En 2007, Nicolas Sarkozy avait beaucoup misé sur Patrick Buisson pour accéder à l’Elysée. Le conseiller, aujourd’hui répudié, après être longtemps resté silencieux, publie, en pleine campagne de la primaire de la droite, un livre volumineux pour raconter et réfléchir. Un titre provocateur : La Cause du peuple. En réalité, une bombe.
Son nom est synonyme de scandale. De scandales, plutôt. Patrick Buisson sent le soufre. Son passé de directeur de Minute, il y a trente ans. L’affaire des sondages de l’Élysée, pour laquelle il est mis en examen, de même que plusieurs anciens collaborateurs de Nicolas Sarkozy, et dont les derniers rebondissements montrent qu’elle est loin d’être terminée. Et puis l’esclandre lorsque Le Point révèle, en février 2014, qu’il a enregistré le président à son insu quand il travaillait à l’Élysée. La défense de Buisson bafouille, la condamnation par le tribunal de grande instance de Paris ne tarde pas : il doit verser 20 000 euros à Nicolas Sarkozy et à Carla Bruni pour atteinte à la vie privée et aussi parce qu’il a agi sans le « consentement » de l’ex-chef de l’État, « ce qui constitue un trouble manifestement illicite ». L’ancien conseiller ne manquera pas de remarquer que seule l’épouse encaissera son chèque, pas l’époux.
En septembre 2014 tombe une sentence ô combien plus sensible à ses yeux et à ses oreilles qu’une condamnation de justice. Au 20 Heures de France 2, Nicolas Sarkozy est interrogé à son sujet : « Vous savez, dans ma vie, j’en ai connu des trahisons, dans tous les plans, mais, comme celle-là, rarement... » Il marque un long silence. « Rarement ». Sur le moment, Patrick Buisson vacille. Il se tait. Il se préserve. Il se réserve. Plus tard, il dira : « J’admets la rupture, mais pourquoi la défroque de l’ignominie ? » Il interprétera son exclusion de manière uniquement politique : « Sarkozy sait que la présence de Marine Le Pen au second tour de la prochaine présidentielle est acquise, on jette donc la ligne Buisson aux poubelles de l’histoire. Mon utilité devient nulle. »
« Je ne suis pas Valérie Trierweiler »
Depuis que le quinquennat 2007-2012 s’est achevé, plusieurs éditeurs le sollicitent, notamment Albin Michel, la maison où il a déjà publié plusieurs ouvrages depuis vingt ans. Il a refusé de s’exprimer oralement, il va le faire longuement, dans un livre. L’écriture lui prend plus d’un an. Très vite, il dépose le titre, La Cause du peuple, bien content d’adresser, lui le tenant d’une droite sans complexe, un pied de nez aux maoïstes. Il s’entoure d’un maximum de garanties pour garder le plus longtemps secret le contenu de son ouvrage. Du réviseur au photographe, chacun signe un contrat de confidentialité. Le livre paraît finalement aux éditions Perrin, avec ce sous-titre : L’histoire interdite de la présidence Sarkozy.
En se lançant dans l’aventure, il a une obsession : « Je ne suis pas Valérie Trierweiler ». De fait, la ressemblance entre les deux n’est pas frappante. Il réfute l’accusation du règlement de comptes ou du grand déballage. L’étendue de sa culture politique, qui affleure à chaque page ou presque, l’acuité de ses analyses, aussi contestées qu’elles aient pu l’être, l’incitent à se situer à un autre niveau que celui de « la chronique malveillante ». Pendant qu’il travaille, il veille à respecter les équilibres entre anecdotes et réflexions. Il n’ignore pas que seules les premières retiendront l’attention dans un premier temps, il veut croire que les secondes finiront par obliger la droite à s’interroger sur sa stratégie et sur son idéologie. Alors, il insiste pour souligner qu’il ne dévoile rien qui puisse nourrir la chronique judiciaire – sans doute ce silence d’aujourd’hui vaut-il aussi avertissement pour demain, au cas où Nicolas Sarkozy lui chercherait noise. La première réaction de l’ancien président, le 26 septembre sur Europe 1, est d’une grande sobriété : « Ça ne m’intéresse nullement ».
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Quelques portraits assassins d’hommes politiques de droite par Sarkozy relevés par Buisson dans un autre article de L’Express... Exemple :
Jacques Chirac n’a ainsi pas toujours eu droit à un hommage respectueux de sa part. La première fois qu’il accueille Buisson dans son bureau de l’Élysée, au lendemain de son élection, Sarkozy a ces mots : « Je la laisse vide, me dit-il en montrant la place qu’occupait rituellement Jacques Chirac sur le grand canapé. Son esprit l’habite, ajouta-t-il. C’est dire si je ne vais pas être trop encombré. »