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Pétrole et matières premières : un avenir économique sombre pour l’Afrique

L’historien et spécialiste de l’Afrique Bernard Lugan explique, pour RT France, les perspectives du continent africain en matière d’or noir.

 

Les pays africains qui affichent des PIB positifs le doivent quasi uniquement aux matières premières extractives dont les cours sont aujourd’hui à la baisse : moins 40% pour le fer et moins 14% pour le platine. Quant au pétrole, le baril qui valait 110 dollars au début du mois de juillet 2014 et moins de 40 au mois d’août 2015.

La chute des cours des matières premières fait que les compagnies minières réduisent leurs investissements pour se concentrer sur les parties du monde dans lesquelles les coûts de production sont les moins élevés. Pour toutes, l’objectif est désormais de ne conserver que les projets les plus rentables. L’Afrique est donc mal placée pour quatre grandes raisons qui sont le manque d’infrastructures, la corruption, l’insécurité et l’absence d’industries de transformation.

La désaffection pour l’Afrique est actuellement amplifiée par une erreur économique majeure : pour compenser les pertes, la plupart des pays producteurs augmentent les taxes ou souhaitent le faire, ce qui entraîne automatiquement l’accélération du mouvement de retrait.

La Zambie a ainsi multiplié par trois les taxes sur l’extraction du cuivre, avec pour résultat, la fuite des investisseurs. Or, le cuivre représente 70% des recettes à l’exportation du pays.

En Afrique du Sud, à la suite des mouvements de grève qui, en 2014, ont paralysé la production durant de longs mois, le géant anglo-américain a fermé trois de ses sept mines de platine pour investir ailleurs que dans la « nation arc-en-ciel ».

Dans le domaine des hydrocarbures, l’effondrement des cours a fait que plusieurs projets de recherche ont été purement et simplement abandonnés. Quant aux gisements devenus non rentables à cause des prix actuels du baril, leur maintien en exploitation est l’objet de bien des interrogations, ce qui place une « épée de Damoclès » sur bien des pays africains.

Comme la baisse des cours décourage les prospections à très grande profondeur maritime qui sont les plus prometteuses mais les plus coûteuses, les conséquences pourraient être dramatiques pour les anciens pays producteurs dont les champs arrivent à épuisement et qui comptaient sur de nouvelles découvertes pour relancer leur production.

Trois pays sont particulièrement concernés, le Congo Brazzaville, le Gabon et la Guinée équatoriale. Au Congo-Brazzaville le pétrole représente 67,2% du PIB ; au Gabon, il en représente 45% et en Guinée équatoriale, 76%. Or, dans les trois pays, si des découvertes pétrolières ou gazières ont été faites en offshore profond, leur mise en production nécessite de gros moyens. Le problème est donc de savoir où se situe le seuil de rentabilité pour les investisseurs.

L’actuelle crise pétrolière illustre la fragilité d’économies fondées sur les seules matières premières. L’exemple des États-Unis et de l’Afrique le montre bien. Dans les années 2010-2012, le pétrole africain représentait un cinquième des importations pétrolières des États-Unis. Pour ces derniers, le Golfe de Guinée était alors vu comme un second Golfe du Mexique dont les puits étaient plus proches que ceux du Moyen-Orient et qui, étant situés en offshore, pouvaient être facilement isolés des tensions géopolitiques régionales. De plus, à l’exception du Nigeria, comme les pays producteurs de la zone ne faisaient pas partie de l’OPEP, ils étaient donc libres de définir prix et quantités à produire.

Jusqu’en 2013, les certitudes furent clairement affirmées : l’Afrique allait devenir la deuxième source d’approvisionnement des États-Unis en pétrole et en gaz, et en 2020, 25% du pétrole consommé aux États-Unis en viendrait contre 12% en 2007. En 2013, les produits pétroliers représentaient ainsi 87% du commerce États-Unis- Afrique.

Puis, un renversement total de perspective se produisit. En réalité il s’est agi d’une véritable révolution car les États-Unis n’ont plus besoin du pétrole africain, leur propre production d’huile et de gaz de schiste leur assurant – pour combien de temps ? – l’autosuffisance en la matière. Il est même annoncé qu’à partir de 2020 au plus tard, ils seront exportateurs de pétrole et de gaz.

En conséquence de quoi, en 2014, le pays a largement réduit ses importations de brut en provenance d’Afrique. Cette nouveauté a bouleversé la géopolitique pétrolière africaine car un très important acheteur s’est quasiment retiré du marché.

Entre les mois de juillet et de septembre 2014, le Nigeria n’a ainsi quasiment pas exporté d’or noir vers un client d’outre-Atlantique qui lui a longtemps acheté jusqu’à 40% de sa production. De même, alors que les États-Unis se réservaient auparavant jusqu’à 40% des exportations pétrolières de l’Angola, leur part n’est plus aujourd’hui que de 20% avec des prévisions de 5% pour les années à venir.

Les pays africains producteurs de pétrole qui s’étaient majoritairement tournés vers les États-Unis, dont le Nigeria, la Guinée équatoriale et l’Angola, se sont donc orientés vers de nouveaux clients. Les puissances asiatiques ont pris le relais des États-Unis, mais en position de force pour renégocier les prix. L’Angola est ainsi devenu aujourd’hui le deuxième fournisseur de la Chine après l’Arabie saoudite en lui vendant 40% de son brut, ce qui était auparavant la part des États-Unis.

Si le prix du baril ne remonte pas d’une manière significative, l’avenir économique du continent africain, qui détient environ 8% des réserves mondiales connues à ce jour, est donc sombre. Au moins à moyen terme.

 
 






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