Oliver Anthony, c’est le cri de l’Amérique profonde oubliée des deux côtes, est pour la finance, ouest pour la communication. C’est l’Amérique de Trump, même s’il n’est pas cité dans la chanson. Olivier vise en bloc les élites qui ont abandonné le peuple.
« J’aimerais que les politiciens se soucient des mineurs
Et pas seulement des mineurs sur une île quelque part... »
En quelques semaines, le titre Rich Men North of Richmond (les élites US sont regroupées à Washington, à 175 km au nord de Richmond) a bousculé les charts et ses people formatés par le showbiz.
Ses 37 millions de vues sur YouTube l’ont propulsé en haut du billboard, ce calcul final qui réunit toutes les écoutes possibles, du disque au streaming en passant par la radio.
J’ai vendu mon âme
Je bosse toute la journée
Des heures supplémentaires
Pour un salaire de merde
Pour poser mon cul et gâcher ma vie
Rentrer à la maison et noyer mes problèmesC’est une putain de honte
Ce que le monde est devenu
Pour les gens comme moi et les gens comme vous
J’aimerais pouvoir me réveiller, et que ça ne soit pas vrai
Mais ça l’est, oh, ça l’est
Vivre dans le nouveau monde
Avec une vieille âmeCes riches au nord de Richmond
Ils veulent tout contrôler
Savoir à quoi tu penses, et ce que tu fais
Et ils ne pensent pas que tu le sais, mais je sais que tu le sais (...)
À cause des riches au nord de Richmond
Les connaisseurs y retrouveront du Fortunate Son de Creedence. Dans cette chanson culte sortie en 1969, John Fogerty, le chanteur, dénonce les gosses de riches qui échappent au Viêt Nam et à l’usine. La chanson vise les élites de l’époque, qui sont protégées de toutes ces souffrances, et c’est le mariage princier du fils Eisenhower et de la fille Nixon qui va inspirer Fogerty.
« Ce n’est pas moi, ce n’est pas moi
Je ne suis pas un fils de sénateur
Ce n’est pas moi, ce n’est pas moi
Je ne suis pas un favorisé, non
Certaines personnes sont nées avec une cuillère d’argent dans la bouche »
Un bon demi-siècle plus tard, un inconnu total remet le couvert et lance une nouvelle fatwa contre les élites qui ont le cul au chaud dans une Amérique en ébullition.
Les commentateurs ultraconservateurs Laura Ingraham et Matt Walsh en ont fait leurs choux gras depuis quelques jours, selon le New York Times, et l’élue républicaine de Géorgie au Congrès, Marjorie Taylor Greene, soutien de Donald Trump et adepte de théories complotistes, avait salué sur X (anciennement Twitter) « l’hymne des Américains oubliés depuis longtemps par notre gouvernement ».
Mais le morceau plaît aussi à gauche. Le sénateur démocrate du Connecticut, Chris Murphy, avait estimé sur X que « les progressistes devaient aussi écouter » cette chanson contre « les salaires de merde et le pouvoir des élites ». (Le Dauphiné)
Aux USA, tout le monde s’arrache ce nouveau working class hero, ce héros de la classe ouvrière. Républicains en premier, mais les démocrates ne sont pas rebutés, car Oliver vante le « melting-pot national ». Peut-être que ce chanteur country est en train de réunir le peuple contre ses élites, mais ne rêvons pas trop. Chez nous, Le Monde a dressé un portrait fielleux de ce mec venu de nulle part, en reprenant une analyse de la Pravda locale :
De son côté, le New York Times souligne des références à certains mythes complotistes, qui prêtent notamment à la classe politique américaine des pratiques pédophiles généralisées : « J’aimerais que les politiciens/S’occupent des mineurs/Et pas seulement de ceux qui sont sur une île quelque part ».
Conclusion de la Pravda française :
Dans un post publié sur Facebook le 17 août, il se présente comme ayant « abandonné le lycée à 17 ans » avant de travailler comme ouvrier dans différentes usines de Virginie. Rongé un temps par « l’alcool » et la « dépression », il explique avoir ensuite « trouvé la foi ». Il se donne pour objectif de dénoncer des « atrocités » telles que le « trafic d’êtres humains » ou la « pédophilie », qui serait, selon lui, en train de devenir la « norme ».
Alcool, dépression, foi, lutte contre la pédophilie... En plus, le redneck crache sur l’argent : il vient de refuser une offre de 8 millions de dollars d’une major. Tout pour dégoûter l’élite culturelle française. Une chose est sûre, Oliver Anthony, de son vrai nom Christopher Anthony Lunsford, a dû voir le film Sound of Freedom. Le Monde a de quoi s’étrangler, et c’est pas fini.