L’ex-président de la LICRA sort un livre sur son métier et l’affaire Lelandais, toujours en cours, qui sonne comme une justification. Car le grand public ne comprend toujours pas comment on saute de la défense quasi exclusive de la communauté juive à la défense d’un enleveur et tueur d’enfant, et peut-être violeur en plus.
« Le combat contre le racisme et l’antisémitisme, c’est ma vie »
L’avocat a donné une longue interview au Midi Libre. Pendant ce temps, une famille de Pont-de-Beauvoisin en Isère révélait qu’un soir d’août 2017, peu avant de s’en prendre à Maëlys, Nordhal Lelandais a tourné dans une fête de mariage autour d’une petite fille de trois ans et demi. Le Parisien a récupéré le témoignage des jeunes parents :
« En début de soirée, l’ancien militaire arrive à la salle des fêtes de Pont-de-Beauvoisin où l’on fête un mariage. Il a été invité par le marié. Mais bizarrement, vers 22 heures, voilà que Nordahl Lelandais revient à l’anniversaire d’Élodie. Et son attitude intrigue. “Il était très froid. Il fumait cigarette sur cigarette, la mâchoire serrée, le regard fixe. Sans un sourire, alors qu’il était pourtant dans une fête. Il était bizarre. Il a créé un malaise” explique Éric. Mais il y a encore plus inquiétant.
“Alors qu’il n’est pas censé connaître ma fille, il s’est dirigé vers moi en me demandant si j’étais bien la maman d’Émilie” confie Élodie. « Je lui ai répondu que oui. Il m’a alors dit : “votre fille est très jolie, gentille et polie”. J’ai alors senti qu’il y avait quelque chose de pas net. C’est mon instinct maternel qui a parlé. Je ne comprenais pas pourquoi il me disait que ma fille était gentille et polie alors qu’à cette période-là, Émilie était plutôt sauvage avec les gens et ne disait pas bonjour. »
Un détail donné par le père : « Sur le parking qui est juste à côté de la maison, on est tombés sur Nordahl Lelandais qui était dans son Audi A3. Il attendait, téléphonait avec son portable. Je ne l’avais jamais vu. »
Notre question : à qui téléphonait Lelandais avant d’enlever une petite fille, puisque c’était visiblement son but ce soir-là ? Qui se risquait-il à appeler avant son crime ? Ou qui se risquait à l’appeler, le rendant si nerveux ?
Son avocat ne nous répondra pas, mais il répond au journal qui fait la promotion de son livre.
Midi Libre : « Comment accepte-t-on un tel dossier ? »
Jakubowicz : « L’adrénaline. C’est terrible. Le rêve de tout avocat, c’est de faire acquitter un innocent quand tout l’accable. Être seul contre tous. Ce n’est pas très honorable, mais c’est humain. Lorsqu’on m’appelle pour prendre ce dossier, je suis convaincu que c’est la famille de l’enfant qui me demande. J’ai passé des moments très difficiles avec ma conscience, mais quand on est avocat, on ne refuse pas le dossier Lelandais. »
Pour quelqu’un d’aussi avisé que Jakubowicz, d’aussi politique pourrait-on dire, l’innocence dont il fait preuve ne laisse d’étonner. Toute la France sait que Lelandais est très probablement le coupable, sauf Jakubowicz. Sachant qu’on peut défendre un client en le croyant coupable, il n’est pas interdit d’être lucide...
Midi Libre : « Il vous disait être innocent. A-t-il trahi votre confiance ? »
Jakubowicz : « Je ne peux pas lui en vouloir de m’avoir menti. En France les accusés ont le droit de mentir, y compris à leur avocat. Honnêtement, je l’avais anticipé. Je ne suis pas totalement tombé de l’arbre, mais la chute a été violente. Au début, au tout début, avec mon côté Don Quichotte, je me disais qu’il pouvait l’avoir cachée et je voulais qu’on retrouve cette enfant vivante, que j’y contribue, pour l’enfant, pour la famille et pour lui, car c’était son intérêt, si c’était lui. »
Jakubowicz s’en veut, il avoue avoir été... présomptueux.
Midi Libre : « C’était quand même très présomptueux… »
Jakubowicz : « Totalement ! Mais attendez, on ne fait pas ce métier si on n’est pas présomptueux, si on ne croit pas qu’on va pouvoir déplacer des montagnes. C’est ce qu’attend toujours le client, que son avocat fasse des miracles. On est comme des médecins, on sauve des vies… ou pas. J’ai été présomptueux, j’assume, parce que j’ai horreur de subir et dans ce dossier je ne fais que subir. Donc je ronge mon frein, je travaille mon dossier et j’écris un livre. »
Une peccadille dans un dossier complexe qui aura vu finalement le coupable avouer au bout de six mois, six longs mois pendant lesquels des éléments auraient pu aider la justice...
Extrait du livre page 175 :
« Il me fallait pourtant briser le silence. Je lui dis : “Je pense que tu as compris la situation.” Il me répondit : “Oui.” Au moins cela servait-il à quelque chose. Dès lors qu’il ne pouvait contester les faits, il lui appartenait de révéler où se trouvait le corps de Maëlys. Si à cet instant, je pouvais servir à quelque chose, c’était au moins à cela. Pour une fois, son intérêt rejoignait celui de la justice. Je lui demandais s’il savait où se trouvait la victime. Il répondit par l’affirmative. C’était comme s’il venait de m’avouer qu’il avait tué Maëlys. »
Alors, Jakubowicz a-t-il aidé son client ou la justice, c’est la question que nous nous posons. Le quotidien ne va pas aussi loin.
Midi Libre : « Lorsque le dossier bascule, votre but devient de retrouver le corps de Maëlys. Est-ce là encore le rôle de l’avocat ? »
Jakubowicz : « C’était nécessaire et indispensable et je pense être là dans mon rôle d’auxiliaire de justice. De toute façon, s’il m’avait demandé de contester la tache de sang, je ne serai pas resté. Je n’irai jamais contre les évidences. Je sais alors que stratégiquement, il faut aller très vite. Il est échec et mat. Il m’a menti, il a tué un enfant et je dois vivre avec, me dire qu’une enfant est morte, que celui qui l’a tuée, c’est moi qui le défends. C’est violent. »
On résume : l’ex-président de la LICRA prend le dossier Lelandais pour « l’adrénaline », puis il est victime d’avoir été « présomptueux ».
La fin de l’interview est encore plus étonnante : Jakubowicz, qui a perdu ses nerfs sur le plateau de BFM TV le 4 décembre 2017, nous explique au final qu’il est contre la monétisation de l’affaire et la starisation de Lelandais :
Midi Libre : « Vous avez obtenu le retrait du roman sur votre client écrit par le Montpelliérain Michel Moatti… »
Jakubowicz : « Il a joué le jeu, il a tenté, il a raté et il a été correct. Aujourd’hui, Nordahl Lelandais est devenu un produit de marketing. Il y a des tee-shirts à son effigie qui se vendent sur internet. On bat monnaie autour de cet homme et franchement, on ne peut pas dire que ce type est un modèle. C’est ahurissant. La justice à la télévision est devenue un marché qui a pour objectif non pas l’information mais la rentabilité. Il n’y a plus de journalistes sur les plateaux, mais des “experts”, et c’est du troc : viens occuper du temps d’antenne et je te donne de la notoriété. C’est hyperdangereux. Il faut qu’on arrête ces excès. »
Autant on a eu du mal à croire en l’innocence de Lelandais au départ de l’affaire, autant on a du mal à croire en la naïveté de son avocat aujourd’hui.
Sur l’affaire Lelandais-Jakubowicz, ne pas manquer cet extrait de #SAPTR5 :