Il y a ceux qui, farcis d’images positives, croient que l’Amérique c’est le Bien, la Démocratie et la Vérité. Et il y a les autres. Ceux qui ont subi la Pax Americana le savent : les Américains, première puissance militaire du monde, sont capables de tous les coups tordus. Parce qu’en fin de compte, c’est toujours la force qui l’emporte. Les Américains n’ont pas de diplomatie. La diplomatie, c’est pour les autres. Rien ne remplace une armée, une flotte, navale ou aérienne, pour faire entendre raison aux récalcitrants.
(Ce clip sur le canon de l’AC-130 donne une idée de la puissance militaire US et de son utilisation : la guerre est une industrie et son consommateur, c’est l’ennemi)
Rodrigo Duterte et ses Philippines sont des récalcitrants, tout comme Bachar al-Assad et sa Syrie. Présentés comme des dictateurs sanglants par la presse internationale – qui est l’indispensable outil oligarchique de formatage des esprits, rappelons-le – ils sont l’objet d’un feu roulant de critiques et de dénonciations de la part de « l’opinion internationale », forgée par la presse du même nom, qui trouve son centre à New Yortk, et plus précisément dans le New York Times, l’organe de l’axe américano-sioniste déguisé en titre de presse indépendant.
Duterte et Assad ne font pas que subir des assauts médiatiques permanents : l’un a droit depuis peu à des « attentats » islamistes, l’autre à une invasion organisée par une coalition saoudo-américaine depuis maintenant six ans. Les Philippines, cette ancienne base avancée des USA située juste sous le grand concurrent chinois, concurrent à la domination mondiale, sont d’une importance stratégique majeure pour l’Empire. Pas question de lâcher le morceau. Quitte à entretenir les troubles qui affaiblissent un président pas vraiment américanophile.
On a pu voir, ces dernières semaines, la guérilla islamiste des Philippines se mettre soudain sous le drapeau de l’État islamique, c’est-à-dire des Américains, puisque les combattants de Daech font le sale boulot que les Américains, lois internationales obligent, ne peuvent pas faire juridiquement à la face du monde. Les troupes de Daech ont récemment investi la ville de Marawi City, et malgré les bombardements de l’armée régulière, s’y accrochent. Un début de partition...
- Marawi City, le point rouge au sud des Philippines
Marawi City, 200 000 habitants, au sud de l’île, est majoritairement musulmane. Sous la pression militaire, les combattants de Daech ont renforcé leurs positions de défense, utilisant des armes prises sur place (à la police) et des armes à plus longue portée, venues d’on ne sait où... Mais surtout, les combattants étrangers commencent à affluer vers le point chaud, et les Philippines sont obligées de surveiller leurs côtes. Il semble bien qu’un plan de déstabilisation du pays soit mis en œuvre avec une organisation bien planifiée, pas vraiment par des djihadistes de 20 ans en sandales...
Mais il y a mieux, dans le genre tordu : l’agence de presse Reuters vient de nous apprendre que les Américains eux-mêmes (!) étaient en train de fournir une aide militaire sous la forme de soldats pour venir à bout des insurgés de Marawi ! Ce qui a déjà été le cas en 2002 (et jusqu’en 2015 !) quand 1 200 forces spéciales US avaient aidé à combattre la rébellion islamiste du sud à Mindanao... Mais depuis, Duterte, élu président il y a un an (le 30 juin 2016) a remis en cause le partenariat Phlippines-USA et s’est tourné vers la Chine.
L’opération actuelle de déstabilisation a été suivie par une opération d’« aide ». En élargissant le tableau – the big picture – on réalise que ce qu’on pourrait renommer « l’armée de déstabilisation mondialisée » est en train de prendre pied en Asie du Sud-Est, se rapprochant dangereusement de la Chine.
Le pouvoir chinois le sait, lui qui subit la rébellion des Ouïgours du Xinjiang, probablement soutenus par la CIA, à l’instar des Tibétains. Ainsi, l’Amérique peut-elle faire des affaires commerciales avec la Chine, qui constitue son atelier depuis les accords Nixon-Deng de 1972 (qui ont signé la mort des ouvriers américains, devenus trop chers), tout en essayant de l’affaiblir politiquement (l’opinion internationale « pour » le Tibet) et de l’encercler militairement. Un double, un triple jeu auquel on assiste aussi en Syrie.
Les Américains, qui écoutent le monde entier, disposent donc de plusieurs approches pour tenir leurs alliés et les empêcher de devenir trop indépendants. Il y a la pression commerciale (les fameuses sanctions contre l’Iran), la pression diplomatique (grâce à leur poids dans les instances internationales), la pression terroriste (en finançant des « contras » contre les gouvernements récalcitrants) et la pression militaire directe (intervention par des bombardements suivis éventuellement de l’envoi de troupes au sol). Le recours à la force brute étant la dernière solution.
« Nous allons faire pleuvoir sur Daech ces armes sophistiquées », affirme avec enthousiasme, Chorche, un membre des Forces démocratiques syriennes (FDS) positionné dans le village désertique d’al-Chaniné, à sept kilomètres de Raqqa, dans le nord de la Syrie en guerre.
Au milieu des oliviers, des militaires de la coalition internationale antijihadistes conduite par les États-Unis, sont installés, les yeux protégés de lunettes de soleil, dans leurs véhicules blindés recouverts de bâches de camouflage. Sur le toit d’une maison, d’autres regardent à la jumelle les combats. (45enord.ca)
À propos des « contras » financés par la CIA : en général, ils finissent éliminés par l’armée régulière US, qui intervient pour le « bien » du monde libre, après que le sale boulot ait été fait (affaiblissement d’un régime ennemi comme en Syrie, remplacement du régime comme en Égypte). Pour exemple, lors de la bataille de Raqqa, en cours, l’alliance des combattants arabo-kurdes reçoit pléthore d’armes américaines pour finir le job. Les mercenaires de Daech le savent : même s’ils sortent de la ville après un accord, ils seront réduits en bouillie par les AC-130...
Les Américains appellent ça death from above, la mort venue d’en haut... Et en haut, c’est eux.