Sachant que les socialistes ont autant de chances de franchir le premier tour des présidentielles en 2017 que BHL de passer de patriote israélien à patriote français, les rongeurs organisent discrètement leur fuite du navire. Najat, pour sa part, prépare sa chute à Villeurbanne, la petite sœur ouvrière de Lyon.
Villeurbanne, ville que les Français connaissent globalement par deux biais : Charles Hernu, et le basket. Le socialiste Hernu, un peu à la manière de Mitterrand, sera un caméléon qui prendra toutes les couleurs politiques : un peu communiste, un peu socialiste, un peu collabo, un peu résistant, un peu kgbiste, un peu cia-iste… Avec une grosse louche de bon sens politique local, puisqu’il tiendra la mairie de Villeurbanne pendant 13 ans, de 1977 à 1990. Tout en étant président de l’ASVEL, le club de basket maintes fois champion de France. Après avoir été accusé de tous les maux, selon les époques (de vichyste par Serge Klarsfeld puis par Edern-Hallier, d’agent soviétique par L’Express, d’agent américain par le journaliste d’investigation Vincent Nouzille, et enfin de commanditaire de l’attentat du Rainbow Warrior), le socialiste Hernu enlève la mairie de Villeurbanne à l’ouvrier métallo Étienne Gagnaire, un anticommuniste virulent qui règnera plus de 20 ans sur la ville. Son virage gaulliste lui sera fatal.
Depuis, donc, Villeurbanne est une ville rose, qui prépare l’atterrissage de Belkacem en 2018. Ouvrière et populaire, la petite sœur de Lyon n’est pas une ville ordinaire : elle abrite une des plus fortes communautés juives de France, avec 16 000 habitants de confession israélite recensés, sur 140 000 habitants officiels. L’implantation des juifs à Villeurbanne date des années 30, et de la persécution des juifs allemands qui fuient le Reich hitlérien. Dans les années 60, les sépharades issus du Maghreb en phase d’indépendance, posent leurs valises dans cette cité. Enfin, une troisième cause de migration interne, plus récente, a joué : l’islamisation des banlieues populaires de Lyon, à savoir Bron, Saint-Priest, Vaulx-en-Velin et Vénissieux, toutes situées au sud. C’est le réservoir d’ouvriers des années 60 et 70, réduit en partie au chômage technique suite à la désindustrialisation des années 80, qui a généré les troubles sociaux que l’on sait, puisqu’ils ont inauguré les grandes émeutes des années 80 et 90.
Il y a une autre raison, plus pragmatique, pour laquelle les juifs du Rhône ont choisi Villeurbanne : les loyers y sont moitié moins chers qu’à Lyon. Ainsi, le prestigieux 6ème arrondissement, limité par le parc de la Tête d’Or, flanqué de ses hôtels particuliers, jouxte-t-il la partie ouest de Villeurbanne. N’oublions pas le facteur sociologique, l’effet de masse jouant le rôle de concentrateur, par le jeu des écoles et associations communautaires, nombreuses dans le secteur... Traditionnel repli sur soi que les diasporas juives ont connu tout le long de leur histoire.
Enfin, la communauté juive lyonnaise, malgré le pouvoir grandissant d’un Jakubowicz, véritable Garde des Sceaux français, ne suffit pas à infléchir la puissance catholique de la ville des papes. C’est de Lyon qu’est partie la contestation sur le mariage pour tous en 2013. A Villeurbanne, le raffermissement de la communauté juive produit depuis une décennie une certaine radicalisation religieuse : le centre ville ressemble à un ghetto ouvert, et les commerces français ou arabes qui y survivent font figure d’îlots en voie de disparition. Cependant, les communautés fonctionnent plutôt bien entre elles, sans trop de heurts, une poignée de magasins tagués et de personnes attaquées (deux faits divers qui auront généré énormément de presse) ne suffisant pas à plonger la ville dans les affres de la Nuit de Cristal.
Une ville dans la ville
Inversement, les mariages célébrés sur le parvis de la mairie attirent autant de juifs que de CRS, sans compter les milices communautaires, déguisées ou pas, qui patrouillent. Une ville dans la ville. Mais revenons à Najat, qui n’a apparemment aucun rapport direct avec la Communauté, même si on imagine bien qu’elle ne pourrait pas une seconde atterrir à Villeurbanne sans l’assentiment du grand Kahal, pardon, de la très pieuse et très active communauté. Ayant tenté de se composer un passé misérable, arguant qu’elle gardait des chèvres pieds nus dans son Maroc natal, Belkaça (comme l’appellent les rieurs) tentera d’empêcher Villeurbanne d’être le théâtre de tensions grandissantes entre juifs et musulmans (les chrétiens comptant pour du beurre). Peut-être s’agit–il d’un bon compromis, relativement féminin, un calcul politique hollandiste habile. Dans le cas de conflits plus ouverts entre les deux communautés, celle qui a le pouvoir sans le nombre et celle qui a le nombre sans le pouvoir, on ignore de quel côté la jolie brune va pencher.
Pour finir, le nombre de 16 000 que nous publions à propos des effectifs de la communauté juive villeurbannaise sont issus du journal de la communauté urbaine de Lyon, donc officiels. Tribune de Lyon, l’hebdomadaire culturel local, avance le nombre de 10 000 juifs à Villeurbanne, mais "30 à 40 000 pour l’agglomération". On retrouve la sempiternelle imprécision, qui trouve sa source dans la timidité historique des responsables de cette communauté – qui se cachent derrière l’interdiction des statistiques ethniques - à communiquer sur ses effectifs réels. Afin de ne pas alimenter les fantasmes, notamment de ghettoïsation, et de pouvoir occulte. Eh bien, c’est raté.