Les militaires, mobilisés pour la protection des sites juifs, cherchent à faire évoluer le dispositif pour le rendre moins statique.
Des réflexions sont en cours entre la Préfecture de Police et les Armées pour mettre en place une « sectorisation opérationnelle de la capitale », avec des zones réservées aux militaires. La question la plus complexe est celle des 282 lieux de la communauté juive à Paris et dans la petite couronne.
La protection de la communauté juive d’Ile-de-France est au cœur d’un dialogue compliqué entre la Préfecture de Police et les responsables militaires de l’opération Sentinelle. Le sujet est politiquement très sensible et tout le monde marche sur des œufs… en essayant de faire le moins de bruit possible. D’autant que les familles juives sont très attachées à ce dispositif dans lequel elles voient une marque de soutien des pouvoirs publics. L’Opinion a eu accès aux réflexions en cours, avant que des décisions soient prises, sans doute à la rentrée de septembre.
Appelés en urgence au lendemain des attentats de janvier 2015, les militaires veulent, depuis des mois, en finir avec les gardes statiques devant les lieux qu’ils protègent. Les emprises de la communauté juive sont les plus nombreuses : des synagogues et des écoles, pour l’essentiel, mais aussi quelques crèches par exemple. Selon les derniers chiffres en notre possession (janvier 2016), 345 lieux sont concernés en Ile-de-France, dont 140 à Paris intra-muros et 142 dans la petite couronne (92, 93, 94). Beaucoup sont concentrés dans les mêmes quartiers. Ainsi, plus du tiers des sites parisiens sont situés dans les 19e et 20e arrondissements ; dans le Val-de-Marne, la seule ville de Créteil abrite 13 des 55 « sites à protéger ».
Discrètement, l’autorité militaire – en l’occurrence le Gouverneur militaire de Paris (GMP) – a entrepris de discuter avec les responsables de la communauté juive pour faire évoluer le dispositif, qui mobilise environ 6 000 militaires en Île-de-France. Officiellement, tout se fait « sous l’égide » du Préfet de Police, mais comme nous le confirme une source policière, « l’armée parle directement avec la communauté » juive. À cet égard, le grand rabbin Haïm Korsia joue, dans l’ombre, un rôle de facilitateur : avant de prendre en 2014 la tête du judaïsme français, il était aumônier en chef du culte israélite dans les armées, avec un grade de général de l’armée de l’air.
Gardes statiques
L’armée de Terre critique les gardes statiques pour des raisons opérationnelles : « fixés » sur place, les militaires offrent des cibles faciles, alors qu’ils se privent de l’effet de surprise de patrouilles mobiles dans une logique de « contrôle de zone ». Par ailleurs, utiliser des soldats professionnels, formés à grands frais, pour des missions relevant quasiment du gardiennage, est un gaspillage de moyens. Qui plus est, ces missions ne sont guère appréciées par la troupe et le moral s’en ressent.