« Quand j’étais très petit, on m’appelait Spider-Man, parce que je grimpais aux murs. Ensuite c’était “brioche”. »
Rires dans la salle d’audience, mardi 2 novembre. Lors de son interrogatoire de personnalité devant la cour d’assises spéciale de Paris, Mohamed Abrini est revenu sur sa vie d’avant. Avant qu’il ne convoie les frères Abdeslam de Bruxelles à Paris, le 12 novembre 2015. Avant d’accompagner les deux kamikazes, le 22 mars 2016, à l’aéroport de Bruxelles-Zaventem. Cette vie d’avant commence par « une enfance normale, comme beaucoup de familles ont la chance d’avoir », a décrit ce Belge de 36 ans derrière la vitre de l’immense box de verre, tout près de son « pote », Salah Abdeslam.
Moins médiatique que son acolyte de Molenbeek, Mohamed Abrini n’en fait pas moins partie des accusés de tout premier plan dans le procès des attentats du 13 novembre 2015. Il encourt la prison à perpétuité. « On n’est pas sortis du ventre de nos mères avec une kalachnikov en main : on a été des enfants », a-t-il tenu à rappeler. L’homme a un visage rond et le teint blafard, après plus de cinq ans en détention, en Belgique puis « à la merveilleuse prison de Fresnes », où il a été transféré début juillet, en vue du procès.
« Échec scolaire, échec sportif, échec et mat »
Né le 27 décembre 1984 à Berchem-Sainte-Agathe, une petite commune de Bruxelles, il est le deuxième d’une fratrie de six enfants. Ses parents sont Marocains mais lui n’a que la nationalité belge, comme il a tenu à le rappeler face à la cour. À Molenbeek, il a grandi sans manquer de rien : « J’avais tout ce que je voulais, comme mes frères et sœurs », a-t-il confié lors de ses nombreux interrogatoires depuis son arrestation en avril 2016. Son parcours scolaire s’est pourtant révélé chaotique. Il abandonne sa formation en mécanique-soudure avant d’avoir obtenu son diplôme et quitte l’école en classe de troisième. Adolescent, il rêve longtemps de devenir footballeur professionnel, se qualifiant de « joueur exceptionnel » face aux juges d’instruction. Mais on ne lui a pas laissé sa chance, regrette-t-il. « Échec scolaire, échec sportif, échec et mat, quoi », a-t-il résumé face à la cour.
Il a « 17 ans et 359 jours » quand il fait son premier séjour en prison pour vol de voiture, fin 2003. Dès lors, son casier se remplit : il totalise 12 condamnations entre 2002 et 2015. Sa spécialité ? Le vol de coffres dans les concessions automobiles, ce qui lui a valu le surnom « la Brink’s », référence à la célèbre société de transport de fonds. « ll y a aussi toute une série de conduite sans permis », a relevé le président. Permis de conduire que Mohamed Abrini n’a en fait jamais passé. « C’était une question de paresse ».
Entre les cambriolages et les allers-retours en prison, il a exercé quelques petits boulots en intérim, en tant que technicien de surface ou serveur chez Quick... « Il y a eu un peu d’élagage aussi », s’est-il souvenu avec difficulté lors de son interrogatoire de personnalité. Il finit par ouvrir une sandwicherie, dans laquelle il investit plusieurs dizaines de milliers d’euros d’argent sale, issu de ses délits.
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À Molenbeek, « où tout le monde se connaît », Mohamed Abrini occupe un rôle central dans la bande de ceux qui deviendront de futurs terroristes. Ses voisins et amis les plus proches s’appellent Abdelhamid Abaaoud (coordinateur des attaques du 13-Novembre), Ahmed Dahmani (emprisonné en Turquie et soupçonné d’être un logisticien de la cellule jihadiste) et bien sûr les frères Brahim et Salah Abdeslam. « On est voisins avec Salah depuis vingt-cinq ans. J’ai connu toute sa famille. Le soir, je fermais mon commerce, j’allais au café de son frère », a-t-il raconté à la cour. Le bar Les Béguines, géré par Brahim Abdeslam (le kamikaze du Comptoir Voltaire) est vite devenu le centre de tous les trafics, où l’on vendait et consommait du cannabis sans se cacher. Mohamed Abrini y passe presque tous les jours.
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Fin 2014 : le tournant de la radicalisation
Un événement déterminant va venir bousculer Mohamed Abrini et le faire basculer dans la radicalisation. Alors qu’il est de nouveau incarcéré de janvier à septembre 2014, il apprend, une semaine avant sa sortie, que son petit frère Souleymane a été tué en Syrie, après être parti combattre auprès d’Abdelhamid Abaaoud. Le directeur de la prison lui demande d’appeler sa famille. Dès lors, il n’a plus qu’une obsession : partir lui aussi en Syrie. Lui qui ne connaissait pas grand-chose à la religion se met à lire le Coran, fréquente régulièrement la mosquée de son quartier et commence à s’intéresser de près au jihad.
À la sandwicherie, il convie de plus en plus souvent les frères Abdeslam et Ahmed Dahmani. Tous les quatre tenaient « des propos radicaux, regardaient des vidéos jihadistes et soutenaient clairement l’État Islamique », a déclaré l’associé de Mohamed Abrini aux enquêteurs. À cette époque, ils sont des dizaines à avoir quitté Molenbeek pour rejoindre les rangs de l’État islamique. Quand Abrini sort de prison en septembre 2014, « [son] quartier est vide parce que beaucoup de gens étaient en Syrie ».
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