Dérégulation et déréglementation sont les deux mamelles du miracle économique allemand récent, sans même parler de leur Hinterland est-européen qui fait office de réservoir de main d’œuvre à bas coût et de marché supplémentaire... Le juteux circuit court de la délocalisation bien comprise ! Ce géant économique n’est donc pas très vertueux et fait avancer l’Europe à un train d’enfer. Ceux qui ne suivent pas sont dépouillés de leur force économique, et surtout industrielle. Nous allons comprendre pourquoi le modèle allemand inspire Macron.
Le redressement économique allemand a eu lieu sous l’impulsion du grand patronat qui a signé des accords avec la social-démocratie et avec la droite allemandes, soit Schröder puis Merkel : tout le monde était d’accord pour faire redémarrer un pays dont les résultats avaient plongé sous l’effet de la réunification de 1990. En 10 ans, malgré la mondialisation accélérée de l’économie, les chocs terroristes et pétroliers et les incertitudes géopolitiques, l’Allemagne devient en 2003 le premier exportateur mondial. Un résultat incroyable dû à de grands sacrifices internes : les syndicats ont accepté baisses de salaires et augmentations drastiques de la compétitivité. De 1994 à 2004 par exemple, les salaires bruts ont quasiment stagné. Les Allemands se sont serré la ceinture pour conserver leur place de grand exportateur. La durée moyenne du travail a augmenté de 35 à 40 heures sans compensation salariale, c’est-à-dire que les ouvriers des grandes chaînes ont accepté de donner 15% de leur salaire à leur entreprise. La flexibilité ou flexi-sécurité a été le grand mot d’ordre de ces années.
Au début des années 2000, l’Allemagne est en récession : croissance molle à 0,5%, 5 millions de chômeurs et un déficit public à la française (4% du PIB). Cinq ans plus tard, le schéma est inversé : la croissance galope, les déficits maigrissent, l’emploi repart. À tel point que l’ouverture des frontières aux migrants devient une nécessité pour l’économie. C’est ce que Macron, admiratif de ce miracle, veut imposer en France. Mais derrière ce miracle, on s’aperçoit que tout n’est pas rose : les salariés les moins bien payés voient leur salaire diminuer, pauvreté et précarité augmentent. Les petits emplois explosent, que les spécialistes appellent emplois atypiques. Traduction : de plus en plus d’Allemands (près de 25%) travaillent pour des salaires de plus en plus faibles. Et naturellement, les syndicats et les partis politiques dits réformistes qui ont pactisé avec le grand patronat ont perdu toute force de négociation dans le sens des salariés.
« Leurs fiches de paye restent bloquées à 450 € par mois. Les "mini jobeurs", mal payés, à temps partiel, encore 6,7 millions en Allemagne, le même nombre qu’en 2015. Malgré le plein emploi et la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, comment expliquer le maintien d’une telle précarité, pourquoi l’Allemagne est-elle accro aux "mini jobs" ? [...] Et au total, pas plus de 450 € par mois, c’est la condition en Allemagne pour bénéficier d’un avantage fiscal : l’exonération totale de cotisations salariales, le salaire net est égal au brut. »
Jaide Fuchs, mini jobeuse, résume le topo : « Pas d’assurance chômage, pas d’assurance maladie, pas de garantie dépendance, pas de retraite. »
En France, la « flexibilité » des conditions d’emploi et de travail (ou la réforme des régimes de protection sociale) a beaucoup plus de mal à passer. Le niveau de vie des Allemands n’a pas profité de l’embellie économique puisque la pauvreté a augmenté, on travaille jusqu’à 67 ans et l’importation de millions de migrants a fracturé le socle culturel du pays. Les politiciens allemands ont fait le choix de la globalisation, c’est-à-dire du profit à l’exportation, mais au prix d’une contraction de la demande domestique.
On travaille beaucoup en Allemagne, certes, le chômage est faible, mais il y a proportionnellement plus de pauvres que chez nous. Le filet social a été cassé et il y a fort à parier que l’effort consenti par le peuple allemand dans les années 2000 ne profite qu’aux grands groupes économiques et à eux seuls. Chez nous, malgré le soutien actif de toute l’oligarchie économique, Macron est en train de se casser les dents avec sa « réforme » du travail contre un mur de Gilets jaunes. Tous les collabos du Système nous sermonnent avec le modèle économique allemand, peut-être qu’un jour les millions d’Allemands appauvris envieront le modèle social français.
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