Les extraits chauds de l’entretien du président Macron à l’hebdomadaire Valeurs actuelles tournent en boucle sur les réseaux sociaux. Les uns s’offusquent d’un président progressiste dans un journal de vraie droite, voire de droite dure, d’autres trouvent le choc des libéraux des deux camps intéressant.
Mitterrand savait aussi briser les lignes à sa façon en se confiant à des personnalités de droite, qu’il draguait (politiquement, s’entend). On pense à Pauwels, d’Ormesson... Macron sait que Valeurs actuelles, l’hebdo qui a le vent en poupe pendant que tous les autres décrochent, roule pour le tandem Zemmour-Maréchal, alors il lance son offensive au cœur du QG ennemi. Il en profite pour provoquer les uns et les autres, tout en faisant trembler ses conseillers en communication :
« Macron dans “Valeurs actuelles“ : l’interview qui a tétanisé l’Élysée. » Édifiant... (Via @ParisPasRose.) https://t.co/4FYTxnQKT0… pic.twitter.com/iCkjttCsBB
— Sébastien Fontenelle (@vivelefeu) November 1, 2019
Ou comment envoyer un message aux souverainistes sous les radars...
Bulgarie, Europe, souveraineté
Macron en a profité pour tacler les travailleurs détachés venant de Bulgarie et d’Ukraine. Rappel : ces travailleurs sont aujourd’hui au nombre de 500 000 en France. Ils travaillent dans les secteurs durs ou sales, et sont payés en fonction du salaire moyen et des conditions sociales de leur pays d’origine, ce qui arrange les grandes entreprises qui les emploient sur le sol français, par exemple dans la construction navale. Le Premier ministre bulgare Boïko Borissov a réagi prestement aux propos suivants du Président :
« Il y a des emplois que vous ne ferez plus occuper à des Français, comme le métier de plongeur. Je suis lucide : c’était déjà impossible il y a 40 ans ! Je préfère avoir de la migration légale, enregistrée, sous quotas, pendant x années plutôt que du travail détaché dissimulé. Je préfère avoir des gens qui viennent de Guinée ou de Côte d’Ivoire légaux, qui sont là et qui font ce travail, que des filières bulgares ou ukrainiennes clandestines. »
On peut s’attendre, du côté de l’extrême droite, à des expressions comme la préférence africaine par rapport à la préférence européenne, un clou de plus dans le cercueil immigrationniste et antiraciste de Macron ! L’ambassadrice de France à Sofia a été convoquée, et après quelques tractations, Macron a appelé Borissov pour plaider un « malentendu ».
Le Point résume les termes de la polémique :
« Mais, surtout, le Président semblait faire peu de cas du fait que la Bulgarie fait partie de l’Union européenne et, par conséquent, doit bénéficier, comme tous les États membres, de la libre circulation des personnes, l’une des quatre libertés fondamentales de l’UE. Le président Macron, en donnant la préférence à des travailleurs africains légaux, choque nos partenaires européens qu’il associe, en outre, au trafic organisé… On comprend que la référence soit assez peu plaisante pour le Premier ministre Boïko Borissov, qui se bat, d’année en année, pour lutter contre les mafias. »
Il est clair que devant l’avancée de la droite dure, qui veut être son adversaire pour 2022, Macron tient un discours de plus en plus droitier. Il en est capable, comme il est capable de tenir un discours très gauchiste, en matière de mœurs et d’immigration par exemple. Ce caméléon politique ne tient qu’à une barre : le libéralisme économique à outrance, l’ouverture des frontières, la dilution de la France dans l’UE, le reste est du bla-bla pour naïfs.
Macron présente la même ambition que Sarkozy en 2005-2006 qui a voulu assécher le marigot lepéniste, en tenant un discours ferme, droitier, souverainiste, pour aller chercher les électeurs perdus par le progressisme. Signe que l’élection de 2022 se jouera à droite, une fois de plus.
Dans son voyage ultra-marin, Macron a confié à Valeurs actuelles que les scores du FN (RN aujourd’hui) l’inquiétaient. C’est pour lui la mesure d’un échec de sa politique, et ce n’est pas faux, même si un FN haut l’arrange d’un point de vue stratégique : il lui garantit une finale quasi gagnante. Justement, à Mayotte, devant le déferlement de l’immigration africaine, le parti de Marine a fait 46 % des voix, contre 9 % à LREM.
Immigration, islam, voile
Contrôle ou pas contrôle ???
Emmaüs Roya pourra faire son marché, ou seront-ils arrêtés ??? pic.twitter.com/d20FAHy4Ss— Cédric Herrou (@CedricHerrou) November 2, 2019
Vient alors le moment dans l’entretien où l’immigration n’est plus une immigration classique mais musulmane :
La question du voile revient vite dans le débat :
Vient ensuite sur la table un point de détail plus technique, mais qui a fait l’objet de vives discussions sur les réseaux sociaux : l’AME, ou l’aide médicale pour les sans-papiers.
L’exemple suivant, qui a fait l’objet d’un sujet du service public audiovisuel, a fait sursauter beaucoup de Français :
#AME
Voir cet albanais, venu se faire soigner en #France par le dévoiement d'une demande d'asile et sur les conseils de ses médecins, expliquer fièrement aux français qui n'ont plus les moyens de se soigner que pour lui "tout est gratuit".
Gerbant pic.twitter.com/1d1P3Q2a7v— LaGaucheMafia (@GaucheMafia) November 1, 2019
Dernier extrait en forme de conclusion, qui veut dire beaucoup mais que Valeurs actuelles n’a pas développé plus que ça :
Dame ! Si tous les Français qui se font insulter dans la rue recevaient un coup de téléphone personnel du Président pour les consoler, les choses iraient mieux en France. Pourquoi ne sommes-nous pas tous des Finkielkraut pour le président de la République ? Qu’est-ce qu’il nous manque ? Qu’a-t-il de plus que nous ? Pourquoi fait-il l’objet de tant d’égards ?
Autant de questions que nous posons au Président et à Valeurs actuelles.