Emmanuel Macron, candidat déclaré aux prochaines élections présidentielles et dernièrement gratifié de plus de 20 % des intentions de vote au premier tour [1] en dépit d’un programme souvent qualifié au mieux d’imprécis ou au pire d’inexistant, est décidément un homme plein de ressources.
…Ou pas, lorsque l’on prend le soin d’analyser sa déclaration de patrimoine en date du 28 octobre 2016 et disponible sur le site de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) [2].
Récidiviste
Emmanuel Macron s’était déjà plié à l’exercice de la déclaration de patrimoine en 2014 [3]. Celle-ci ayant à l’époque fait l’objet de plusieurs critiques, et notamment d’une analyse assez complète sur le blog les-crises.fr d’Olivier Berruyer [4], nous ne reviendrons pas dessus en détail.
Rappelons simplement, entre autres éléments incongrus, que son appartement à Paris semblait nettement sous-évalué – de l’ordre de 300 000 euros – par rapport aux prix du marché, ce qu’il défendit en arguant du fait qu’il l’avait « acheté cher » ; qu’il déclarait s’être fait consentir un prêt entre particuliers d’un montant de 550 000 euros, pour un but qu’il avait initialement refusé de déclarer, tout comme l’identité du généreux prêteur [5] ; enfin, qu’en ayant perçu plus de 3,3 millions d’euros en 6 années, sans effectuer aucun achat immobilier pendant cette période, il déclarait ne plus disposer que de 266 000 euros de liquidités. Autant d’éléments qui conduisaient Olivier Berruyer et d’autres à poser la question de l’éventualité d’une évasion fiscale ou, mais peut-être est-ce plus grave lorsque l’on aspire à diriger un État, d’une piètre gestion.
Qu’apprend-on aujourd’hui à la lecture de la nouvelle déclaration ?
Dépensier ?
Tout d’abord, on voit que son patrimoine global a profondément été modifié depuis 2014, notamment car l’appartement de Paris ne figure plus dans la déclaration et a donc semble-t-il été vendu. L’apport dudit appartement à une société civile immobilière (SCI) dont Emmanuel Macron détiendrait des parts est à exclure, l’intéressé déclarant n’être associé d’aucune SCI.
En ce qui concerne ses liquidités globales propres (c’est-à-dire en excluant les comptes et instruments d’épargne au nom de son épouse), on trouve une somme légèrement supérieure à 213 000 euros. Si l’on rappelle le montant de ses revenus passés, cette somme apparaît toujours comme extrêmement faible. L’appartement étant estimé à plus d’1,2 million d’euros en 2014 et ayant vraisemblablement été cédé pour un prix voisin, on peut toutefois supposer que l’explication réside en partie dans le remboursement du prêt entre particuliers déjà mentionné, ainsi que dans celui du prêt contracté pour l’achat de l’appartement, ces deux emprunts ayant disparu de la déclaration. En partie seulement, car le solde de ces deux prêts était en 2014 d’environ 758 000 euros, et aucune indication ne nous permet de savoir où est parti le surplus du prix de vente.
Précisons que Monsieur Macron réussit l’exploit de détenir ces 213 000 euros de liquidités, somme modeste pour lui mais faramineuse pour le Français moyen, tout en déclarant un découvert sur compte courant (-1 071 euros) pour lequel ledit Français moyen paierait avec difficulté les agios.
Le conseil placement de chez Rothschild : le LDD
Une autre interrogation naît lorsque l’on observe les comptes-épargne en détail : Emmanuel Macron déclare disposer d’un Livret de Développement Durable (LDD, ex-CODEVI) sur lequel figurent 40 157 euros. Or, le LDD est plafonné à 12.000 euros. En observant l’évolution annuelle du plafond du LDD [6], on voit que le rendement maximal de ce type d’épargne n’a pu être obtenu qu’en garnissant un LDD de 12 000 euros en 2012, année où le plafond a été doublé. Mais avec des taux annuels identiques à ceux du Livret A [7], descendus entre 2012 et 2016 de 2,2 % à 0,75 %, on peine à voir comment un LDD de 12 000 euros en 2012 a pu fournir plus de 28 000 euros d’intérêts. Outre l’erreur ou le mensonge, reste l’explication suivante : certaines banques, dont le Crédit Mutuel chez qui Monsieur Macron détient son LDD, proposent de dépasser le plafond par l’apport d’autres versements ; le surplus étant alors rémunéré à un taux encore inférieur (0,3 % en l’occurrence [8]), mais surtout soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. L’hypothèse d’une piètre gestion se fait alors persistante : on ne peut en effet imaginer qu’un ex-banquier d’affaires de la Banque Rothschild n’ait pas pu trouver mieux qu’un placement rémunéré à 0,3 % et soumis à imposition de surcroît.
Apparemment altruiste mais peu rigoureux
Une irrégularité manifeste apparaît enfin à la lecture de la section dédiée aux emprunts en cours. Le seul prêt, d’un montant de 350 000 euros et sur lequel environ 296 000 euros restent à rembourser, figurait déjà dans la déclaration de 2014, assorti de l’objet « travaux résidence secondaire ». Or, hier comme aujourd’hui, aucune résidence secondaire ne figure à l’actif de son patrimoine. On suppose donc qu’il s’agit d’un bien immobilier appartenant à son épouse, plus précisément la résidence du Touquet qui, une fois réévaluée par le fisc, a mené à un redressement fiscal rendant le couple redevable de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) [9].
Il apparaît donc qu’Emmanuel Macron déclare devoir rembourser un emprunt pour une maison qui appartient en propre à son épouse, et qui n’est pas leur logement principal. Cette déclaration est critiquable à deux titres : en premier lieu, en droit, le fait de payer un crédit-travaux pour le bien d’autrui fait naître une créance au profit du payeur. Le prêt étant commun (car souscrit en 2011, après le mariage) mais destiné à un bien propre à Madame, Monsieur Macron détient donc une créance envers son épouse pour la moitié des sommes effectivement payées par lui… Créance qui devrait nécessairement figurer à l’actif de la déclaration de patrimoine par simple réciprocité. En second lieu, toujours en droit, et dans le cas d’un prêt bancaire, il convient de distinguer l’obligation à la dette (être contractuellement/légalement obligé de payer la banque) et la contribution à la dette (être celui ou celle qui, en dernier lieu, dans le cas de plusieurs obligés, devra supporter l’intégralité du remboursement, en remboursant les obligés qui n’étaient pas tenus de contribuer) [10]. Ici, le prêt n’est commun aux époux qu’au titre de l’obligation. En revanche, au titre de la contribution, seule Madame Macron est concernée, car le financement concerne son bien. En ce sens, la présence de l’emprunt dans la déclaration d’Emmanuel Macron est éminemment critiquable voire mensongère.
En conclusion...
Que nous disent, au final, ces montants surprenants, ces soupçons de mauvaise gestion et ces évidentes irrégularités ? Pas grand-chose de plus que ce que nous savions déjà, en réalité. Rien de plus, en tout cas, que ce que nous avions pu deviner en observant le bilan de celui qui a géré pendant deux ans le budget de la France : 200 milliards d’euros de dettes supplémentaires [11], pour 300.000 chômeurs de plus [12] et l’un des plus mauvais taux de croissance en Europe [13]. Un bilan passé sous silence par le candidat Macron, et qui ne l’empêchera pas de prétendre accéder à la plus prestigieuse fonction de l’État. Il est vrai qu’il s’agit de plus en plus d’un « métier de pute », catégorie pour laquelle Emmanuel Macron est taillé, selon Alain Minc [14].
Rappelons pour terminer que si une déclaration manifestement mensongère fait encourir trois ans de prison et la privation des droits civiques à son auteur [15], la HATVP, dirigée par des inspecteurs des finances qui relevaient de l’autorité d’Emmanuel Macron en tant que ministre de l’Économie, n’avait rien trouvé à redire quant à sa déclaration personnelle de 2014… Nul doute qu’elle conservera ce silence au cours des mois à venir.