Patrick Kanner est un ministre de la Ville nouveau genre. D’habitude, cette fonction échoit à des ministres sans importance, et surtout, sans budget. Depuis les événements de novembre 2015 en France, puis de mars 2016 en Belgique, le contenu du discours officiel du ministre de la Ville a changé : désormais, son rôle devient plus politique, plus offensif, plus répressif.
Le social a disparu – il existe à l’état résiduel dans des expressions clichés et des incantations vides de sens –, place aux accusations ethnico-religieuses. Qui sont, on l’aura deviné, des contre-feux allumés par la dominance. Car si les « salafistes » tentent de prendre le « pouvoir » dans des quartiers qui n’en ont jamais eu, le vrai pouvoir, lui, est entre les mains d’une organisation bien plus puissante, et dangereuse. Elle régit la pensée en France, punit les impudents, décide de la politique extérieure et intérieure du pays. Avec les résultats que l’on sait : guerre et chômage partout, justice nulle part.
Alors que des voix s’élèvent pour s’inquiéter que la France abrite des Molenbeek, base arrière belge des djihadistes des attentats de Paris et de Bruxelles, le ministre de la Ville, Patrick Kanner, promet la « tolérance zéro ».
- La fameuse carte des "Molenbeek" français
D’après vous, une centaine de quartiers en France présentent des « similitudes potentielles » avec Molenbeek en Belgique. Lesquels ?
PATRICK KANNER. Il ne s’agit pas de stigmatiser. Ce sont des quartiers qui cumulent les difficultés en termes d’urbanisme, de chômage, de service public défaillant. Sur la centaine de quartiers concernés, certains présentent des ressemblances sur tel ou tel aspect avec Molenbeek : concentration extrême de problèmes sociaux, ultracommunautarisme, économie souterraine, abandon des services publics et des élus locaux malheureusement dépassés. Oui, il y a des risques, mais c’est parce qu’on agit qu’il n’y aura pas de Molenbeek en France.
Les terroristes qui ont frappé en France et en Belgique venaient de ces quartiers...
Tous ne viennent pas de ces quartiers, mais c’est vrai par exemple pour Amedy Coulibaly (NDLR : le tueur de l’Hyper Cacher), qui venait de la Grande-Borne à Grigny (Essonne), pour Mehdi Nemmouche (NDLR : le tueur du Musée juif de Bruxelles en 2014), qui est passé par le quartier de la Bourgogne à Tourcoing (Nord), et pour Mohamed Merah, qui était du quartier du Mirail à Toulouse (Haute-Garonne). Leurs parcours ne peuvent se réduire à leur adresse, ce sont des trajectoires plus complexes. Et s’il y a des cas qui dérapent dans ces quartiers, l’immense majorité des jeunes n’est pas concernée. Face à cela, nous devons entrer en résistance à l’obscurantisme. L’absence de réponse des pouvoirs publics se solderait par ce qu’il vient, hélas, de se passer en Belgique.
D’où vient ce chiffre d’une centaine ?
Nous avons 1 500 quartiers prioritaires — soit 5,5 millions de Français — qui ne sont pas des Molenbeek, mais où il faut être extrêmement vigilant. Il ne faut pas faire d’amalgame — ce serait scandaleux pour ceux qui y vivent — mais pas d’angélisme non plus, car il y a une volonté claire des salafistes de prendre le pouvoir dans certains de ces quartiers. Je suis très attentif, par exemple, à ce qu’il n’y ait pas de mainmise sur les associations et les clubs sportifs financés par l’État. Nous avons établi des critères : Est-ce qu’ils sont ouverts à tous les publics ? Est-ce que l’égalité hommes-femmes et la laïcité y sont strictement respectées ? Je rappelle le numéro vert pour signaler des risques de radicalisation : 0.800.00.56.96. On sera d’une tolérance zéro.