« Ce n’est pas la première fois que je vais avoir à faire un geste dont je ne suis pas fier au 2e tour de l’élection »
C’est le très correct Huffington Post (français) qui, sans ironie, annonce la couleur : le très anticapitaliste, antilibéral, protecteur des pauvres et des manants François Ruffin, instigateur de Nuit debout, fondateur du Canard enchaîné amiénois Fakir, eh bien cet adversaire farouche des riches et des délocalisations, du mondialisme et de l’écrasement du peuple de gauche par les forces oligarchiques, votera Macron au second tour.
On vous prie de ne pas rigoler. Dans le genre on a déjà eu, cette semaine quasiment sainte d’un point de vue du miracle politique, le revirement du pauvre Filoche, qui s’aligne comme un soldat de deuxième classe sur l’ordre hurlé par le commandant de la caserne, l’explication emberlificotée du trotskiste Plenel et la soumission de José Bové, autrefois opposé au libéralisme destructeur (« J’appelle sans aucune retenue à voter pour Macron »), trahissant en cela les paysans qui le suivaient. Pauvre gauche, pauvre gauchisme, représenté par ces « radicaux » qui ne tiennent pas longtemps devant le Réel, et dont la conviction profonde fond comme neige au soleil de... Satan.
Eh oui, le grand Satan mondialiste a encore frappé, et le pauvre Ruffin, qui voulait capitaliser sur le succès de son films documentaire sur le méchant riche Bernard Arnault (Merci Patron !), sur la montée du gauchisme sauce Mélenchon (19% au premier tour), et sur la révolte bobo Nuit debout, se retrouve à faire carpette pour que le Prince des Banques, le jeune Macron, s’’essuye les Berlutti sur ses convictions.
- Lors de l’émission, Macron avait eu les questions de l’invité "surprise" Ruffin...
Dans L’Émission politique de France 2, Ruffin avait bien asticoté un peu Macron, expression choisie par le Courrier Picard, mais on sentait déjà que la Cause était entendue, que la Cause était bidon, que la sempiternelle trahison de gauche aurait raison des engagements forts.
Heureusement, et il en est ainsi de tous les revirements honteux, Ruffin assure qu’il restera un « opposant ferme », ce qui doit bien faire rire Macron et son staff de gros capitalistes :
« Quand bien même je glisserai un bulletin Emmanuel Macron dans l’urne, qui n’a pas besoin de ma voix pour être élu parce que je pense qu’il le sera, je lui serai un opposant ferme dès le 8 mai au matin »
Avoir de tels opposants, pour Eux, c’est du pain béni. Du faux dur, du faux ouvriériste, du faux radical... Voilà ce que Ruffin expliquait à Élise Lucet, qui le recevait avec beaucoup d’honneurs sur le plateau d’Envoyé Spécial ce mercredi 27 avril 2017 :
« C’est un peu comme quand vous allez aux toilettes, vous aimez bien fermer la porte. C’est le principe de l’isoloir, il y a un rideau parce que ce n’est pas la première fois que je vais avoir à faire un geste dont je ne suis pas fier au 2e tour de l’élection. »
(Re)voir l'interview de @Francois_Ruffin par @EliseLucet sur le plateau d'#EnvoyeSpecial #Whirlpool pic.twitter.com/5aChaA7woc
— Envoyé spécial (@EnvoyeSpecial) 27 avril 2017
Visiblement, la fierté n’est pas une valeur de gauche, au même titre que l’égalité et la fraternité. On rappelle sans ironie que Ruffin se présente pour les élections législatives de juin dans la première circonscription de la Somme, avec le soutien, nous apprend le HuffPost, « d’EELV, de La France Insoumise et du PCF ». Une belle brochette de résistants... prêts à détaler au moindre haussement de sourcil de l’Oligarchie !
Conclusion, on n’a pas fini de rire, et la gauche n’a pas fini de sombrer dans ses contradictions. Quand on leur dit que la voie royale, c’est l’union de la gauche du travail et de la droite de valeurs, c’est aussi pour leur éviter de telles humiliations.