Il fut le dernier pharaon d’Égypte. Hosni Moubarak est mort mardi 25 février à l’âge de 91 ans à l’hôpital militaire Galaa au Caire, a indiqué à l’Agence France-Presse (AFP) son beau-frère, le général Mounir Thabet.
Hosni Moubarak était un raïs déchu, chassé du pouvoir par les foules de la place Tahrir, lâché par l’armée dont il était issu, condamné à l’issue d’un procès infamant à la prison à perpétuité pour sa responsabilité dans l’assassinat de quelque 850 manifestants lors du soulèvement qui conduisit à sa chute, du 25 janvier au 11 février 2011.
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Lorsqu’il hérite du pouvoir, en octobre 1981, l’Égypte est au bord du gouffre. Anouar El-Sadate, qui l’avait nommé vice-président en 1975 en raison de son aura de héros de la guerre d’octobre 1973 contre Israël à la tête des forces aériennes, mais surtout pour sa loyauté et son effacement, avait engagé l’Égypte dans un tête-à-queue dangereux. Visionnaire, mégalomaniaque, disent ses détracteurs, Sadate avait en une décennie rompu avec l’URSS pour se tourner vers Washington, décrété l’ouverture (infitah) d’un système économique collectiviste et bureaucratique, et surtout fait la paix avec Israël, l’ennemi de toujours.
[…] Plébiscité par le Parlement le 13 octobre, il promet de sévir contre les extrémistes islamistes et s’engage à respecter le traité de paix signé avec Israël en 1979.
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Dès son arrivée au pouvoir, il fait condamner à mort les assassins de Sadate et envoie en prison une bonne partie de leurs mentors et acolytes. À leur sortie, ils sont expédiés en Afghanistan pour y mener la guerre sainte contre l’envahisseur soviétique. En contrepartie, il fait d’importantes concessions à ceux ayant abjuré la violence, à commencer par les Frères musulmans, qui ont toute latitude pour islamiser la société dans l’éducation, la culture et les médias.
Autre legs problématique de Sadate, le traité de paix avec Israël, qui n’a pas tenu ses promesses concernant les retombées économiques et a valu à l’Égypte d’être mise au ban de la Ligue arabe. Hosni Moubarak va patiemment chercher à réintégrer le giron arabe, sans dénoncer une paix qui, après tout, vaut à l’Égypte une aide américaine annuelle de 2,1 milliards de dollars (dont 1,3 milliard d’aide militaire) et lui permet de récupérer le Sinaï en 1982.
Les gages donnés aux Arabes – accueil de Yasser Arafat après son expulsion du Liban en 1983, soutien de l’Irak lors de sa guerre contre l’Iran (1980-1988), rapprochement avec les monarchies du Golfe – permettent à l’Égypte de recouvrer son rang au sein de la Ligue arabe en 1989. L’année suivante, Hosni Moubarak achève de rentabiliser sa politique d’équilibriste : en dénonçant l’invasion du Koweït par l’Irak, il se réconcilie définitivement avec le monde arabe et décroche 13 milliards de dollars de remise de dette, ainsi que l’effacement de la moitié de ses créances par le Club de Paris.
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Cette diplomatie des sommets, pas toujours très efficace, lui vaut l’hommage des Occidentaux et les encouragements d’une administration américaine qui s’est progressivement départie du rôle actif de parrain neutre d’un processus de paix moribond. De l’Intifada de 2000 à la guerre contre Gaza en 2008-2009, elle suscite l’irritation croissante des Égyptiens, qui n’ont pas avalé la pilule du traité de paix séparé avec Israël et attendent de leur président une solidarité plus affichée avec les Palestiniens. L’alliance stratégique avec Washington pâtit également de l’invasion de l’Irak en 2003.
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[…] Hosni Moubarak ne réussit pas à freiner l’islamisation rampante de la société, au profit notamment des Frères musulmans, qui réussissent, fin 2005, à décrocher 88 sièges de députés, à la faveur d’une ouverture politique limitée, exigée par l’administration Bush, porteuse d’un projet de démocratisation du Proche-Orient.
[…] Sourd au ras-le-bol de la jeunesse et de la société civile, qui s’exprime à travers des mouvements comme Kefaya (« Ça suffit ! »), Hosni Moubarak devient l’otage de l’entourage de son fils cadet, Gamal. Celui-ci, poussé par sa mère, Suzanne, se prépare à la succession et verrouille le champ politique, au grand dam de l’armée, traditionnel pilier du régime depuis 1952. […]
L’enrichissement d’une petite classe d’affairistes, regroupée autour de Gamal Moubarak, choque dans un pays où le plus grand nombre ne profite pas de la croissance. Ni les grands travaux (comme l’oasis artificielle de Toshka), ni le tourisme en pleine expansion, ni les découvertes de gaz naturel et un libéralisme en trompe-l’œil n’absorbent le million de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. C’est cette jeunesse, rompue aux réseaux sociaux et à l’Internet, qui prendra d’assaut la place Tahrir le 25 janvier 2011, conduisant au départ d’Hosni Moubarak, dix-huit jours et plusieurs centaines de morts plus tard.
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