De tous bords, on entend qu’il faut envoyer l’armée nettoyer les banlieues de France et de Navarre.
Faut-il encore une fois rappeler que l’armée française n’est pas une force de police ? L’armée de terre en possédait une, nommée gendarmerie, on l’a érigée en armée distincte plus nombreuse que la Marine et l’armée de l’Air réunies, puis on l’a transférée au ministère de l’Intérieur, et aujourd’hui on se rend compte que les corps expéditionnaires ont besoin de prévôté et que les plantons-cibles de Sentinelle doivent être accompagnés de gendarmes pour éviter qu’on leur emprunte dans les aéroports leur fusil d’assaut décoratif, en ordre de marche et vide.
L’armée de Terre, quant à elle, à laquelle tout le monde pense quand on dit « il faut déployer l’armée » (avant-hier à Marseille, hier à Calais et aujourd’hui à Paris), n’est plus préparée, même si les textes le prévoient encore, à être utilisée comme force de maintien de l’ordre de troisième catégorie en cas de débordement des forces de deuxième catégorie, à savoir gendarmerie mobile et compagnies républicaines de sécurité, d’ailleurs trois fois supérieures en nombre au maximum fixé pour l’armée de Terre en métropole en cas de crise majeure, tant par le dernier livre blanc sur la défense que par la loi de programmation militaire, d’ailleurs gagée sur des ressources hypothétiques (seule fonction de l’État dans ce cas). L’armée de Terre n’est d’ailleurs plus préparée à rien, depuis dix mois que toutes les activités d’instruction et de remise en condition au retour d’opérations extérieures ont été remplacées par la faction Sentinelle devant les synagogues.
À moins qu’on ait réellement une portion de territoire de quelques centaines de kilomètres carrés à tenir ou une zone urbaine de la taille de Strasbourg ou Bordeaux à sécuriser, ce qui reste à la taille du reliquat de l’armée de terre, elle n’a rien à faire sur le territoire national, et si on a pu lui demander en 1957 de déployer 16000 hommes pour nettoyer une ville de moins de 600000 habitants, son effectif total était (sauf erreur) de l’ordre du décuple d’aujourd’hui et le reste du pays était sain.
Boucler un bloc de trois immeubles, frapper aux portes pour perquisitionner, se faire ouvrir les « boxes » de sous-sols ou le coffre des voitures, et le cas échéant déférer à l’autorité judiciaire les récalcitrants ou les suspects, c’est du travail de police, et même, dans certaines zones, de policiers expérimentés, supervisés par des officiers de police judiciaire.
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Faut-il rappeler qu’il est grave et dangereux d’utiliser le reliquat d’armée contre la population, même si cette armée est loin d’avoir la puissance de feu de l’armée ex-ukrainienne envoyée écraser les villes où apparaissait une contestation civile du coup d’État du 22 février 2014 ? Surtout si cette population n’est pas en totalité française, et peut être en partie revendiquée par un pays tiers comme une diaspora expatriée, et que, de plus, ce pays dispose d’une supériorité conventionnelle sur la France, il serait particulièrement hasardeux d’envoyer contre cette diaspora les jeunes scouts patriotes inexpérimentés (surtout en opérations de police) de la réserve dite opérationnelle, c’est-à-dire de réunir toutes les conditions pour qu’apparaissent des incidents et des bavures.
À moins qu’on cherche, vraiment, la radicalisation des positions et l’apparition d’irrédentismes comme prétextes à une union sacrée. Assez d’esbrouffe, Hollande n’est pas le Tigre (encore que...) et surtout la France n’est pas en guerre, elle a simplement subi une attaque terroriste comme aux grandes heures de l’anarchisme ou du séparatisme. On ne tue pas les mouches au lance-flammes, surtout quand il est vide et que ce sont des guêpes. Et on ne menace pas les associations de malfaiteurs du feu nucléaire. Il est temps de redevenir sérieux.
La paix est une chose trop précieuse pour être confiée aux publicitaires.
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