Le terrorisme bas de gamme d’amateurs paumés, un lumpenprolétariat des montagnes déculturé à mort et nourri à un islamisme décharné, a rencontré la naïveté de deux promeneuses occidentales peu versées dans les subtilités de la géopolitique.
Le choc entre le tourisme à la scandinave et la réalité sociale marocaine a été rude. La vitesse de l’enquête et la sévérité des condamnations sous la pression des autorités politiques n’ont d’égale que la volonté de rassurer le touriste mondial (mais surtout européen), qui représente 6,6% du PIB.
Malgré cet accroc « international », l’économie du Maroc s’améliore au rythme de 5% par an, notamment grâce aux investisseurs venus de France et du Golfe. Malgré le rattrapage économique et la lutte contre la pauvreté, le pays du roi Mohammed VI reste un des plus inégalitaires d’Afrique du Nord. Le Maroc, contrairement à l’Algérie (ou à la Libye), n’a ni pétrole ni gaz. La redistribution est plus difficile...
« L’intolérance par rapport aux inégalités devient de plus en plus élevée, les citoyens étant plus conscients de leurs droits et exprimant davantage leur insatisfaction, leurs besoins et leurs attentes.
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Le climat d’insatisfaction qui s’installe chez certaines catégories sociales pourrait résulter de la perception de ces dernières, liée à l’affaiblissement de la méritocratie et la défaillance des ascenseurs sociaux classiques, tels que l’accès équitable à l’emploi, l’égalité des chances, une éducation de qualité pour tous, etc. Le manque d’efficacité de l’ascenseur social est confirmé par les chiffres sur la mobilité intergénérationnelle, publiés en 2013 par le Haut commissariat au plan. En effet, seulement 35% des individus de 35 ans et plus ont connu une mobilité sociale ascendante par rapport à leurs parents, les autres ayant plutôt stagné ou bien régressé. » (Jeune Afrique)
Le tourisme compte donc énormément et le gouvernement a lancé un plan (Azur) pour développer des stations balnéaires et faire passer le nombre de touristes de 8 à 10 millions par an. Les Français sont de gros clients pour le Maroc et le moindre événement terroriste ou social freine les candidats au voyage. Entre 2014 et 2015, un Français sur deux qui comptait se rendre au Maroc a ainsi changé de destination. Les attentats d’avril 2011 à Marrakech, ville touristique majeure, résonnent encore dans les esprits.
Le visage impassible, les assassins présumés des deux jeunes Scandinaves décapitées fin 2018 au Maroc au nom du groupe État islamique (EI) ont demandé, jeudi 18 juillet, « le pardon de Dieu » lors de la dernière audience de leur procès. Cela n’aura pas suffi aux juges du tribunal antiterroriste de Salé, près de Rabat, qui ont condamné à la peine de mort trois des 24 hommes soupçonnés d’être directement liés aux meurtres de deux touristes scandinaves.
Le premier, Abdessamad Ejjoud, un marchand ambulant de 25 ans, avait avoué avoir organisé l’expédition meurtrière dans les montagnes du Haut-Atlas (sud) avec deux compagnons, Younès Ouaziyad, un menuisier de 27 ans, et Rachid Afatti, 33 ans. Ce dernier avait filmé la scène et diffusé sur les réseaux sociaux des images de la décapitation et d’une déclaration d’allégeance à l’EI, qui n’a jamais revendiqué le double assassinat.
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Louisa Vesterager Jespersen, une étudiante danoise de 24 ans, et son amie Maren Ueland, une Norvégienne de 28 ans, ont été assassinées alors qu’elles campaient sur un site isolé dans une région prisée des randonneurs désireux de gravir le plus haut sommet d’Afrique du Nord, le mont Toubkal (4 167 mètres). Éprises de nature, les deux victimes suivaient des études de guide à l’université norvégienne de Bø et voyageaient souvent ensemble.
L’accusation avait requis la peine de mort pour le trio meurtrier, jugé avec les 21 autres prévenus pour « apologie du terrorisme », « atteinte à la vie de personnes avec préméditation » ou « constitution de bande terroriste ».
Un quatrième Marocain, Abderrahim Khayali, 33 ans, s’était rendu avec les trois autres dans la montagne mais était retourné à Marrakech pour y trouver une cachette, peu avant l’assassinat. Lui aussi a demandé le « pardon de Dieu ».
Les 20 autres prévenus se sont montrés plus prolixes : en jogging ou en tenue traditionnelle salafiste, ils ont pour la plupart clamé leur innocence, condamné le double assassinat et demandé un jugement équitable. Les juges les ont condamnés à des peines allant de cinq ans de prison à la perpétuité.
Quant au seul étranger du procès, l’Hispano-Suisse Kevin Zoller Guervos converti à l’islam, il a été condamné à vingt ans de prison pour « constitution de bande terroriste ». Bien qu’ayant toujours clamé son innocence, il a été reconnu coupable d’avoir appris aux principaux suspects à utiliser une messagerie cryptée et de les avoir « entraînés au tir ». Lors des réquisitions, il avait déclaré d’une voix émue « ne pas avoir eu de chance d’avoir croisé certaines personnes », ajoutant ne pas être « extrémiste » et ne « l’avoir jamais été », condamnant « fermement cet acte barbare dans ce magnifique pays ».
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