« On veut la même chose que les gendarmes ! »
« Une des revendications, c’est de faire baisser le taux de suicide chez les policiers », annonce sans malice l’envoyée spéciale de France 24 lors de la « marche de la colère », qui a réuni, selon la police, 27 000 policiers ce mercredi 2 octobre 2019 à Paris (et 24 000 selon la presse). Quant à l’extrême gauche, elle n’a pas encore donné son comptage. Pourquoi parler d’extrême gauche dans une manifestation corporatiste de policiers ?
Parce que les policiers français souffrent, dans leur grande majorité, de la détestation que leur voue une partie de la gauche et une grande partie de l’extrême gauche. François Mitterrand n’a-t-il pas confié à Roland Dumas qu’il n’avait confiance que dans les gendarmes et ne supportait pas la police ? « Ce sont des gros alcooliques bons à rien », disait-il.
Violences policières à la marche des policiers. Paris, boulevard Beaumarchais, 2 octobre 2019 #marchedelacolere pic.twitter.com/gBQMo9nkyL
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Le sentiment antiflic est fort en France, et le crédit populaire, glané pendant les années de sang 2015-2016 où la BRI a eu raison des terroristes du Bataclan un soir de novembre 2015, a complètement fondu sous la répression féroce de la révolte des Gilets jaunes.
« C’est la première fois qu’il y a un mouvement social comme ça. Je suis venu pour les soutenir, parce que leurs conditions de travail, leurs horaires, l’agressivité qu’ils subissent, tout ça devient insupportable. Heureusement qu’il y a une grande solidarité entre eux, c’est ça qui les fait tenir. » (Étienne, policier fraîchement retraité, interrogé par Le Monde)
Ceci étant dit, les revendications des syndicats de police portent sur les conditions de travail et le salaire qui sont, comme chacun sait, médiocres. Cela explique les 52 suicidés cette année dans ce corps en charge de la sécurité des Français.
" Ces policiers, alors qu'ils remplissent vraiment une mission de service public, sont en train d'être perçu comme les adversaires de la population " @Claire_Chartier #pointsdevue #FigaroLive pic.twitter.com/Rh8XUXyN7G
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Si tous les Français ne soutiennent pas les Gilets jaunes, les sondages, si l’on s’y fie un peu, donnent quand même près de 50 % d’entre eux solidaires des actions de ces révoltés de la France périphérique et ce, après plus de 10 mois de lutte contre la politique gouvernementale et, surtout, contre une répression inédite en France depuis la guerre d’Algérie. À côté de ça, la révolution (orange) de Mai 68 était une balade de santé. Mai 68 a été une révolution sociétale, novembre 2018 est une révolution sociale.
Eric Drouet à la manifestation des policiers : pour le secrétaire général délégué d'Alliance Police Nationale, "c'est une provocation, une de plus" pic.twitter.com/qWSwp4HUDe
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Justement, la colère des policiers devrait rencontrer sans heurts la colère des Gilets jaunes, mais la hiérarchie policière, acquise au gouvernement, lui-même étant acquis à l’oligarchie, ordonne de tabasser les Français en colère. La convergence des luttes entre policiers et Gilets jaunes n’est pas encore pour demain, et pourtant, leurs revendications se rejoignent ! Mais les syndicats de policiers veillent à ne pas froisser leur hiérarchie...
Le problème est identique chez les pompiers, les hommes de terrain étant globalement révoltés par des conditions de travail indignes de leur grande utilité sociale, tandis que les officiers font passer les ordres hiérarchiques qui dénaturent cette institution précieuse. Le libéralisme, là aussi, fait mal.
Au lieu de se serrer la main, Gilets jaunes et policiers en sont presque venus aux mains :
#SputnikVidéo | « Marche de la colère » : un affrontement entre des policiers et des Gilets jauneshttps://t.co/R7lHGYOl8K#marchedelacolere #GiletsJaunes #Paris pic.twitter.com/ZewrNXSy7l
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Éric Drouet a expliqué sa présence dans la manifestation, ce qui a naturellement froissé les policiers :
Eric Drouet à la manifestation des policiers : "Qu'ils parlent aussi des violences qui se font chaque week-end" pic.twitter.com/1x0qIkfDm8
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Éric Drouet, présent avec quelques Gilets jaunes, hué par des centaines de policiers. Situation tendue #Bastille 2 octobre 2019 pic.twitter.com/FZovyXtF43
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Finalement, ce morcellement de la France révoltée sert et le pouvoir visible (Macron-Philippe-Castaner) et le pouvoir profond (les réseaux et lobbies).
Et si les policiers manifestaient chaque samedi, comme les Gilets jaunes ?
« Le reste de la marche se déroule dans le calme. La manifestation se disperse vers 17 heures, place de la République. Avec la promesse de revenir, si la situation ne s’améliore pas. Un policier à la retraite, qui refuse de donner son nom, joue les Cassandre : “La police nationale, c’est le dernier rempart de la République ; à l’Élysée, ils devraient faire attention à ce qu’il ne s’effondre pas parce qu’ils sont juste derrière.” » (Le Monde)