Ceux qui s’intéressent à l’éducation savent qu’Ozanam – le nom donné à la cité maudite par Radouane Lakdim – est une sorte d’école libre et chrétienne avant l’heure. Frédéric Ozanam renvoie au précurseur de la doctrine sociale de l’Église. Sa philosophie et sa foi qui lui ont survécu ont donné son nom à cette forme d’enseignement nouvelle qui s’oppose au libéralisme violent du XIXe siècle.
Quel rapport avec la cité d’où est issu le tueur du Super U ? Aucun. Si ce n’est la volonté foireuse de nos gouvernants de croire et de faire croire à une assimilation qui ne fonctionne pas toujours. Pour évangéliser la cité de Trèbes, il faudra que nos dirigeants à la fois libéraux et socialisants se lèvent plus tôt, et se plongent dans le réel des Français, pas ce faux réel qui remonte des notes et autres sondages des directeurs de cabinets.
La France a besoin d’une autre élite, moins déconnectée, moins pourrie, moins voleuse, moins menteuse et moins soumise. Le tout allant évidemment ensemble.
C’est une petite cité aux bâtiments fatigués. Deux barres d’immeubles en escalier. Des façades couleur pastel, qui passent du bleu au marron et du rouge au jaune. Des voitures sont garées en bataille devant des balcons où sont accrochés des draps et des vélos d’enfants. Une cité populaire comme tant d’autres, à taille humaine, bien loin des grands ensembles périphériques des villes françaises. Mais les deux immeubles du quartier Ozanam à Carcassonne sont désormais tristement célèbres. C’est là qu’habitait Radouane Lakdim, le terroriste qui a tué quatre personnes à Trèbes (Aude), la petite ville située à dix minutes de là, au bout de la Route de Narbonne, en contrebas de la cité.
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La cité Ozanam et ses environs ? Deux mondes hermétiques
De part et d’autre de la cité, à trois pas, il y a des petits ensembles de pavillons coquets et de jolies maisons. Quelques mètres à peine séparent les pointes de ce triangle bigarré et pourtant, en discutant avec les gens, on a l’impression que ce sont deux mondes hermétiques.
Monique, la quarantaine, habite l’ensemble de maisons couleurs crème à volets bleus, juste à côté de la cité Ozanam. Emmitouflée dans sa veste en laine, elle discute des attentats avec une amie. « Je n’ose pas sortir de chez moi, je suis barricadée depuis deux jours, confie-t-elle. On a peur. » Quand on lui demande de quoi, elle montre d’un air entendu les deux barres d’immeubles qui lui font presque de l’ombre tellement elles sont proches.
« C’est tendu ici, assure-t-elle. À chaque fois qu’on passe, on se fait regarder bizarrement par les jeunes. Ils nous dévisagent de la tête aux pieds comme je ne sais pas quoi. C’est compliqué ici. » Elle est là depuis six ans. « On m’a brûlé deux voitures. J’ai une amie qui habite le lotissement juste au-dessus. Je n’ose pas aller la voir. »
Le lotissement en question est à même pas trente mètres. Entre les deux, la rue Saint-Saens qui mène, dix mètres plus loin, à Ozanam. Nadine, une retraitée aux cheveux teints sort d’une des maisons avec son chien. Elle n’est pas plus rassurée que sa voisine. « C’est tendu ici vous savez, décrit-elle. Et ça ne date pas d’il y a deux jours. Pour aller travailler, je fais un détour. Je pourrais traverser la cité, mais je préfère faire le tour. »
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« C’est tranquille ici », confirme Sami, 48 ans. L’homme en pantalon de jogging et capuche trottine pour aller chercher un paquet de cigarettes au tabac du coin. Il est né dans la cité Ozanam. Il connait tout le monde là-bas. Y compris Radouane Lakdim. C’était un voisin. « Mais tout le monde se connait, on est tous voisins, explique-t-il. On est tombé sur le cul quand on a appris qui c’était. » Daniel presse le pas. "Je n’ai pas envie de parler aux médias", prévient-t-il. Mais la tchatche prend le dessus et l’homme raconte quand même la vie de son quartier.
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Une crainte : qu’on les assimile tous à Radouane Lakdim
Karim, la vingtaine, qui vient régulièrement voir des copains à Ozanam, lui le connaissait. « Enfin, je suis surtout un ami de ses amis. Mais je savais très bien qui c’était. » Il n’en revient pas. « Comment on aurait pu se douter ? Il était normal et tout. » Il réajuste sa casquette floquée FC Barcelone, assortie à son jogging bleu.
« On ne pensait pas que ça viendrait jusqu’ici. À Carcassonne quoi. J’y crois toujours pas. » Il avait une amie qui était dans le Super U lors de la prise d’otage. « Nous aussi, nous avons eu peur, relate-t-il. Ça touche tout le monde ce terrorisme de merde. Quand on sait qu’il était parmi nous, ça fait peur. »
Le jeune homme est d’ailleurs inquiet. Il craint une chose. Qu’on les assimile tous à Radouane Lakdim. Karim est musulman, « pas pratiquant » mais « ça suffit à ce que les gens se fassent des films ».