« Nous, à chaque fois qu’on voit des policiers, des collègues se faire massacrer, parce que c’est un massacre, sur Paris ou autre, quand on voit des collègues au sol qui se font lyncher, nous on est presque autant blessés qu’eux, moi des fois j’avais des larmes aux yeux quand je regardais les infos, j’avais vraiment les armes aux yeux... »
Ce policier résume bien, avec son lapsus des « armes aux yeux », la problématique qui agite la France depuis 14 mois maintenant. Les forces de l’ordre, qui sont payées pour assurer l’ordre public, assurent désormais un ordre politique en tant que protecteurs d’un régime honni par une majorité de Français, ce qui ne veut pas dire que les macronistes doivent être lynchés, notamment par les foules en colère depuis le 17 novembre 2018, des foules qui ont été attaquées en premier par les réformes néolibérales d’un pouvoir qui se dit encore démocratique, et qui est bien le seul à le dire.
Regardez bien le type avec le t-shirt : c'est macron, le président français. Le sujet qui le fait sourire ? Les manifestants éborgnés au LBD ! 25 ont perdu la vision d'un oeil. La jeune femme, c'est Fiorina. Elle est borgne et là sa prothèse est un échec. Poilant !! #VironsMacron pic.twitter.com/LUBjpO6MGs
— walterkurtz (@kurtzisback1) January 30, 2020
Mais la surdité – et la morgue – du pouvoir devant les appels d’une partie du peuple en souffrance n’a fait qu’envenimer les choses : les manifestations ont augmenté en violence, et la répression n’a pas fait dans le détail. On ne reviendra pas ici sur la liste des blessés graves du côté des manifestants et sur la répression féroce de la « justice » à leur encontre.
On comprend donc le sentiment corporatiste des policiers du reportage, mais à part quelques provocateurs, il n’est pas de Gilets jaunes qui ont voulu « massacrer » les policiers.
Au contraire, dès le début, les GJ ont appelé les policiers à manifester à leurs côtés, puisque les conditions socio-économiques des deux camps, si l’on peut dire, sont identiques face au néolibéralisme destructeur ! Les policiers eux-mêmes ont manifesté leur colère le 2 octobre 2019 (trois jours avant un attentat meurtrier à la préfecture de Paris...) pour dire leur ras-le-bol devant leurs conditions de travail qui, on le sait, sont lamentables depuis des décennies. Le flic est aussi mal considéré par le pouvoir, visible ou profond, que le Gilet jaune. Ce sont deux portions d’un peuple en souffrance, qui devraient objectivement ne pas se taper dessus. Oui mais voilà, on sépare pour gouverner, les ordres sont les ordres, et la police est devenue l’auxiliaire d’une politique de dégradation sociale.
Pourtant, certains policiers sont conscients de la politisation de leur arme, arme étant comprise comme corporation :
« Vous croyez que je suis entré dans la police pour me battre contre la population ? Moi, je suis rentré dans la police pour arrêter des truands, pour arrêter des bandits, des voleurs et certainement pas pour me battre contre monsieur Tout-le-monde dans la rue. Et la maintenant on a passé un cap, on se prend des mortiers, des pierres par des gens qui ne sont pas des délinquants. Et qui le deviennent en faisant cet acte-là ! On prend des pierres par nos voisins, c’est ahurissant, et ça, ça nous marque forcément. On finit même par s’engueuler entre guillemets quelquefois avec des propres membres de notre famille qui sont pas d’accord avec nous, qui ont des idées politiques différentes... En fait on se rend compte que toutes les personnes sensées qui ont compris que c’était repris par des groupes d’extrêmes, extrémistes, récupérés, on s’est rendu bien compte que tous ceux-là ont quitté le navire en fait. Et ceux qui restent maintenant, malgré leur discours, en fait ils veulent en découdre avec nous et c’est tout, maintenant c’est de la contestation bête et méchante. »
Ce qu’oublie de dire ce policier pourtant lucide, c’est que le pouvoir macronien a tout fait pour envenimer les choses et provoquer une montée des radicalités, que ce soit chez les policiers, qui ont tabassé sauvagement des manifestants complètement inoffensifs, et chez les manifestants, dont les appels à la justice sociale n’ont jamais été entendus par un pouvoir plus totalitaire que démocratique, dans ses réformes destructrices et dans sa réponse ignoble à la souffrance sociale. L’idée du couple Macron-Philippe étant évidemment de montrer la violence des contestataires, assimilés aux plus radicaux d’entre eux, pour couper le grand public apeuré des revendications sociales légitimes qui scandaient les premières mobilisations. Le ventre bourgeois de la France, ou la classe moyenne supérieure, a donc suivi Macron et sa police dans sa stratégie de peur et de répression. Le résultat est une cassure de la nation, qu’on voit jusque dans le corps des policiers, qui doutent quand même, il ne faut pas se le cacher : ils se demandent avec anxiété jusqu’où cette politique barbare va les entraîner. Loin du peuple, trop loin du peuple.
Pour mémoire
C O L L E C T O R
Ce que disait #Macron au sujet des #ViolencesPolicieres ...en 2017 #greve30Janvier #GiletsJaunes #Lallement #Castaner #LBD40 https://t.co/MMw3ACsqO3
— (@tropical_boy) January 30, 2020