« Ce n’est pas un acte de “séparatisme”, c’est une déclaration de guerre qui doit être traitée en conséquence »
On ne savait pas Pascal Bruckner spécialiste de l’antiterrorisme, du renseignement intérieur, des forces spéciales ou de la lutte anti-djihadiste, mais après l’assassinat du professeur d’histoire-géographie de Conflans (78), il a aussitôt été convoqué par Le Figaro pour donner son avis. Il y a des gens, dans le monde médiatico-politico-culturel, qui ont le droit de s’exprimer dans les médias mainstream en cas d’urgence, lorsqu’il faut expliquer quelque chose que les Français ne comprennent pas, parce qu’ils sont un peuple un peu bêta.
L’introduction de l’interview ne laisse pas de place au doute, à la nuance, à la diplomatie, c’est la guerre, directe, sans réfléchir, sans passer par la case départ. Une guerre contre un ennemi pourtant caché, qui vit dans l’ombre, au milieu des millions de musulmans français qui deviennent ainsi des complices. Les attentats prétendument islamistes, s’ils tuent des Blancs, des non-Blancs, des chrétiens, des juifs ou des musulmans, qui tirent donc dans le tas mais qui parfois ciblent des personnes ou des fonctions (policier, prêtre, prof), font en réalité très mal à la population musulmane mais aussi au vivre-ensemble, c’est-à-dire à l’unité française.
Et nous pensons que c’est ce qui est visé, derrière le rideau. Macron a beau parler de lutte contre le séparatisme – comprendre islamiste, comprendre musulman, comprendre antisémite et/ou antichrétien –, l’homme de toutes les divisions aura du mal à apparaître comme un rassembleur. Lui qui a monté les Français contre les Gilets jaunes, les antiracistes contre les racistes, les gauchistes contre les fascistes, les LGBT contre les hétéros, les féministes contre le patriarcat... Tout son quinquennat qui sent la poudre s’est déroulé sous le signe de la division. Il est le Grand Diviseur. Nous y reviendrons.
Mais d’abord, place à la diatribe du Bruckner, qui décide donc de la politique antiterroriste du pays. Enfin, plus précisément, qui donne ses ordres à Alexandre Devecchio, la passerelle entre la droite française et les nationaux-sionistes au Figaro. Et pourquoi pas ? C’est une opinion, ce n’est pas interdit. Mais il n’est pas interdit de la décrypter.
Une frontière dans l’abominable vient d’être franchie. On s’attaque au bastion le plus sacré de la République : l’école et la personne physique des enseignants. Un professeur est proprement décapité pour avoir montré les caricatures de Charlie Hebdo lors d’un cours sur la liberté d’expression. Des parents d’élèves l’auraient signalé. La victime aurait reçu des menaces de mort. Que vont faire les autres professeurs, hommes et femmes, lorsqu’ils devront aborder ces sujets délicats ? Se taire au risque d’une décollation ? Le boucher de Conflans-Sainte-Honorine, c’est Daech à la maison : un message solennel en forme de cérémonie macabre, un avertissement pour tout le corps enseignant qui devra se taire ou périr. Ce n’est pas un acte de « séparatisme », c’est une déclaration de guerre qui doit être traitée en conséquence. C’est la propagande par le fait : la moindre moquerie du texte sacré entraîne la peine de mort. Un dessin vaut condamnation.
Au-delà de ce crime, certes atroce, on se demande si le peuple français ne ferait pas l’objet d’une substitution cognitive, pour parler comme les spécialistes. Le Tchétchène ou le Russe tchétchène apparemment auteur de cet assassinat, puisqu’il y aurait eu préméditation, devient, dans la bouche des médias mainstream et de monsieur Bruckner, l’homme qui menace l’école française, l’école de la République.
Nous, depuis que le néolibéralisme s’est installé en France, en 1983, qu’il a affaibli et l’État et les services publics sous la double poussée, interne et externe, des trotskistes et du Grand capital, qu’on sait remarquablement liés, on a plutôt l’impression que la destruction de la belle école publique de France est dans les cartons depuis longtemps, et que des lampistes servent à couvrir le crime. Un crime contre les Français, contre le niveau scolaire, et donc contre notre avenir à tous.
Le tueur de Conflans devient le danger numéro un pour l’école française, c’est ça la conclusion de nos penseurs et médiacrates. Tout cela en plein procès Charlie, que nous suivons pas à pas, car il s’y dit et il s’y cache des choses énormes, que Yannick Haenel ne veut pas voir, car cela irait trop loin, vers ce qu’on appelle par abus de langage le Complot, alors que c’est de l’intelligence. Se pourrait-il qu’une organisation autre que des truands à moitié radicalisés soit à l’origine de la tuerie de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, et deux jours plus tard à l’Hyper Cacher ?
La solution proposée par Bruckner, et à travers lui par le nouveau système de « valeurs » national-sioniste (racisme, guerre civile, terrorisme, nationalisme sous contrôle), qui remplace progressivement le système de valeurs socialo-sioniste (antiracisme, immigrationnisme, antinationalisme), était aisément calculable.
Dès 2004, le rapport Obin signalait des phénomènes inquiétants de radicalisation dans l’école de la République : impossible d’enseigner la Shoah, une affaire de Juifs ou Voltaire, qui avait raillé le prophète ou Madame Bovary, une femme adultère. Donner des cours va devenir désormais un métier aussi dangereux que celui des soldats sur le champ de bataille. Je comprendrais parfaitement que, à l’école, l’autocensure individuelle prime : quel homme, quelle femme, aurait envie de mourir de cette façon, sachant ce qu’il risque s’il parle de ces affaires à ses élèves ? L’audace doit venir de la nation toute entière : il faut immédiatement reproduire massivement toutes les caricatures de Charlie, les placarder sur tous nos murs pour faire taire les assassins. Ils peuvent tuer une personne, ils ne nous tueront pas tous.
Bruckner confirme notre thèse du changement de paradigme, incarné par le glissement de BHL à Zemmour dans les médias mainstream. Suit une prévision-menace, ce qu’on appelle aussi, lorsqu’elle advient, une prophétie autoréalisatrice :
Les caricatures de Charlie n’ont pas fini de faire couler le sang : combien d’années va-t-on compter les morts ? On aura une petite pensée émue pour tous ceux, des Indigènes de la République jusqu’à une certaine presse de « gauche » - je pense au délicat Edwy Plenel - qui, patiemment, minutieusement, au nom de l’anti-racisme, ont construit une haine inexpiable contre l’équipe de Charlie. Aujourd’hui, Receyp Erdogan, l’islamo-fasciste, doit jubiler. Le ventre n’est pas mort d’où est sortie la bête immonde, disait Brecht à propos du nazisme.
Nous avons une pensée pour la famille et les proches de Samuel Paty, mais par extension pour tous les profs qui subissent depuis Mai 68 la violence ultralibérale qui se manifeste dans l’interdit autoritaire, ce cadeau des gauchistes, et dans la chute du niveau, ce programme d’abêtissement qui fait de nos enfants des imbéciles manipulables. Pour toutes les causes les plus sordides.
Il reste de toute cette histoire, où se croisent les violences provoquées par l’affaiblissement de l’État par le gang néolibéral qui a mis la main dessus, un slogan à la Charlie, qui ne changera pas grand-chose tant que les Français n’auront pas pris conscience de la violence systémique que l’oligarchie leur fait subir. Il est vrai que quand ils commencent à s’en rendre compte, une autre violence, moins systémique, surgit pour clore le débat, éteindre l’incendie social.
Le séparateur qui dénonce le séparatisme
Pour en revenir à notre président, qui se présente en rassembleur, personne n’oublie ce qu’il a fait et surtout défait en trois petites années. Macron se pose en réunificateur en dénonçant le « séparatisme », alors qu’il est le séparateur principal avec la coupure élite /peuple qu’il incarne à merveille, et on ne rappellera pas ce samedi où les Gilets jaunes ont tendu le nez vers le palais, d’où le Président était prêt à s’envoler en hélico.
Le Diable (en latin : diabolus, du grec διάβολος / diábolos, issu du verbe διαβάλλω / diabállô, signifiant « celui qui divise » ou « qui désunit » ou encore « trompeur, calomniateur ») est un nom propre général personnifiant l’esprit du mal. Il est aussi appelé Lucifer ou Satan dans la Bible, et Iblis ("le désespéré") dans le Coran. Le mot peut aussi être un nom commun désignant des personnages mythologiques malfaisants, un ou des diables, avec une minuscule. (Wilkipédia)
La coupure laïcs-Charlie contre les islamistes, et donc les musulmans par amalgame, est factice : elle est destinée à fausser l’entendement et à fabriquer un ennemi pratique pour une guerre pratique afin d’apparaître comme le grand réconciliateur du conflit triangulé. Nous, on a une autre idée de la réconciliation : une réconciliation qui ne passe pas par la fracturation de la Nation en communautés, gauche contre droite, chrétiens contre musulmans, hommes contre femmes, homos contre hétéros, riches contre pauvres...