La loi sur le renseignement constitue une belle illustration de l’agressivité qui naît dans une société où la fuite comme le progrès ne sont plus possibles. Face aux multiples menaces, intérieures comme extérieures, qui entourent l’ordre de la société française, la réponse des pouvoirs publics est celle d’une mise sous contrôle généralisée des libertés, des consciences et des vies privées.
Loi sur le renseignement : même Laurence Parisot est contre
Jeudi, j’entendais sur un plateau radio auquel je participais, un patron expliquer que la loi sur le renseignement ne le gênait pas parce que lui n’avait rien à cacher. J’adore l’interlocuteur qui a dit ces mots, mais je ne peux évidemment cacher mon effroi : les libertés publiques, le respect de la vie privée seraient inventés pour les gens qui ont quelque chose à cacher. Sous-entendez : seuls les gens malhonnêtes ont besoin d’être libres. Ce genre d’argument par ellipses en dit long sur l’état des libertés publiques en France.
On se félicitera donc que quelques voix courageuses prennent encore la peine de voler au secours des libertés. Ce fut le cas cette semaine de Laurence Parisot, qui a utilement demandé aux parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel sur cette loi scélérate.
On aurait aimé que le MEDEF fasse la même chose. L’exercice y est évidemment un peu plus compliqué : les hébergeurs comme OVH, qui sont vent debout contre la loi, y pèsent beaucoup moins que les fournisseurs de l’armée, comme Radiall, l’entreprise de Pierre Gattaz. Difficile, dans ces conditions, de protester contre une loi qui rapporte des marchés, ou qui est poussée par de précieux clients.
On surveille tout Internet, mais on ne sait plus payer les retraites correctement
Si la loi sur le renseignement a une utilité immédiate : mettre le citoyen sous surveillance pour l’intimider et le dissuader de tout comportement qui mettrait l’ordre en jeu, elle a une autre effet inattendu. Elle donne aux Français l’illusion d’une toute puissance de la technique, comme si la France était un pays moderne, à l’avant-garde de la technologie.
C’est d’ailleurs le pari général de la technostructure : nous faire croire que tout va bien, parce que nous sommes au sommet de la technologie, grâce à quoi nous résoudrons tous nos problèmes. On peut lire tous les mails de la terre sans qu’aucun des expéditeurs ne s’en aperçoive grâce à des technologies françaises. En France, on peut envoyer des satellites dans l’espace, fabriquer des trains qui roulent à près de 600 km/h, envoyer des bombes atomiques sur la terre entière : tout va bien, donc.
Dans le même temps, on oublie de dire l’essentiel. Non seulement la France est incapable de fabriquer le principal objet de consommation dans le monde : le téléphone portable, mais elle est même devenue incapable de payer correctement les retraites. Depuis novembre, le ministère des affaires sociales tente de résorber le retard pris dans la liquidation des dossiers. Six mois plus tard, on compte encore 3.600 retraités qui ne sont pas payés faute d’avoir été « liquidés » dans les délais réglementaires, dans une indifférence quasi-générale.