Mogadiscio – Les gens de l’étranger me demandent toujours : « Comment ça fait de vivre dans un pays comme la Somalie avec toutes ces explosions et ces voitures piégées ? ».
Eh bien, laissez-moi vous parler de mon dernier samedi. Le plus intéressant à ce jour. Vous voyez, à Mogadiscio on ne demande pas : « Hé, qu’est-ce qui se passe », mais plutôt : « Est ce qu’il y a quelque chose d’intéressant ? » Et s’il ne se passe rien, la réponse est : « On s’ennuie ».
Ce samedi a donc commencé de la meilleure façon possible. J’ai emmené mes deux fils, trois et cinq ans, pour se promener. Ma femme est enceinte et ne se sent pas très bien. Je voulais la laisser un peu au calme. L’idée était d’aller acheter quelque chose aux garçons. Ils étaient très excités.
Le sol a tremblé
Nous sommes partis dans un touk-touk. Nous nous trouvions sur une rue secondaire de la ville, qui passe par un carrefour que j’emprunte chaque jour, pour aller au travail, à la salle de gym ou au terrain de football. Je m’y arrête souvent pour aller dans un magasin, boire un thé avec des amis ou acheter des cacahuètes à une femme qui est très gentille.
Comme d’habitude, le trafic était infernal. Nous étions donc coincés à environ un kilomètre du rond-point.
D’un coup, le touk-touk a tremblé. Et le sol avec lui. De la poussière a envahi l’air. Les gens ont commencé à hurler, et certains à courir. Personne n’a compris ce qui se passait. Mais à en juger par le son, l’explosion avait eu lieu au carrefour.
Depuis 2009, quand j’ai commencé à travailler comme photographe à Mogadiscio, j’ai couvert des centaines d’attentats. Il surviennent régulièrement, et principalement grâce aux shebab, un mouvement d’islamistes somaliens liés à Al-Qaida, qui luttent contre le gouvernement. J’ai été blessé récemment dans l’un d’eux.
[...]
On ne voyait pas grand-chose à cause de toute la poussière dans l’air. Ça ressemblait à un brouillard. Les gens criaient courraient en tous sens. En passant l’hôtel Safari, près du carrefour, j’ai entendu des coups de feu. Je me suis dit que les shebab devaient essayer d’y pénétrer. C’est une tactique classique chez eux, commencer par une voiture piégée avant d’attaquer à l’arme automatique.
J’apprendrai ensuite qu’en fait, la sécurité de l’hôtel a ouvert le feu contre des policiers et soldats qui allaient au carrefour. Ça arrive aussi. Il y a tant de confusion après un attentat que par peur les gardes tirent sur quiconque porte une arme. Cette fois, ils n’ont tué personne.