C’est la « Grèce de l’Amérique ». Annonçant lundi que Porto Rico ne pouvait plus honorer sa dette de 72 milliards de dollars, ce territoire américain de 3,5 millions d’habitants est au bord du défaut de paiement.
« Ce n’est pas une question de politique, c’est une question de maths », a déclaré Alejandro Garcia Padilla (photo ci-contre), gouverneur de ce territoire américain depuis 1898. Il a demandé aux créanciers de Porto Rico de faire aussi un sacrifice et d’accorder un moratoire de plusieurs années sur les intérêts de la dette.
Les parallèles avec le cas grec sont nombreux. Porto Rico et la Grèce sont tous deux des pays en marge d’une grande union monétaire, les États-Unis pour le premier, la zone euro pour la seconde. Selon The Economist, tous deux ont bénéficié des transferts monétaires et fiscaux en provenance de pays riches et ont emprunté à l’excès pour payer une fonction publique trop généreusement à des taux artificiellement bas. Leur compétitivité a souffert en raison de coûts de production élevés, d’une monnaie surévaluée pour leurs besoins et d’un marché du travail peu flexible. Enfin, San Juan, comme Athènes, a appliqué des mesures d’austérité radicales qui ont eu pour effet de stabiliser la dette, mais qui ont plongé le pays dans une grave récession.
Chômage élevé
Lundi, un rapport coécrit par un ex-numéro deux du FMI, Anne Krueger, dresse un tableau préoccupant. Seuls 40% de la population adulte travaillent ou cherchent un emploi. Le reste a une occupation dans l’économie souterraine ou se contente de l’aide de l’État, qui est supérieure au salaire minimum. Selon Anne Krueger, le gouvernement de l’île des Caraïbes n’a pas non plus pris des décisions qui s’imposaient. Avec la crise économique, nombre d’habitants ont quitté Porto Rico pour se rendre aux États-Unis dont ils ont la nationalité. Le nombre d’élèves dans les écoles a chuté de 40%, mais le nombre d’enseignants a augmenté de 10%. Or il aurait été nécessaire de fermer nombre d’écoles. Les grandes entreprises publiques, dont celles fournissant l’électricité et l’eau à Porto Rico, comptent pour plus de 10 milliards de la dette portoricaine. Le gouverneur de l’île met en garde :
« Nous ne pouvons pas permettre [que les créanciers] nous forcent de choisir entre payer notre police, nos enseignants, nos infirmières ou notre dette. »
Républicains intransigeants
La marge de manœuvre de Porto Rico est encore bien plus faible que celle de la Grèce. Étant un territoire américain ne bénéficiant pas de l’indépendance d’un pays normal, l’île ne peut dévaluer sa monnaie ou répudier sa dette. Elle n’a pas le statut d’État américain, mais en subit les mêmes contraintes de Washington. Porto Rico ne peut pas, à l’image de municipalités ou de villes comme Détroit, qui l’a obtenue récemment, demander la protection du chapitre 9 du code des faillites. Une restructuration de la dette portoricaine pourrait être un casse-tête juridique considérable. La trentaine de hedge funds qui ont investi massivement à Porto Rico pourraient aller jusqu’à déposer des plaintes contre chaque entreprise publique et demander des saisies.
Pour Washington, c’est une bombe à retardement. Jusqu’à maintenant, malgré les sollicitations, le Congrès et la Maison-Blanche sont restés très discrets. Les républicains du Congrès ne sont pas prêts à permettre à Porto Rico de recourir au chapitre 9 pour permettre à ses entreprises publiques de faire faillite. Ce serait à leurs yeux récompenser plus de trois décennies de mauvaise gestion. Les plus grands hedge funds font pression sur le Congrès pour bloquer toute possibilité de faillite. Les démocrates seraient, eux, favorables à une telle mesure. Pour sa part, la Maison-Blanche le rappelle : même Détroit n’a pas eu droit à un sauvetage de l’État fédéral.
Dans la perspective de la présidentielle américaine de 2016 pourtant, tant les démocrates que les républicains ne peuvent se laver les mains du problème portoricain. À la suite d’une émigration de masse, cinq millions de Portoricains vivent aux États-Unis, dont un nombre considérable en Floride, un État-clé lors de la présidentielle.