Encore une incroyable histoire de corruption concernant Bruxelles. La Commission européenne est prête à approuver une nouvelle autorisation de mise sur le marché pour un produit reconnu cancérigène, le glyphosate, malgré les avertissements de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et de scientifiques indépendants du monde entier disant que ce produit est toxique pour les humains et les animaux. Mais de fortes protestations ont poussé l’UE à repousser au dernier moment sa tentative de vote pour approbation.
Le commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, a repoussé la procédure de ré-autorisation ce mois ci, non pas parce qu’il a adopté une courageuse position morale en s’opposant au groupe corrompu qu’est l’Agence européenne pour la sécurité alimentaire, l’AESA, et en interdisant le renouvellement de l’autorisation pour l’herbicide le plus utilisé au monde, le glyphosate. Il est, au contraire, tout à fait disposé à renouveler cette autorisation. Même si un groupe de scientifiques de l’OMS a, en 2015, nommé le glyphosate comme un probable cancérigène humain et animal. Non, il a repoussé l’autorisation seulement parce que quatre États membres ont, contre toute attente, refusé d’approuver le renouvellement. Maintenant, Andriukaitis et le cartel des herbicides et OGM sont en train de chercher un nouveau moyen de réintroduire une demande d’autorisation.
Le glyphosate est un produit chimique très toxique et le composant principal de l’herbicide nommé Round Up de Monsanto. Sous d’autres formes, le glyphosate est aussi vendu par la plupart des compagnies agrochimiques mondiales dont BASF, Syngenta, Dow Chemical, DuPont et la Zhejiang Wynca Chemical chinoise.
Dans les années 1970, un chimiste de Monsanto, John Franz, l’a synthétisé avec des additifs chimiques ultra toxiques et il est rapidement devenu l’herbicide le plus utilisé aux États-Unis et en Europe. Aujourd’hui, le glyphosate est couplé à des OGM résistants au glyphosate tels que les sojas ou les maïs Roundup ready de Monsanto. Tous les plants OGM de Monsanto doivent, par contrat, utiliser le Roundup à base de glyphosate car « Cernez ces horribles mauvaises herbes et tuez les toutes ».
Le problème pour renouveler l’autorisation du glyphosate est qu’en mars 2015, l’Agence internationale de recherche sur le cancer (AIRC), une branche de l’OMS, a classifié le glyphosate comme « probablement cancérigène pour les humains », à la suite d’études épidémiologiques sur l’animale et in vitro.
L’AIRC a fait une étude indépendante et extensive sur tous les indices, disponibles publiquement, liant le glyphosate au cancer. L’AIRC est spécialement qualifiée pour conduire de telles recherches, comme elle le fait depuis 40 ans au nom de l’OMS. Elle a examiné des centaines de produits chimiques et est considérée comme un organisme de référence par tous les gouvernements du monde. Des experts non affiliés à l’industrie ont témoigné de son intégrité et de sa crédibilité scientifique.
Alors que d’autres preuves de la haute toxicité du glyphosate, en combinaison avec d’autres additifs non précisés, apparaissent, l’attention portée par les organisations environnementales et de la santé sur les dangers d’un renouvellement pour 15 ans de l’autorisation européenne augmente.
Si l’UE en venait à supprimer la licence d’exploitation du glyphosate, cela porterait un coup fatal au premier herbicide mondial et à Monsanto ainsi qu’à l’industrie mondiale des OGM. Mais il ne s’agit pas seulement de profits commerciaux, c’est une question de géopolitique. Devinez qui exerce une pression intense sur Bruxelles pour arracher son renouvellement ?
L’ECPA
J’imagine que peu de lecteurs ont entendu parler de l’ECPA, l’European Crop Protection Association [L’Association européenne de protection des cultures, NdT]. Son site internet stipule qu’elle « représente les intérêts de l’industrie de protection des cultures au niveau européen. Toutes les principales compagnies et associations nationales d’Europe font partie de nos membres. Notre objectif est de rassembler tous ceux ayant un intérêt pour la protection des cultures afin d’échanger nos connaissances et apprendre les uns des autres. Ensemble, nous nous efforçons d’apporter des solutions dans un environnement européen très compétitif ». La protection des cultures, cela sonne bien, n’est ce pas ?
Traduit rapidement, la déclaration de mission de l’ECPA, c’est de la merde. L’ECPA est une organisation de lobbying importante à Bruxelles, qui représente Monsanto, Dow Chemicals, Dupont, Syngenta, Bayer Cropsciences, BASF agro et d’autres. Quand il fut annoncé que quatre pays, la France, la Suède, la Hollande et l’Italie, étaient tous opposés au renouvellement de l’autorisation européenne du glyphosate, Jean Charles Bocquet, directeur de l’ECPA a dit : « Nous sommes très contrariés par le fait que certains pays ont été influencés par des pressions politiques venant du Comité à l’environnement du Parlement européen, d’ONG et par le principe de précaution ».
Cette déclaration que le lobby de l’agrobusiness et spécialement l’ECPA soit « très contrarié que des pays puissent être influencés par […] le principe de précaution » est une forme d’honnêteté étonnante de la part d’une organisation de lobbying parmi les plus corruptrices de l’Union européenne.
Le principe de précaution veut dire qu’en cas de risques, même présumés, de dommage à la population ou à l’environnement alors, en l’absence de consensus scientifique quant à la sécurité de l’action ou de la politique envisagée, la charge de la preuve revient à ceux qui exercent cette action ou politique, dans ce cas, Monsanto et le lobby agrochimique. C’est une loi de l’Union européenne. On dirait que l’ECPA admet qu’elle porte peu d’estime à ce principe de précaution. La domination de l’agrobusiness über alles. Mieux vaut être désolé qu’en sécurité ?
L’AESA faux nez de Monsanto
En novembre 2015, l’AESA, l’Agence européenne pour la sécurité alimentaire, a ouvert la voie à la ré-autorisation du glyphosate. Elle a déclaré qu’ « il est peu probable que le glyphosate ait un effet cancérigène sur les humains… ». L’AESA s’est opposée aux déclarations de l’OMS en se basant sur six études financées par l’industrie agrochimique dont le détail des recherches n’a jamais été publié en entier ni dans des journaux scientifiques indépendants.
La déclaration de l’AESA comme quoi le glyphosate n’est pas cancérigène, et donc sain, se fonde sur une étude faussée du gouvernement allemand reposant elle-même sur une étude agrochimique faite par le Glyphosate Task Force. En résumé, une étude sans valeur réalisée par Monsanto et son Glyphosate Task Force a été sheep dippée [blanchie, NdT] par le gouvernement allemand pour lui donner un peu de crédibilité, puis transmis à l’AESA à Bruxelles qui l’a recommandée sans autre travail critique pour une autorisation par l’Union européenne.