Suite au plan de paix de Donald Trump pour le Proche-Orient, l’éditorialiste du Monde Alain Frachon s’est interrogé sur la vraie motivation du président américain, que Benyamin Netanyahou qualifie peut-être un peu vite d’« ami » d’Israël.
« C’est le plus beau présent. Depuis son arrivée à la Maison-Blanche, Donald Trump a toujours conforté les thèses de la droite israélienne. Mais il vient là, à quelques semaines des élections du 2 mars en Israël, de donner au premier ministre Benyamin Netanyahou un cadeau gros comme Manhattan : le feu vert des États-Unis pour annexer une bonne partie du territoire palestinien de Cisjordanie.
La coalition de droite et d’ultradroite que mène “Bibi” ne demandait pas autre chose. Du “plan de paix”, présenté mardi 28 janvier à Washington, par Donald Trump, elle n’a d’ailleurs retenu que ce seul élément – qu’elle entend immédiatement mettre en œuvre. »
Netanyahou et sa coalition d’extrême droite, ou même fasciste, appelons un chat un chat, sont soutenus par Trump au moment où Netanyahou est accusé de corruption lourde. Le leader du Likoud ne voit dans le plan de paix que ce qui l’arrange, car il y a des cadeaux empoisonnés...
« Mais la vraie question que pose le plan est de savoir si pareil document fait de Donald Trump un “ami” d’Israël, comme le jure M. Netanyahou. La réponse est non. Parce qu’il y a des cadeaux empoisonnés. Il autorise l’État hébreu à placer sous sa souveraineté plus d’un tiers de la Cisjordanie : la vallée du Jourdain et toutes les colonies israéliennes de l’espace cisjordanien. Ce territoire palestinien a été conquis par Tsahal, l’armée israélienne, sur la Jordanie, lors de la guerre de juin 1967 : depuis, son statut de territoire disputé impose à l’occupant de n’en altérer en rien la physionomie. »
Pour les Palestiniens, ce plan est pourri : il n’y a plus de possibilité d’État, puisque le pays sera éclaté à cause des colonies israéliennes, qui ont été placées à dessein un peu partout, comme des clous dans le cercueil d’une Palestine future... On se permet d’ajouter un 4e paragraphe de Frachon parce qu’il résume tout, et que Le Monde, depuis longtemps, ne nous avait plus habitués à autant de sobriété, de justesse et de lucidité ! Même si le fond de l’article sourd (du verbe sourdre) d’un antitrumpisme de bon aloi...
« Mais, outre des paramètres limitant de façon draconienne l’exercice de sa souveraineté, ledit État sera cantonné à un territoire morcelé par les colonies, éclaté en mini-baronnies, sans continuité territoriale et perdant son accès direct à la Jordanie du fait de l’annexion de la vallée du Jourdain. Lâchés par les pays arabes, d’abord préoccupés par l’Iran, les Palestiniens sont perdants-perdants. Pour eux, la question est de savoir s’ils perdent plus en acceptant le plan ou en le rejetant. »
Frachon explique que Trump met un terme définitif à l’ordre international né après 1945. Et que si Israël accepte ce cadeau royal, qui va évidemment contre le droit (dont tout le monde se fout ou presque, en tous les cas qui pèse moins que la force), alors il entre dans une période de chaos imprévisible. Trump donne le Jourdain et une partie de la Cisjordanie à Israël, mais il n’en a pas le droit. Et s’il le fait, les conséquences peuvent être désastreuses pour Israël, qui se croit vainqueur pour l’éternité. Démonstration :
« L’ambition affichée est pour Israël d’annexer toute la Cisjordanie. C’est ce que souhaitent aussi ces 25 % d’électeurs républicains, clés pour la réélection de M. Trump en novembre : les protestants évangéliques – pour qui le Messie ne reviendra que le jour où les juifs auront reconquis le pays de leurs ancêtres.
Au bout de cette logique, il n’y a plus qu’un seul État entre la Méditerranée et le Jourdain, un État comptant autant d’Israéliens juifs que de Palestiniens. Israël a le choix : ne plus être un État démocratique en pratiquant une forme d’apartheid ; donner le droit de vote à tout le monde et former une entité étatique binationale où les juifs ne seront pas nécessairement majoritaires. Dans un cas comme dans l’autre, c’est la fin du rêve sioniste. “Les colonies sont un cancer”, disait l’ancien Premier ministre, Itzhak Rabin. »
Frachon finit son texte par le « couple Netanyahou-Trump, un duo toxique pour la région ». Sans supposer que Trump aurait pu piéger Netanyahou et ses faucons...
Justement, The Times of Israel met en garde ceux qui ont sauté de joie :
« De nombreux partisans du mouvement pro-implantations se sont empressés de saluer la publication, mardi, de “l’Accord su siècle” du président américain Donald Trump, disant que cette proposition de paix était la plus favorable à Israël jamais présentée dans l’Histoire.
Il y a eu certaines craintes liées à la vision d’un état palestinien telle que cette dernière est définie dans le plan – même si la fondation de cet État est soumise à une liste de réserves que les Palestiniens n’accepteraient jamais.
Mais les préoccupations face à l’adoption, par Trump, d’une “solution réaliste à deux États” ont été noyées par la jubilation entraînée par le feu vert donné à Israël, dans la proposition, d’annexer sans attendre la vallée du Jourdain et toutes les implantations de Cisjordanie. »
Les faucons israéliens qui vont se précipiter sur les territoires volés aux Palestiniens tomberont peut-être dans un piège. L’annexion de ces nouveaux territoires n’est pas à l’ordre du jour, l’administration américaine n’ayant pas encore travaillé précisément sur les cartes. Pourtant :
« Cela fait trois ans que la proposition est en préparation et les deux parties savaient bien que l’annexion en serait une partie majeure. Il est indubitable que Kushner et Friedman étaient conscients qu’un mois avant les élections, Netanyahou tenterait de rentabiliser le feu vert reçu pour l’annexion, une tentative de glaner davantage de soutiens. »
On le voit avec les articles suivants, si certains pays arabes ont été associés à la négociation, d’autres ne sont pas d’accord avec ce plan de « paix » qui annonce une redistribution des cartes et des confrontations futures.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a accusé le 31 janvier certains pays arabes de trahir la cause palestinienne, quelques jours après l’annonce par Donald Trump du plan de paix américain controversé visant à mettre un terme au conflit israélo-palestinien.
« Les pays arabes qui soutiennent un tel plan commettent une trahison envers Jérusalem, ainsi que leur propre peuple et, plus important, toute l’humanité », a martelé le président turc devant des responsables de son parti, à Ankara. Avant de surenchérir : « L’Arabie saoudite est silencieuse. Quand vas-tu faire entendre ta voix ? Oman, Bahreïn, pareil. Le gouvernement d’Abou Dhabi applaudit. Honte à vous ! Honte à vous ! »
L’Arabie saoudite avait, le 29 janvier, salué cette initiative américaine rejetée avec force par les Palestiniens :
« Le royaume apprécie les efforts de l’administration du président Trump visant à œuvrer pour un plan de paix complet entre les parties palestinienne et israélienne », avait commenté le ministère saoudien des Affaires étrangères.
Dans un communiqué diffusé sur Twitter, l’ambassadeur des Émirats arabes unis à Washington, Youssef al-Otaïba, avait également commenté le plan de paix en des termes similaires. Le diplomate émirati était par ailleurs aux côtés de ses homologues d’Oman et de Bahreïn lorsque le président américain a dévoilé son plan à la Maison Blanche, en l’absence des Palestiniens.
En totale contradiction avec le droit international, le plan de paix proposé par le président américain prévoit, entre autres, une reconnaissance des colonies annexées par Israël en Cisjordanie, et la reconnaissance de la souveraineté de l’État hébreu sur la vallée du Jourdain. Sans surprise, l’État hébreu a exprimé son entière adhésion au projet.
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Parallèlement, le président palestinien a coupé tous les ponts avec Israël et les États-Unis. Sputnik France revient sur les conséquences de l’accord USA-Israël sans les Palestiniens.
S’exprimant lors d’une réunion de la Ligue arabe, le Président palestinien Mahmoud Abbas a dénoncé l’Accord du siècle proposé par Washington pour le règlement du conflit israélo-palestinien et a déclaré que la Palestine avait informé Tel Aviv et Washington qu’elle rompait tous ses liens avec eux.
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« Nous avons envoyé deux lettres, la première au Premier ministre israélien par intérim Benyamin Netanyahou, la seconde aux États-Unis, qui annoncent que la Palestine n’aura aucune relation avec eux, y compris dans le domaine de la sécurité, en raison du fait qu’ils dénient des accords conclus précédemment et le droit international », a déclaré M.Abbas.
Dénonçant le plan de paix américain pour le Proche-Orient, le Président palestinien a indiqué qu’« il n’accepterait jamais cette solution » et qu’il ne voulait pas entrer dans l’Histoire comme le dirigeant qui a « vendu Jérusalem ».