du palais et les diverses activités de loisirs offertes sur place. « Pour diriger le Conseil, il faut être au moins franc-maçon ou syndicaliste, fait observer un... syndicaliste, et Delevoye n’est ni l’un ni l’autre. Il n’a obtenu le poste que parce que la maison n’avait pas réussi à trouver un accord interne après la présidence de Jacques Dermagne. »