Prison, tribunal, exil, fosse commune. La vie n’a pas été particulièrement clémente avec les dix enfants Kadhafi (huit enfants biologiques et deux enfants adoptifs), depuis la mort par lynchage de leur père en septembre 2011 par une foule en délire. Trois d’entre eux ont été tués, alors que d’autres sont en cavale. D’autres encore pourrissent dans les prisons de Tripoli en attendant que la justice libyenne puisse se prononcer sur leur sort, ce qui est le cas de Saadi Kadhafi. À l’occasion de la réouverture du procès de ce dernier dimanche 6 octobre, retour sur les heurs et malheurs du clan Kadhafi.
Élevée dans l’opulence des pétrodollars, la fratrie Kadhafi a souvent défrayé la chronique lorsque leur père, le « Guide » de la Jamahiriya « libyenne, arabe et populaire », régnait en maître incontesté à Tripoli. Ils s’appelaient Mohamed, Saïf al-Islam, Saadi, Mouatassim, Hannibal, Saïf Al-Arab, Khamis et Milad. Aïcha était la seule fille du Raïs, apparemment la prunelle des yeux d’un père aussi aimant qu’extravagant.
Pour être juste, les enfants Kadhafi avaient pour la plupart fait de bonnes études, voire même des études poussées, qui à la London School of Economics (Saïf al-Islam), qui à l’université Paris-Dauphine (Aïcha) ou dans une école d’ingénierie en Allemagne (Seïf Al-Arab). Ils n’ont pas tous défrayé la chronique, non plus. En réalité, outre un trio de frères agités et flambeurs (Saadi, Mouatassim et Hannibal), les autres menaient des vies discrètes, à l’abri du regard des curieux et des paparazzis. Mais en l’été 2011, lorsque le régime s’est écroulé, débouchant le 20 octobre sur la mort atroce de son fondateur dans les mains des miliciens en colère, la foudre de l’Histoire avec un grand « H » n’a pas épargné les existences des enfants. Ils ont été dispersés dans les quatre coins du Moyen-Orient et de l’Afrique, quand ils n’avaient pas déjà été capturés ou tués.
De la prison au prétoire
Saadi [voir photo], dont le procès s’ouvre à Tripoli, dimanche 6 décembre, après moult ajournements et retards, est « l’enfant terrible » de la fratrie Kadhafi. Footballeur raté, playboy international, ancien membre de la jet-set, l’homme, 41 ans, aujourd’hui tête rasée, jouit d’une réputation sulfureuse dans la presse occidentale, relayée par les sites d’opposition libyens.
Passionné de foot, Saadi est le troisième fils de l’ex-Guide libyen. Il se fait connaître au début des années 2000 lorsque, après avoir longtemps joué dans des clubs libyens, il débarque en Italie pour se faire un nom en tant que footballeur de niveau international. Fort des pétrodollars libyens qu’il se dit prêt à investir dans le business du foot, il signe avec des clubs prestigieux (Pérouse, Udinese, la Sampdoria de Gênes), mais faute de talent suffisant sa carrière sportive ne décolle jamais vraiment. En fait, son renom médiatique, le Kadhafi junior le doit moins à ses performances sur les terrains de sport, qu’à ses frasques à la sortie des boîtes de nuit ou au volant de sa Lamborghini Diablo jaune coûtant plus de 300 000 euros.
Rappelé en 2007 au pays par son père sans doute pour limiter les dégâts, Saadi se distingue au cours des dernières années du régime Kadhafi en lançant des projets touristiques hasardeux, avant de se reconvertir dans l’armée dirigeant une unité d’élite. Mobilisé dès le début de l’insurrection contre la Jamahiriya en été 2011, il participe à la répression des rebelles, avant de prendre la fuite vers le Niger en septembre lorsque les bastions kadhafistes tombent les uns après les autres. Les autorités nigériennes lui accordent l’asile politique pour des « raisons humanitaires », mais sous la pression internationale doivent changer d’avis et se résigner à l’extrader en mars 2014 vers son pays. Il semblerait que ce sont les preuves fournies par les services de renseignement libyens des activités subversives que menait ce réfugié pas comme les autres contre le régime de transition à Tripoli qui auraient décidé Niamey à le livrer à son pays.