C’est la guerre de l’information (ou de la désinformation) sur l’Internet : le jeune ado tueur de Nantes est-il d’extrême droite ou d’extrême gauche ? Nous avons introduit le sujet dans notre papier précédent, il est temps de faire une analyse approfondie de la situation. Sans nécessairement conclure, car il y a probablement une bonne dose de folie dans toute cette histoire.
Et de folie, pour un ado de 16 ans, né a priori en 2009, et qui a connu les délires sanitaires (confinements, port du masque, distanciations, vaccins, etc.) entre 11 ans et 13 ans, on peut aisément le comprendre. Dans une société qui fuit de toute part, où le système génère massivement de l’anxiété (et en particulier de l’éco-anxiété), rien d’anormal de trouver des jeunes zombies n’ayant plus les pieds sur Terre.
Le service public accusé de "grave désinformation" : France 2 a indiqué à ses 4 millions de téléspectateurs que le tueur de Nantes est "proche de la mouvance ultradroite" ; or, en l'état, les investigations ne montrent pas de proximité avec l'ultradroite.pic.twitter.com/tY1OhNPFfZ
— Observatoire du journalisme (Ojim) (@ojim_france) April 25, 2025
Cette remarque liminaire étant faite, qui est ce « Justin » ?
Nous ne citerons pas son nom complet, il s’agit de Justin A. P., dont le nom fait penser à une ascendance d’origine turque, mais dont le prénom Justin reflète probablement une certaine acculturation, voire la présence d’un des deux parents (la mère) d’origine française. Nous ne savons pas s’il est musulman.
Il semble résider dans le quartier des Dervallières à Nantes et était donc inscrit au lycée privé Notre-Dame-de-Toutes-Aides. En avril 2025, Justin était élève en classe de seconde. Il avait obtenu son Diplôme National du Brevet (DNB) avec mention assez bien, probablement en juin 2024, indiquant des performances académiques correctes.
D’après ce que nous avons pu lire, ses camarades le décrivaient comme timide, réservé et solitaire, préférant des activités comme la marche plutôt que des interactions sociales. Il jouait également à des jeux vidéo comme Fortnite et était peu loquace.
Encore une fois, d’après les témoignages rapportés, Justin montrait des signes d’instabilité émotionnelle et nourrissait des idées sombres. Il partageait du contenu misogyne et était obsédé par des sujets morbides, tels que le jihadisme, le 11-Septembre, la violence, les suicides et les meurtres.
Plus étonnant, et donc à prendre avec des pincettes, il semblait glorifier le nazisme, admirant Hitler comme un « pote » et promouvant des idées nazies, allant jusqu’à dessiner des swastikas en classe. Cette fascination pour le nazisme contraste avec son manifeste, qui se concentre sur des thèmes écologiques et anti-système, suggérant une possible confusion idéologique.
Que peut-on justement dire de son « manifeste » ?
● L’auteur réel
Nous avons retrouvé et lu son manifeste – que nous ne relayerons pas ici pour des raisons que tout le monde comprendra. La grande question qui taraude le Net est donc : est-ce un manifeste d’extrême gauche ou d’extrême droite ?
Tout d’abord, ce manifeste est trop bien écrit et presque sans faute d’orthographe, pour être l’oeuvre d’un ado de 15 (ou 16) ans. Beaucoup suggèrent l’oeuvre d’une IA, ce qui semble parfaitement légitime à l’heure où les élèves et étudiants font travailler ChatGPT à leur place pour rendre les devoirs à faire à la maison.
Cependant, nous avons testé avec 3 outils différents de détection de contenu IA et les 3 outils sont formels : nous avons très probablement affaire à du contenu humain ! Dès lors se pose la question de l’auteur. Serait-ce un plagiat d’une oeuvre antérieure, comme le suggèrent de nombreux tweets en citant L’Homme nu. La dictature invisible du numérique de Marc Dugain ? Après analyse, mais sans avoir pu accéder à l’ouvrage en question, il semble très probable que le manifeste n’a aucun rapport avec cet essai.
● L’image en exergue

La gauche et les médias ont rapidement glosé sur le symbole de type runique, donc nécessairement celto-fascistoïde.
Las, le titre explicitait pourtant clairement le symbole : « L’action immunitaire ». Il s’agit de la symbolisation d’un anticorps, tel que Wikipédia nous le rappelle :

● Le contenu
Le manifeste s’ouvre sur une citation de L’Homme révolté d’Albert Camus, posant la révolte comme un acte de résistance face à l’oppression. Justin A. P. se présente comme un individu réagissant à une crise systémique mondiale, qualifiée d’« écocide globalisé ». Il décrit un monde où l’industrialisation, la technologie et la mondialisation ont conduit à la destruction des écosystèmes et à l’aliénation des individus.
Critique de l’écocide globalisé
Une grande partie du texte est consacrée à la dénonciation de la destruction environnementale causée par le capitalisme et l’industrialisation. Il évoque la disparition des espèces, la pollution chimique et l’exploitation des ressources naturelles.
Il utilise des termes comme « techno-nihilisme » pour critiquer la dépendance aux technologies modernes, qu’il voit comme un outil de contrôle social et d’aliénation. Par ailleurs, il appelle à une révolte écologique, présentée comme un « instinct vital » pour préserver la vie sur Terre.
Critique sociale et culturelle
Le manifeste dénonce une « matrice de contrôle » imposée par les médias, la technologie et les institutions, qui manipulent les individus et suppriment leur liberté. D’autre part, il critique la société de consommation, le conformisme et le transhumanisme, qu’il qualifie de « religion techno-scientifique » visant à remplacer l’humain par des machines.
Il exprime une nostalgie pour des modes de vie plus simples et communautaires, en opposition à l’individualisme moderne.
Appel à l’action
Justin A. P. appelle à une « action immunitaire », une révolte non violente visant à démanteler le système industriel et à instaurer une société organique et décentralisée. Même les derniers ouvrages de Juan Branco paraissent moins timides (comment fabriquer une guillotine, par exemple...).
Il insiste sur l’importance de la prise de conscience collective et de la résistance face à l’oppression systémique. Enfin, le texte se termine sur une note d’espoir, suggérant que la révolte, même symbolique, est une victoire en soi.
Références culturelles
Le manifeste cite des œuvres comme Le Misanthrope de Brueghel et des penseurs comme Camus, pour ancrer son propos dans une réflexion philosophique.
Il fait également allusion à des concepts écologistes radicaux, mais sans citer explicitement des figures comme Ted Kaczynski (Unabomber).
● Conclusion
Extrême gauche ?
D’un côté, la critique virulente du capitalisme, de la mondialisation et de l’industrialisation est typique des mouvements anarchistes, anticapitalistes et écologistes radicaux, souvent associés à l’extrême gauche.
Par ailleurs, l’appel à une société décentralisée et organique, ainsi que la dénonciation de la « matrice de contrôle » techno-industrielle, rappelle les écrits de penseurs comme Murray Bookchin (penseur juif libertaire ayant inspiré Bernie Sanders) ou les mouvements anti-technologie comme le primitivisme (que l’on pense à John Zerzan, Derrick Jensen ou encore une fois Theodore Kaczynski).
L’accent sur l’écologie et la révolte collective contre les institutions oppressives renforce cette proximité avec l’extrême gauche.
Extrême droite ?
Tout d’abord, le manifeste ne contient pas de références explicites à des thèmes d’extrême droite comme le nationalisme ou l’ethnocentrisme. Seuls des témoignages (avec toute la fragilité qu’on leur connait) indiquent que Justin A. P. « admirerait » le nazisme et partageait du contenu antisémite. Cependant, ces éléments ne transparaissent absolument pas dans le texte du manifeste. De surcroît, l’antisémitisme est possiblement partagé par les deux extrêmes, cela ne serait donc pas un marqueur incontestable.
En revanche, la nostalgie pour des modes de vie traditionnels et la critique du transhumanisme pourraient, dans certains contextes, être interprétées comme des thèmes conservateurs ou réactionnaires.
Éléments ambivalents ou hybrides
Le manifeste présente une synthèse idéologique inhabituelle, mêlant des thèmes écologistes radicaux (gauche) à une rhétorique apocalyptique et anti-moderne (parfois de droite). Cette combinaison évoque l’éco-fascisme, une mouvance hybride qui associe la protection de l’environnement à des idées autoritaires ou anti-modernes.
L’absence de références explicites à la race, à la nation ou à des figures d’extrême droite (comme Hitler) dans le texte contraste avec les comportements rapportés de Justin A. P., suggérent au moins deux possibilités :
l’écriture d’un scénario permettant à l’extrême gauche de se dédouaner et de faire porter le chapeau à l’extrême droite, le tout relayé par les médias complaisants, permettant de renvoyer de nouveau l’antisémitisme à l’extrême droite dans un va-et-vient qui pourrait prêter à rire si ce n’était pas si grave,
un auteur avec une « pensée » idéologique incohérente ou fragmentée, typique chez un adolescent malmené par l’environnement anxiogène d’une société qui ne l’est pas moins, augmenté d’un probable profil psychologique très fragile (les 57 coups de couteau montrant un acharnement confinant au délire psychiatrique).
Voire, si l’on veut aller encore plus loin (plus rien ne nous étonne désormais) :
mettre tout ça sur le dos d’E&R, puisqu’il y a ici finalement un peu de rouge et de brun ! Si on y ajoute quelques livres Kontre Kulture, des vidéos d’Alain Soral sur son téléphone, et le tour est joué !
Il est donc impossible à cette heure de conclure que l’auteur soit d’un extrême ou d’un autre de façon définitive, mais ses origines probables, ses écrits (ou prétendus comme tels) et son comportement rappellent plutôt l’extrême gauche.
Reste à comprendre pourquoi l’on nous parle encore d’Hitler, de Mein Kampf (pour nous dire qu’il s’agissait de la version Kontre Kulture ?) et d’antisémitisme, dans un gloubi-boulga (mais peut-être pas tant que ça) idéologique permettant toutes les hypothèses. Ce qui, il faut l’admettre, est bien pratique. Les médias et les politiques de tous bords s’y vautrant sans recul. Ni vergogne.