La 88ème cérémonie des Oscars aura tenu ses promesses pour qui sait lire entre les lignes : aucune surprise, aucun soubresaut, quelques indignations de façade, toujours les mêmes (vraies) victimes, et au final, the winners are... always the same [1].
En effet, les Oscars, c’est d’abord la grand-messe de la tolérance à l’américaine – dont Paul Claudel nous rappelait qu’il y avait des maisons pour cela. On se révolte de façon convenue sur les sujets d’indignation autorisés, et on fait silence sur les sujets interdits.
De fait, de nombreuses voix se sont insurgées contre l’absence de Noirs parmi les nominés, dont Charlotte Rampling s’était demandée – assez justement – si se poser la question n’en revenait précisément pas à faire un racisme anti-blanc. À comptabiliser les nominés et les lauréats sur leur couleur de peau on finit nécessairement par ce genre de conclusions. Sauf à disposer un jour de quotas absurdes obligeant un nombre parfaitement équitable de Noirs, de Blancs... et de tous les autres qui ne manqueront pas de quémander leur part du gâteau.
Le maître de cérémonie, l’humoriste noir Chris Rock, entonne :
« Je suis ici aux Oscars, connus aussi comme les récompenses attribuées par les Blancs. Vous réalisez que s’ils nominaient les présentateurs, je n’aurais même pas eu ce job ! Vous seriez en train de regarder Neil Patrick Harris [acteur blanc qui avait présenté les précédents Oscars, NDLR], en ce moment. C’est la cérémonie la plus folle à présenter en raison de cette polémique. Aucun Noir nominé. »
Soyons justes, il ajouta ensuite, assez courageusement :
« Mais la vraie question (...) c’est : est-ce qu’Hollywood est raciste ? (...) Bien sûr ! Mais ce n’est pas le racisme auquel on est habitué. C’est un racisme de cercle (...) il faut appartenir au bon milieu pour être embauché. »
Parce que rappelons tout de même qu’un petit blanc-bec aurait eu bien moins de chance d’entrer dans le Samuel Goldwyn Theatre de Beverly Hills qu’un Will Smith, qu’un Morgan Freeman ou qu’un Denzel Washington... Comme quoi tout n’est pas qu’une question de couleur, mais bien plus généralement un problème beaucoup plus trivial de fric ou de réseau...
Mais alors, pour paraphraser Elisabeth Lévy, si y a pas assez de Noirs aux Oscars, alors y a trop de quoi ? Parce que, du coup, la diversité à Hollywood, on la veut bien, nous aussi...
D’ailleurs, quand on parle de diversité, la voilà qui revient aussitôt sous la forme de l’oscar du meilleur film étranger : Le Fils de Saul. Pourtant déjà bardé de prix (36 prix, dont 17 en tant que « meilleur film étranger » !), les Oscars enfoncent le clou en offrant une statuette à ce film de fiction parlant de chambres à gaz. Énième rappel salutaire à l’adresse de ceux qui n’auraient pas compris et que la minute de la Mémoire mensuelle d’E&R n’auraient pas encore totalement convaincus...
Et puisqu’on parle de réseau, l’oscar du meilleur film, dont tout le monde attendait assez logiquement qu’il revînt a The Revenant, se dirigea, comme aimanté, vers Spotlight. On vous le donne en mille, de quoi parle ce film d’un rare courage ? De la pédophilie chez les curés. Déjà, c’est un sujet neuf et innovant. Mais, d’autre part, en matière de pédophilie, il se trouve que d’autres cercles (comme dirait donc le présentateur) pourraient en remontrer à nos curés de campagne : Baruch Mordechai Lebovits, Eliezer Berland, Samuel Waldman, etc., cercles que même le reporter du Jewish Times de Baltimore, Phil Jacobs – qu’on ne peut accuser d’antisémitisme –, dénonçait dans un courageux documentaire :
Ce qu’il faut en déduire c’est que la pédophilie, on la retrouve dans beaucoup de milieux, en général des milieux confinés où peuvent régner de surcroît le silence et/ou la peur de l’autorité (parentale, éducative, religieuse, etc.). Personne n’a le monopole de la pédophilie. Alors le coup de « Mon curé chez les pédophiles », franchement, c’est usé jusqu’à la corde.
Au rayon des bonnes nouvelles, n’oublions pas qu’une petite injustice a été réparée : un oscar est enfin revenu à Ennio Morricone.
Mais, hormis cela, non, vraiment, c’était pas la soirée. Du coup on s’est dit qu’on allait reprendre un coup de notre Oscar national, l’Oscar Clandot. Mais, même lui, depuis qu’il a pris peur, est devenu mauvais. Sale soirée, définitivement.